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res tentatives fédéralistes opérées en Normandie. Le 13, des députés de Vernon dénoncèrent à la Convention nationale l'arrêté du département de l'Eure, déjà connu du lecteur. Cet arrété enfanté, dirent-ils, par Buzot et plusieurs de ses complices, actuellement à Évreux, provoquait les départemens circonvoisins à se coaliser et à marcher contre Paris. En même temps, une lettre de Félix Wimpfen annonçait l'arrestation de Romme et de Prieur, par les administrateurs du Calvados. Ces actes étaient décisifs; ils offraient à la majorité conventionnelle des -griefs matériels contre le sGirondins, et elle ne pouvait plus s'abstenir, par défaut de preuves, de prononcer définitivement sur le sort de quelques-uns. Cependant le côté gauche n'obtint que le décret d'accusation contre Buzot. Il demanda en vain que ce décret frappât aussi Lasource, Gorsas, Salles et Larivière, coupables du même crime que Buzot; encore ce dernier ne fut-il décrété qu'au milieu des murmures et des réclamations du côté droit, exigeant qu'avant tout le décret d'accusation fût porté contre Henriot, commandant provisoire de la force armée de Paris. Or, Henriot, principalement dénoncé aux départemens comme conservant un titre qui lui avait été conféré par un comité révolutionnaire, et non par les sections assemblées, s'était démis de sa charge deux jours auparavant (1). Ce fut dans le cours de cette discussion que Danton prononça un discours dont quelques phrases ont été recueillies par tous les historiens, en voici la partie remarquable :

Danton.

Nous touchons au moment de fonder véritablement

(1) « Le commandant provisoire, Henriot, donne sa démission. «Le calme est › rétabli, dit-il, mes services ne sont plus nécessaires; il faut d'ailleurs qu'un › général de sans culottes sache être soldat. Je rentre dans mon obscurité, ou » plutôt je redeviens soldat pour servir encore le peuple et lui sacrifier mon sang > et ma vie s'ils lui sont nécessaires. » (Applaudissemens.)

> Le vice-président répond au citoyen Henriot, et lui donne le baiser fraternel. Le conseil arrête qu'il sera fait mention civique au procès-verbal de la manière honorable dont il a donné sa démission, qu'il sera invité à ne quitter ses fonctions qu'après son remplacement pour lequel les sections sont convoquées à lundi prochain. » (Procès-verbal de la commune du 11 juin.) (Noie des auteurs.)

la liberté française, en donnant à la France une Constitution républicaine. C'est au moment d'une grande production que les corps politiques comme les corps physiques paraissent toujours menacés d'une destruction prochaine. Nous sommes entourés d'orages, la foudre gronde. Eh bien! c'est du milieu de ses éclats que sortira l'ouvrage qui immortalisera la nation française; rappelez-vous, citoyens, ce qui s'est passé du temps de la conspiration de La Fayette. Nous semblions être dans la position dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui ; rappelez-vous ce qu'était alors Paris; les patriotes étaient opprimés, proscrits partout, nous étions menacés des plus grands malheurs; c'est aujourd'hui la même position, il semble qu'il n'y ait de péril que pour ceux qui ont créé la liberté. La Fayette et sa faction furent bientôt démasqués; aujourd'hui les nouveaux ennemis du peuple se sont trahis eux-mêmes, ils ont fui, ils ont changé de noms, de qualités, ils ont pris de faux passeports. ( On applaudit. ) Ce Brissot, ce coryphée de la secte impie qui va être étouffée, cet homme qui vantait son courage et son indigence en m'accusant d'être couvert d'or, n'est plus qu'un misérable qui ne peut échapper au glaive des lois, et dont le peuple a déjà fait justice en l'arrêtant comme un conspirateur. On dit que l'insurrection de Paris cause des mouvemens dans les départemens ; je le déclare à la face de l'univers, ces événemens feront la gloire de cette superbe cité; je le proclame à la face de la France, sans les canons du 31 mai, sans l'insurrection, les conspirateurs triomphaient; ils nous donnaient la loi. ( On applaudit à plusieurs reprises dans une trèsgrande partie de l'assemblée et dans les tribunes.) Que le crime de cette insurrection retombe sur nous. Je l'ai appelée, moi, cette insurrection, lorsque j'ai dit que s'il y avait cent hommes dans la Convention qui me ressemblassent, nous résisterions à l'oppression, nous fonderions la liberté sur des bases inébranlables.

› Rappelez-vous qu'on a dit que l'agitation qui règne dans les départemens ne s'était manifestée que depuis les événemens qui se sont passés ici, Eh bien! il y a des pièces qui constatent qu'a

vant le 31 mai les départemens avaient envoyé des circulaires pour faire une fédération et se coaliser. › (Un grand nombre de voix : C'est vrai.)

Couthon, jugeant que le moment était venu de mettre un terme aux récriminations sans cesse renaissantes contre le 31 mai, demanda formellement que la Convention fixât l'opinion de la France sur cet événement. Appuyé par Robespierre, il fit décréter la proclamation suivante, à la lecture de laquelle la droite éclata en violens murmures, pendant que le reste de l'assemblée et les tribunes applaudissaient avec non moins d'énergie.

< La Convention nationale déclare que dans les journées des 31 mai, 1er, 2 et 3 juin, le conseil-général révolutionnaire de la Commune et le peuple de Paris, ont puissamment concouru à sauver la liberté, l'unité et l'indivisibilité de la République.

