Page images
PDF
EPUB

faibles que coupables. (De violens murmures s'élèvent dans la partie droite.) On vous parle des départemens; les départemens n'ont qu'une opinon; les administrateurs sont aux conspirateurs peutêtre; mais le peuple est à vous. (Vifs applaudissemens.) Oui, le rapport sera fait, il sera énergique et complet; car il comprendra tous leurs crimes; mais il faut réunir toutes les pièces, toutes les preuves, tous les aits. Les preuves, nous n'en avons pas besoin, mais du moins elles réduiront les complices au silence. Pour nous, puisqu'il nous est prouvé que les complices de Brissot ne sont pas plus délicats qui lui, afin de prévenir les malheurs de la guerre civile que l'on fomente, je demande que l'on mette aux voix le projet de décret du comité de salut public.

>

Fonfrède essaya de faire passer, comme amendement, que le lieu de la détention des députés fût positivement désigné dans le décret. Ni cette proposition, ni la demande d'un appel nominal pour la question préalable, ne furent acceptés, malgré la violente opiniâtreté du côté droit. Le lendemain, il y eut des scènes de sentiment. Duroy, député, siégeant à l'extrême gauche, demanda que Bertrand, membre de la commission des Douze, ne fût point transféré dans une maison nationale. Il fit valoir pour motif que ce député venait de perdre sa femme, et qu'il demeurait chargé de six enfans en bas àge. D'ailleurs, disait Duroy, Bertrand était resté entièrement étranger aux actes qui avaient rendu si odieuse la commission des Douze. Malheureusement ce dernier avait publié quelques jours auparavant un écrit qui respirait ‹ la plus violente aristocratie, et il suffit à Charlier de rappeler ce fait pour écarter la supplique de Duroy. On lut ensuite une lettre de Boileau; il crachait le sang, et sollicitait la permission de ne pas quitter son domicile : Maure et Roux-Fusillac firent décréter sa demande. Puis ce fut une lettre de la femme de Gardien, priant la Convention de l'autoriser elle et ses quatre enfans à s'enfermer avec son mari dans le lieu qui serait déterminé pour sa détention. De vifs et unanimes applaudissemens appuyè rent cette demande; elle fut aussitôt convertie en motion et décrétée. La Montagne regrettait de ne pouvoir se montrer plus

généreuse; il lui fallait sacrifier sa pitié pour les individus aux devoirs que lui imposait la sûreté générale. Membre du comité de ce nom, Maure exposa dans un long discours l'humanité avec laquelle on avait traité les détenus, et les abus qui en étaient résultés. Dernièrement encore, l'ami de Brissot, arrêté avec lui, et qui, pour réparer les fatigues du voyage, avait obtenu de garder sa chambre, s'était évadé en trompant on gendarme. Des réclamations particulières continuèrent à s'élever, mais l'assemblée ne voulut pas statuer, et le rapport général sur les détenus fut fixé au lendemain 26.

Le 25 au soir, Drouet annonça que Vergniaud n'ayant pu cor rompre son gendarıne, en lui offrant 150 francs, avait enivré ses gardes, et profité de l'instant où ils avaient perdu la raison pour s'échapper (1). Robespierre prit la parole. « Il me semble, dit-il, que nous nous occupons trop de ces misérables individus. Je sais bien qu'ils voudraient que la République ne pensât qu'à eux seuls, mais la République ne s'occupe que de la liberté. Je crois que le meilleur parti à prendre, en attendant que les preuves soient acquises, non pour nous convaincre de leurs trahisons, mais pour fournir des matériaux à l'histoire, c'est de prendre des inesures pour sauver la République, et la retirer du bord du précipice où ils l'ont entraînée. Ne vous y trompez pas, les plaies de l'état sont profondes, la misère publique est grande; prenez garde que les malveillans ne profitent des malheurs qui accompagnent les révolutions, pour égarer le peuple. Faites des lois populaires, posez les bases de l'instruction publique, régé

(4) La nouvelle de l'évasion n'était pas exacte, mais le fond était vrai. A la séance du 8 juillet, Ducos ayant essayé de disculper entièrement Vergniaud, Couthon lui répondit : « J'observe à Ducos que le jour où le bruit courait que Verguiaud s'était évadé, il vint au comité de salut public, et nous dit que Vergniaud était sorti avec son garde, que celui-ci lui observa que, s'il voulait s'échapper, ii ne pourrait guère l'en empêcher. Vergniaud lui répondit: Je suis sorti de chez moi, parce que je crains pour mes jours; mais si je m'échappais, je vous indemniserais. Ducos ajouta que cette ingénuité prouvait que l'intention de Vergniand était de rester. Je dis à Ducos que je pensais autrement que lui, et que je regardais Vergniaud comme ayant cherché à corrompre son garde. »

(Note des auteurs.)

nérez l'esprit public, épurez les mœurs, si vous ne voulez perpétuer la crise de la révolution. L'intention de nos ennemis est de rallumer la guerre civile dans cette assemblée; on voudrait que la Convention présentât le spectacle des divisions qui déchirent la France. Tel est le motif de cette affectation à demander que vous vous occupiez de ces misérables individus, qui, quoique frappés par la loi, lèvent l'étendard de la révolte. On voudrait vous occuper d'un procès pendant au tribunal de la nation, tandis que vous êtes occupés à rassembler les faits sur les véritables causes de nos maux, sur le long système de calomnie inventé pour décréditer la révolution aux yeux de la France et de l'Europe.

