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détaché quatre bataillons pour tourner une petite redoute que sa faible garnison ne put défendre. Le jour commençait à poindre; les Hessois firent marcher deux bataillons sur cette redoute, qu'ils reprirent après deux attaques longtemps balancées. Les Français ayant donc entièrement manqué leur but à la gauche, commencèrent une retraite générale à la faveur d'une démonstration sur la droite, et Kléber protégea le mouvement rétrograde avec les troupes formées dans la plaine.

Le 14 avril, le corps de Kalkreuth, destiné à former l'investissement sur la rive gauche, s'établit provisoirement autour de la place. Il occupait les positions suivantes : La droite, composée de onze bataillons et de dix escadrons autrichiens, s'étendait sur les hauteurs depuis le Rhin jusqu'en avant de Wintersheim; douze bataillons et dix-sept escadrons prussiens, formant le centre, campaient près de Marienborn; les gardes couvraient en troisième ligne le quartier-général établi dans ce village; la gauche, forte de dix bataillons, campait sur une seule ligne entre Dreis et le Rhin. Le corps du général Schonfeld, fort de dix-neuf. bataillons et dix-sept escadrons, conserva ses positions devant Cassel. Lorsque tout fut disposé pour le siége, le roi de Prusse .vint en persone camper sur les hauteurs de Marienborn, au nord-ouest de Mayence.

Ces différentes positions furent couvertes de retranchemens. Le poste de Weissenau, inquiétant le flanc droit des assiégeans, la division autrichienne eut ordre de l'emporter le 16 avril. Le village fut incendié; mais les Français se maintinrent dans la partie basse, et se retranchèrent dans le cimetière qu'on canonna vivement. Le représentant Merlin y combauit. La garnison fit de fréquentes sorties qui donnèrent lieu à des engagemens fort vifs, presque toujours terminés à son avantage.

Le 26, un officier dépêché par Custine, se présenta, accompagné d'un parlementaire prussien. Le général en chef, craignant de ne pouvoir rien faire en faveur de la place, engageait la garnison à l'évacuer, en obtenant toutefois libre sortie pour elle et le matériel. Les généraux Doyré, Meunier et Aubert-Du

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bayet, firent rejeter cette proposition à l'unanimité. La réponse donnée au parlementaire prouva à Frédéric-Guillaume qu'il ne lui restait d'autre parti à prendre que d'ouvrir la tranchée. En attendant le retour de la belle saison, et l'arrivée de l'artillerie et des autres instrumens de siége qu'on tira des places du Brabant, le roi de Prusse passa, le 3 mai, sur la rive droite, et fit attaquer le village de Khosteim resté en possession des Français depuis la sortie de nuit du 10 au 11 avril. Ce poste important fut maintenu.

l'un

Les assiégés restèrent long-temps maîtres des dehors et des environs de la place. Là, avaient lieu des rencontres journalières dans l'une desquelles le chef d'une troupe de cavalerie défia l'officier de cavalerie prussienne à un combat singulier.-Et si je venais à vous comme ami, lui dit le Prussien. Je vous recevrais comme tel. Ils se tendirent la main, et firent avertir, Merlin, et l'autre le général Kalkreut, peu éloignés de ces avantpostes; là, un déjeuner où devait assister l'autre représentant du peuple Rewbell, et le prince Ferdinand de Brunswich, fut convenu pour le lendemain : il eut lieu en effet. D'autres conférences le suivirent; ce fut pendant ce siége que fut négocié ce cartel d'échange dont nous avons déjà parlé, et par lequel le roi de Prusse reconnaissait le premier la République française.

Après deux tentatives sans résultat, l'une dans les îles à la pointe du Mein, l'autre du côté de Mosbach, les généraux français entreprirent une sortie générale dans la nuit du 30 mai, et dirigèrent six mille hommes sur le quartier général de Marienborn, où se trouvaient le roi et le prince Louis de Prusse. Un incident singulier pensa faire, dit-on, réussir cette expédition ; Les grand'gardes prussiennes avaient eu, dans la même nuit, l'ordre de laisser passer quelques centaines de paysans réunis pour moissonner entre les deux armées; l'obscurité étant trèsgrande, on prit l'avant-garde des Français pour cette troupe de paysans, et on la laissa passer. Les compagnies de siége, soutenues par deux bataillons de Saintonge et de Beauvoisis, emportèrent vivement les premiers retranchemens; mais les coups

de fusil ayant mis bientôt la ligne sous les armes, ces troupes eurent de la peine à se retirer, et n'y parvinrent pas sans perte.

Dès-lors la garnison renonça aux grandes sorties; le lendemain l'ennemi fit feu de toutes ses batteries contre la place, où plusieurs incendies se manifestèrent. Le général Meunier attaqua le même jour l'île de Bley, à l'embouchure du Mein, avec un succès balancé. Au moment où il traversait la rivière pour retourner à Cassel, un biscayen lui fracassa le genou, et il mourut quelques jours après. Par un sentiment honorable à sa mémoire, les assiégeans firent une trève de quelques heures, pendant qu'on lui rendait les honneurs funèbres, se portèrent en armes sur leurs lignes, et répondirent par une salve générale à celles dont les Français honoraient la tombe de ce vaillant officier. Elle fut placée, d'après son vou, à la pointe du bastion de Cassel qu'il avait défendu.

