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Dans le volume précédent, nous avons exposé les derniers momens de la lutte engagée entre le côté droit et le côté gauche de la Convention. Nous avons vu succomber le parti qui semblait avoir toutes les chances en sa faveur. La Gironde, en effet, disposait à son gré de la majorité de l'assemblée, et celle-ci lui fut fidèle jusqu'au dernier instant; elle possédait tous les organes de la presse, et par là semblait maîtresse de l'opinion. Elle avait de nombreux amis dans l'armée, dans le ministère, dans les départemens et jusque dans les sections de Paris ; la plus grande partie des agens de l'administration lui étaient dévoués. Aussi les Girondins comptaient écraser leurs adversaires, et leur chute, précipitée au moment où ils se croyaient près du triomphe, ne les surprit pas moins qu'elle n'étonna toute la France; elle nous étonne encore aujourd'hui.

Nous avons exposé avec un soin religieux toutes les périodes, toutes les chances d'un combat où les deux partis avaient engagé leur fortune et leur vie. Nous en avons suivi tous les accidens; nous n'avons rien abrégé et nous avons rapporté toutes les pièces, tous les documens officiels d'un procès que les historiens n'ont

T. XXVIII,

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point encore jugé, d'un événement qui doit être considéré comme le principal et le plus important enseignement révolutionnaire des temps modernes. En effet, quel est, autour de nous, le peuple qui ne puisse être appelé demain à répéter toutes les phrases de notre révolution ! L'histoire n'est pas faite seulement pour raconter le passé, mais pour instruire l'avenir.

Nous n'avons pas cependant encore donné à nos lecteurs tous les renseignemens nécessaires. Il nous reste à leur soumettre les écrits principaux publiés par les deux partis. Nous avons cru devoir y employer les premières feuilles de ce volume, et nous nous sommes fait d'autant moins de scrupule d'augmenter notre histoire du 31 mai, qu'après cette époque jusqu'au neuf thermidor l'importance des faits parlementaires est presque nulle; le temps des délibérations, des discussions, des débats de tribune est fini; on passe à l'action; en sorte que nous pourrons regagner par une narration rapide l'espace que nous semblons, peut-être aux yeux de quelques-uns, avoir perdu à raconter les débats de l'assemblée, de la Commune et des Jacobins.

Les documens que nous réunissons ici sont :

1o Les journées du 31 mai, 1er et 2 juin, par Gorsas; 2o la brochure intitulée Compte rendu et déclaration par J.-B.-M. SALADIN, député du département de la Somme, sur les journées des 27 et 51 mai, 1er et 2 juin ; 3° un placard qui porte pour titre : Lettre d'un grenadier du bataillon de la Butte-des-Moulins à un citoyen du département de la Gironde; 4° l'adresse de Brival, député de la Corrèze, à tous les habitans de son département, pour les instruire sur la nature et les motifs de l'insurrection du 31 mai; 5° le rapport de ce même Brival sur les papiers de Rolland; 6o une brochure intitulée : BERGOEING, député de la Gironde, et membre de la commission des Douze, à ses commettans, et à tous les citoyens de la République; 7° l'adresse de la société des Jacobins sur les événemens du 31 mai.

La brochure de Gorsas est un pamphlet contre les Jacobins; les faits qui s'y trouvent sont ou altérés ou défigurés, ou faux. Cet écrit n'a de valeur qu'à cause de l'estime qu'en font les his

toriens girondins; c'est même le seul motif qui nous a déterminé à le réimprimer. Il ne faut pas oublier que Gorsas était un montagnard transfuge, qu'il avait participé de sa plume et de sa personne aux massacres de septembre, et qu'il proportionna dans la suite sa palinodie à ses premières exagérations en sens contraire.

Le compte rendu de Saladin est une pièce girondine où l'insurrection du 31 mai est principalement discutée du point de vue constitutionnel. Les notes de cette brochure sont précieuses à cause du grand nombre de faits qu'elles renferment.

La lettre du grenadier de la Butte-des-Moulins est un placard original du temps, dont peut-être il ne reste d'autre exemplaire que celui que nous avons entre les mains. Cette considération aurait suffi pour nous le faire transcrire; mais il s'y ajoute celle qui se rattache à une pièce jacobine émanée d'un bataillon connu par son girondinisme.

L'adresse de Brival à ses commettans est une pièce rare. Elle peut être regardée comme un manifeste jacobin sur la question politique du 31 mai, et comme une apologie de Paris.

Le rapport de ce même Brival sur les papiers de Rolland, pièce imprimée par ordre de la Convention nationale, n'existe à notre connaissance dans aucun recueil fait depuis, et qui tous sont, en effet, composés dans un esprit girondin.

Enfin la brochure de Bergoeing imprimée à Caen, pendant la proscription de l'auteur, est le document girondin où se trouvent tous les détails qui nous restent sur les préparatifs de l'insurrection du 31 mai. Elle renferme : 1° des dépositions sur les séances tenues à la Commune pour la formation de la liste des suspects et pour la répartition de l'emprunt forcé, par une com-mission composée de membres des comités révolutionnaires des sections; ce fut cette commission qui fut dénoncée comme conspiratrice par la section de la Fraternité; 2o des depositions sur quelques séances des Cordeliers, et sur celles qui eurent lieu à l'Archevêché pour arrêter et exécuter l'insurrection.

DES ÉVÉNEMENS

QUI ONT EU LIEU A PARIS,

DANS LES JOURNÉES DES 30 ET 31 MAI, 1 ET 2 JUIN 1793,

PAR A.-J. GORSAS,

Député à la Convention nationale, l'un des trente-quatre proscrits.

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Depuis la fameuse nuit du 10 mars, Paris ne jouissait que d'un calme apparent; l'anarchie avait envoyé ses émissaires dans les diverses parties de la République ; ces apôtres du brigandage, couverts d'un faux masque de patriotisme, affectant le langage et les habitudes du peuple, afin de le mieux tromper, avaient la mission secrète de désorganiser les départemens, d'exciter les défiances, d'armer cette classe si honorable d'hommes, dont le travail et l'industrie sont de véritables propriétés, contre les citoyens qu'ils désignaient sous le titre de riches, et sur lesquels ils appelaient les proscriptions et les vengeances.

Le succès ne répondit point aux espérances du crime; dans les départemens, ils trouvèrent de vrais Français, de généreux républicains, qui, ralliés auprès de l'arbre de la liberté et serrés autour du faisceau de la loi, ne connaissaient point le langage de la licence, respectaient les propriétés, et dont le cri de ralliement était Paix aux hommes vertueux, guerre aux souffleurs d'anarchie!.....

Bientôt les cent têtes de l'hydre éparses dans les départemens se réunirent à Paris, où la principale continuait ses ravages et méditait de nouveaux attentats.

Mais depuis quelques jours les bons citoyens commençaient à

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