[ocr errors]

› Voilà la tâche que s'est imposée le rapporteur : elle est grande, car il doit présenter le tableau d'une grande conspiration. On veut hâter le rapport, afin qu'on ne puisse présenter que des faits détachés, suffisans sans doute pour les démontrer criminels, mais non propres à offrir l'importance d'une conjuration tramée pendant plusieurs années. On veut vous entretenir de quelques scélérats, tandis que l'intérêt seul, le grand intérêt de la République, doit fixer votre attention.

» Je demande que, sans avoir égard au décret surpris ce matin par des hommes qui devraient garder le silence, vous preniez des mesures pour écraser leurs complices de la Vendée. N'est-ce pas insulter la Convention que de lui parler en faveur des Vergniaud, des Brissot, lorsqu'on leur prépare les moyens de fuir. Laissons ces misérables avec les remords qui les poursuivent. Que la Convention se rappelle qu'elle doit lutter contre tous les ennemis de la liberté pour les anéantir, qu'elle continue d'être populaire, qu'elle soit révolutionnaire, je demande le rapport du décret qui ordonne que demain on fera le rapport sur les détenus, et que la Convention s'occupe des grands intérêts de la nation. »

La Convention décréta les conclusions de Robespierre, et, Saint-Just, chargé du rapport sur les trente-deux députés, ne lut son travail qu'à la séance du 8 juillet. On n'atteignit cepen

dant pas la fin du mois, sans qu'on n'eût encore à s'occuper des Girondins. Le 29, on apprit l'évasion de Kervélégan. Le 30, un député de la ville de Moissac, présenta à la barre une adresse des habitans de cette ville, par laquelle ils demandaient qu'on révoquât le décret qui avait ordonné l'arrestation de trente-deux députés; qu'il fût fait un rapport sur les membres détenus, en leur présence; qu'ils fussent jugés par un tribunal séant hors de Paris; enfin que la Convention votât en liberté, ou qu'elle sortît d'une ville indigne de la posséder. Le côté droit demanda l’insertion au bulletin; le côté gauche, l'ordre du jour. « Prouvez donc leurs crimes! » s'écria une voix. Ils sont dans leur fuite,

répliqua Maure, Biroteau vient de s'échapper. ›

jour fut adopté.

L'ordre du

Quoique si souvent et si obstinément détournée du but national pour débattre les intérêts de quelques individus, la Convention avait beaucoup fait néanmoins pour la question révolutionnaire. L'emprunt forcé d'un milliard sur les riches était décrété. Le 22, il avait été décidé que cet emprunt frapperait proportionnellement le revenu dont le premier degré imposable fut fixé à dix mille livres. Le 23, la Constitution fut achevée; Hérault-Séchelles en donna une lecture définitive le 24. Les points les plus intéressans de la discussion portèrent sur 1 impôt et sur le droit des gens. Le 17, Levasseur et Ducos demandèrent qu'il ne fût exigé aucune contribution de celui qui n'avait que l'absolu nécessaire. Cambon, Fabre-d'Églantine et Robespierre, firent rejeter cette proposition. « J'ai partagé un moment, dit ce dernier; l'erreur de Ducos; je crois même l'avoir écrite quelque part; mais j'en reviens aux principes, et je suis éclairé par le bon sens du peuple, qui sent que l'espèce de faveur qu'on lui présente n'est qu'une injure. En effet, si vous décretez, surtout constitutionnellement, que la misère excepte de l'honorable obligation de contribuer aux besoins de la patrie, vous décrétez l'avilissement de la partie la plus pure de la nation; vous décrétez l'aristocratie des richesses, et bientôt vous verriez ces nouveaux aristocrates, dominant dans les législatures, avoir l'odieux ma

chiavélisme de conclure que ceux qui ne paient point les charges ne doivent point partager les bienfaits du gouvernement; il s'établirait une classe de prolétaires, une classe d'îlotes, et l'égalité et la liberté périraient pour jamais. N'ôtez point aux citoyens ce qui leur est le plus nécessaire, la satisfaction de présenter à la République le denier de la veuve. Bien loin d'écrire dans la Constitution unê distinction odieuse, il faut au contraire y consacrer l'honorable obligation pour tout citoyen de payer ses contributions.

< Ce qu'il y a de populaire, ce qu'il y a de juste, c'est le principe consacré dans la déclaration des droits, que la société doit le nécessaire à tous ceux de ses membres qui ne peuvent se le procurer par leur travail. Je demande que ce principe soit inséré dans la Constitution, et que le pauvre qui doit une obole pour sa contribution, la reçoive de la patrie pour la reverser dans le tré. sor public. >

L'incident sur le droit des gens fut soulevé par Mercier à la séance du 18. Il s'agissait de décréter que le peuple français ne faisait point la paix avec un ennemi qui occupait son territoire. Mercier s'y opposa, demandant avec emphase, si on avait fait un traité avec la victoire. « Nous en avons fait un avec la mort, > répondit Bazire, et l'article fut voté par acclamation. Lorsque, à la séance du 23, la déclaration des droits fut lue, les Girondins ne prirent aucune part à la délibération. Billaud-Varennes demanda l'appel nominal pour constater ce fait, mais il se désista sur l'observation de Robespierre qui aimait à se persuader, que si quelques hommes ne s'étaient pas levés, c'était plutôt parce qu'ils étaient paralytiques, que mauvais citoyens. En ce moment de nombreuses députations vinrent féliciter l'assemblée. Nous allons transcrire cette dernière partie de la séance. Dufourny porta d'abord la parole au nom des corps administratifs. Pache vint ensuite :

[Le maire de Paris. « Les habitans de Paris et ceux des communes environnantes s'empressent de vous témoigner leur gra

T. XXVII.

14

« PreviousContinue »