La tranchée ne fut ouverte que deux mois après l'investissement, vers le milieu de juin. Il fallut aux assiégeans soutenir trois nuits de combats acharnés pour assurer les premiers travaux. Le front d'attaque embrassa tout le côté de la place où est située la citadelle, depuis le Rhin jusqu'aux ouvrages avancés du fort Philippe. Nous n'entrerons pas dans le détail des opérations, parce que nous serions obligés d'employer le langage technique et tout spécial du génie militaire. Les deux armées s'opposèrent longtemps toutes les ressources de cette science. Les travaux de l'assiégeant furent tenus éloignés des ouvrages de défense; souvent l'assiégé devint assaillant ; et dans les derniers jours du siége, l'ennemi n'avait pu encore se rendre maître que d'un ouvrage avancé duquel il fut délogé plusieurs fois; jamais ses batteries ne purent s'établir plus près que cent toises de l'enceinte extérieure des fortifications.

Cependant la disette se faisait déjà sentir dans la ville. Un chat se vendait six francs; la livre de cheval quarante sous. On mangeait les souris et le cuir. Les soldats, disait Thuriot à la séance du 4 août, étaient comme des spectres. Le général Doyré, cédant aux instances des habitans, permit à plusieurs de sortir

de leur ville; mais il les prévint en même temps qu'ils ne seraient probablement pas reçus par les assiégeans. Pressés par la crainte et par le besoin, deux mille de ces malheureux, vieillards, femmes, enfans, malades, sortirent des portes, et se présentèrent au camp; là, repoussée et refusée, cette multitude fut obligée de passer la nuit dans l'espace qui séparait les combattans, exposée au feu des deux armées; plusieurs furent tués, et le matin, les soldats français rapportaient dans les pans de leurs habits des enfans blessés ou abandonnés; Doyré fit rouvrir les portes aux émigrans.

Deux parallèles étaient achevées, et l'ennemi allait commencer l'ouverture de la troisième, lorsque la place capitula. Le conseil de défense, considérant que la viande manquait absolument, que la garnison avait mangé ses chevaux, que les moulins étaient détruits, et le grain bientôt consommé; enfin qu'en poussant les choses à l'excès, les dix-huit mille hommes qui restaient seraient forcés de mettre bas les armes, tandis qu'il était possible de conserver à la patrie ce précieux noyau d'armée; considérant enfin que la défense d'une place étrangère ne méritait pas le sacrifice de tant de braves, négocia la sortie libre de la place (1). La capitulation suivante fut proposée, débattue et signée :

Articles de la capitulation de Mayence, Cassel et dépendances.

« Art. Ier. L'armée française livrera à sa majesté le roi de Prusse, la ville de Mayence et Cassel, ainsi que leurs fortifications, et tous les postes qui en dépendent dans leur état actuel, avec les bouches à feu tant françaises qu'étrangères, munitions de guerre et de bouche, à la réserve des objets mentionnés suivans.

› II. La garnison sortira avec tous les honneurs de la guerre, emportant les armes, les bagages et autres effets appartenans

(4) Nous avons pris la narration du siége de Mayence dans Jomini et dans Toulongeon. Nous avons transcrit littéralement leur texte aussi souvent que nous l'avons pu. Tous les récits que nous avons consultés (Victoires et Conquêtes. — le Dictionnaire des batailles. Mémoires d'un homme d'état.) sont copiés sur 'un ou sur l'autre de ces deux auteurs. (Note des auteurs.)

en propre aux individus de la garnison, et des vivres pour la

route.

› Accordé, à condition que la garnison ne servira point durant un an contre les armées des puissances coalisées, et que si elle emmène quelques chariots couverts, sa majesté prussienne se réserve de les faire visiter, en cas où elle le jugerait à propos.

> III. Il sera accordé à la garnison d'emmener avec elle les pièces de campagne et caissons. (Refusé).

› IV. Les officiers généraux et particuliers, commissaires de guerre, chefs et employés des différentes administrations de l'armée, et généralement tous les individus français, emmèneront leurs chevaux, voitures et effets. (Accordé.)

› V. La garnison restera dans la ville quarante-huit heures après la signature de la présente capitulation, et si ce délai n'était pas suffisant pour les dernières divisions, il lui sera accordé une prolongation de vingt-quatre heures. (Accordé.)

› VI. Il sera permis aux commandans et chefs d'envoyer un ou plusieurs agens, munis d'un sauf-conduit de sa majesté prussienne, pour aller chercher les fonds nécessaires pour l'échange de la monnaie de siége, et jusqu'audit échange ou jusqu'à l'époque d'un arrangement pris à ce sujet, la garnison française demande à laisser des otages qui puissent compter sur la protection de sa majesté prussienne. (Accordé.)

› VII. La garnison de Mayence et dépendances, lors de son évacuation, se mettra en route pour la France sur plusieurs colonnes, partira à termes différens; à chaque colonne, il sera fourni une escorte prussienne jusqu'à la frontière, pour la sûreté. Le général Doyré aura la liberté d'envoyer à l'avance des officiers de l'état-major et des commissaires des guerres, pour pourvoir à la subsistance et à l'établissement des troupes françaises. (Accordé.)

» VIII. Dans le cas où les chevaux et voitures appartenant à l'armée française, ne suffiraient pas au transport de ses effets de campement et autres désignés par les articles précédens, il leur en sera fourni du pays, en payant. (Accordé.)

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