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-Parmi les moyens que les Girondins employaient pour entretenir et fortifier les dissensions entre Paris et les départemens, nous ne devons pas oublier la fausse circulaire dénoncée par Garat, ministre de l'intérieur, à la séance du 16. Par cette lettre, qu'on avait signée de son nom, et qu'on avait répandue dans plusieurs parties de la République, les corps administratifs étaient invités à recevoir une dictature composée de Marat, Danton et Robespierre. Des motifs de frapper individuellement d'accusation certains députés détenus, et de prendre à l'égard de tous des précautions plus grandes, se succédèrent rapidement dans le courant de juin. Le 15, Berlier fit rendre un décret d'arrestation contre Duchâtel, dénoncé par les commissaires Choudieu et Bourbotte, et, dont une lettre trouvée dans la poche d'un des chefs des rebelles vendéens, avait prouvé qu'il était en correspondance avec eux. Le 17, à la suite de réclamations contre le tribunal, soi-disant populaire, de Marseille, par des citoyens de cette ville, Thuriot demanda et obtint le même décret contre Barbaroux, dont les perfides conseils étaient, dit-il, la cause des désordres qui affligeaient ce département. Brissot et Félix Wimpfen furent également décrétés d'accusation; l'un, le 25; l'autre, le 26. Ce dernier avait écrit la lettre suivante :

Félix Wimpfen, général en chef au ministre de la guerre.-Caen, le 24 juin. « Il est très-aisé de faire un nouveau théâtre de la guerre; plus aisé encore de maintenir la paix. Que le comité de salut public fasse rapporter les décrets rendus contre les admi→ nistrateurs et ceux qui ont été la cause du mouvement. Voyez le Calvados fort de trois départemens et de toute la ci-devant Bretagne, dont le quartier-général est à Caen. Voyez la fermentation qui a lien dans toute la France. Reconnaissez dans les départenens ce que vous avez reconnu tant de fois dans Paris. Si la Convention continue de voir à rebours, elle causera de grands malheurs. On demande que je me rende à Paris pour donner des renseignemens. Le général ne pourrait le faire qu'accompagné de soixante mille hommes; l'exigerez-vous de lui? »

-D'abord on avait usé de beaucoup d'indulgence à l'égard de ceux qui s'étaient soumis au décret d'arrestation; détenus dans leur domicile, sous la surveillance d'un gendarme, ils étaient en quelque sorte prisonniers sur parole. Le 16, Vergniaud avait obtenu la permission de sortir de chez lui, accompagné d'un garde. Les choses allaient ainsi, lorsqu'à la séance du 24, la Convention apprit l'évasion de Pétion et celle de Lanjuinais. Alors, au nom du comité de sûreté générale, Amar proposa de faire traduire dans des maisons nationales, les membres qui ne s'étaient pas encore soustraits à la loi. Ducos réclama contre cette mesure, parce qu'elle était, selon lui, injurieuse pour la Convention, et vexatoire pour les membres qui en étaient l'objet. Permettezmoi, continua Ducos, de vous proposer des mesures plus dignes de vous et de la justice du peuple que vous représentez. Tous les membres de cette assemblée, auxquels je m'adresse individuellement, me paraissent pénétrés de ces principes de justice que je réclame; par quelle fatalité, réunis sur ces bancs, étouffent-ils ma voix par des murmures, ou ne partagent-ils plus mes sentimens? Je demande que vous entendiez sous trois heures un rapport qui devait l'être sous trois jours; car enfin, sur quoi voulez-vous que l'opinion publique se repose? La laisserez-vous perpétuellement fluctuante et incertaine?.... › ( Couthon. Elle

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se fixera, et vous jugera.... » ) ‹ Je demande la question préalable sur le projet de décret qui vous est présenté, et que demain le rapport soit fait sur les membres détenus. ›

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Robespierre s'élance à la tribune. Un semblable langage, s'écrie-t-il doit paraître étonnant sans doute. Quoi! il existe encore des hommes qui feignent d'ignorer, de douter des faits que la France entière connaît!.... ( Un mouvement violent éclate dans la partie droite.) Quoi! c'est au moment où les brigands de la Vendée ravagent nos départemens, que l'audace de leurs complices s'éveille dans notre sein, et que nous entendons dans cette enceinte les cris de la révolte! On a dit qu'on demandait un rapport pour vous-mêmes; quoi! l'on met en parallèle la Convention nationale et une poignée de conspirateurs! (Applaudissemens.) C'est ici qu'on tient le langage de la Vendée, et des administrateurs qui la soutiennent! (De nouveaux applaudissemens éclatent dans les tribunes et dans une grande partie de la salle, en même temps que de violens murmures se font entendre dans la partie droite.)

Legendre. Je demande que le premier rebelle, le premier de ces révoltés (en désignant la partie droite) qui interrompra l'orateur soit envoyé à l'Abbaye. ( Vifs applaudissemens.)

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Robespierre. Quoi! on ose vous comparer à de lâches conspirateurs! on met la Convention nationale auprès de Brissot, lâche espion de police, cet homme que la main du peuple a saisi couvert d'opprobres et de crimes! et on feint de demander un rapport, comme si on ne connaissait pas les crimes des détenus !

› Leurs crimes, citoyens, sont des calamités publiques; l'audace des conspirateurs, la coalition des tyrans de l'Europe, leur antique alliance avec le tyran, les lois qu'ils nous ont empêchés de faire, la Constitution sainte qui s'est élevée depuis qu'ils n'y sont plus, la Constitution, qui va rallier tous les Français, en dépit des clameurs des véritables factieux; car, n'en doutez pas, c'est à la Constitution que s'attacheront les Français, et non à Brissot ou Gensonné. (On applaudit.) Citoyens, ne vous y trompez pas, qu'aucune crainte ne vous engage à ménager des hommes aussi

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