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dination, on peut encore réparer nos pertes, qui ne sont, hélas, que trop considérables! Signé TALLIEN.

› P.-S. L'ennemi s'est emparé hier, à deux heures et demie de Chinon; demain, peut-être, il sera à Tours; Le Mans, La Flèche, Angers, sont également menacés. Nous ne perdons cependant pas espoir; nous comptons beaucoup sur l'armée de Niort. ›

A la première rumeur d'un échec aussi considérable tout Paris fut en mouvement. Non-seulement on approuvait l'arrêté du conseil-général du département, mais encore on ne parlait que d'un départ en masse pour en finir d'un seul coup avec les rebelles. Cette colère irréfléchie fut blâmée par quelques hommes graves, et il en résulta aux Jacobins une séance extrêmement orageuse.

La révolution était loin d'être assez forte à Paris pour que cette ville pût se dégarnir impunément de patriotes. Les Girodins luttaient encore avec avantage dans certaines sections, et ils n'attendaient qu'une occasion favorable pour renouveler les désordres du commencement de mai.

Nous lisons dans le procès-verbal de la Commune du 12 juin :

< Un membre du comité de salut public annonce qu'il existe les plus grands troubles dans la section de la Croix-Rouge, que les aristocrates, s'y trouvant en force, ont cassé le comité révolutionnaire, insulté et conspué les patriotes. Il demande que le conseil nomme des commissaires pour se rendre à cette section, et y ramener le calme.

› Plusieurs parlent alternativement sur cet objet, présentent le tableau des sections qui se trouvent animées du même esprit que celle de la Croix-Rouge, et proposent différentes mesures pour éloigner les contre-révolutionnaires des assemblées géné rales des sections. Après une discussion assez prolongée, le conseil, vu l'urgence, arrête qu'avant de rien statuer sur les mesures générales, il sera nommé des commissaires pour se transporter sur-le-champ à la section de la Croix-Rouge et y ramener le

calme. Gattrez, Simon, Lépine et Magendy sont chargés de cette mission. >

D'un autre côté, les craintes des chefs Jacobins étaient plutôt fondées sur l'impéritie ou sur la trahison des généraux, que sur le petit nombre et l'indiscipline des soldats. On se rappelle que Billaud-Varennes proposait surtout, comme moyen d'assurer les succès de l'armée, d'épurer les états-majors et de frapper quelques-unes des têtes les plus haut placées dans la hiérarchie militaire. Il y avait des noms propres au bout de ces menaces, et chacun savait bien qu'elles étaient adressées aux officiers de l'armée du Nord et au généralissime Custine. Le 9 juin, en effet, après avoir lu dans le club des Jacobins le manifeste dont nous rappelons ici une disposition, Billaud-Varennes avait donné communication d'une lettre ainsi conçue:

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Cambrai, 4 juin. — Le soldat est toujours prêt à se battre, et lorsqu'il aura des généraux dignes de sa confiance, il sera invincible. Il est une mesure indispensable, c'est de purger la cavalerie; les chefs sont tous des partisans de la royauté. Quant au général Custine, il a un ton et des opinions anti-républicaines. Il dit que Pache est un scélérat. Marat et Robespierre sont, suivant lui, des conspirateurs, et il témoigne de l'impatience de ce qu'on ne découvre pas leurs trahisons. Tous les soldats sont indignés de se voir commandés par des officiers femelles. ▾

Les deux considérations que nous venons d'exposer, déterminèrent Robespierre à changer la direction du sentiment public, né tout à coup de la prise de Saumur. Le 12, au soir, il vint aux Jacobins, et y parla deux fois avec une franchise pleine d'amertume. Nous transcrivons cette séance du Républicain français, n. CCXIII.)

-Robespierre. J'ai reçu des détails sur les malheurs de la Vendée. J'observe que toutes les fois que l'on nous annonce des événemens de cette nature, on ne connaît qu'une seule mesure, c'est celle d'envoyer des bataillons à la boucherie..... J'observe qu'il n'est pas même entré dans la tête de personne de destituer un général dont les trahisons sont évidentes.

› Courageux et stupides, voilà le caractère qu'ont déployé jusqu'à ce jour les Français; hypocrisie et adresse, voilà les moyens de nos ennemis. Que doivent faire des hommes chargés de sauver la République? Ne doivent-ils pas remonter à la source du mal, et frapper les conspirateurs?

> On dit toujours au peuple: partez, partez. Vous ne savez pas quel est le plan de vos ennemis, c'est de détruire la Répu blique par la guerre étrangère, et par la guerre civile. On a calculé qu'au bout d'un certain temps, il n'existerait plus un sansculotte, et que le champ de bataille resterait à tous les aristocrates, à tous les escrocs, à tous les ennemis de la liberté.

› On a calculé qu'au moyen de quelques trahisons et de quelques trouées, tous les patriotes seraient égorgés.

› Paris est placé entre deux armées, les armées autrichiennes et prussiennes.

› Un nouveau Dumourier cherche à ameuter notre armée contre la Convention et les Jacobins. On laisse avancer nos troupes entre les frontières pour leur couper toute communication. Il est constant qu'on ménage une trouée pour arriver à Paris.

› Paris est la citadelle de la liberté; c'est Paris qu'on attaque, et on ne cherche qu'à dégarnir Paris pour le laisser sans défense.

› Je demande s'il ne faut pas aller à la source du mal, s'il ne faut pas régénérer le gouvernement, s'il ne faut pas purger les états-majors de tous les escrocs du Palais-Royal, et s'il ne faut pas qu'il y ait une armée à Paris, capable d'en imposer à tous les despotes: cette armée doit être tout le peuple de Paris.

› Je ne m'oppose à rien; qu'on parte si l'on veut, mais je déclare que si la Convention ne s'unit pas au peuple pour sauver le peuple, si l'on ne déploie toutes les forces morales et physiques pour écraser la ligue des tyrans conjurés contre notre liberté, avant un mois vous verrez de nouvelles trahisons éclater de toutes parts; vous en verrez au Nord, aux Pyrénées et peut-être en Vendée, Alors vous ferez de vains efforts pour résister aux dan

gers qui vous presseront de tous côtés, vous serez vaincus, vous monterez à l'échafaud, et ce sera le digne prix de votre imprévoyance et de votre lâcheté. ›

Legendre. Nous avons toujours eu des hommes énergiques qui nous ont montré les dangers de la patrie; mais cela ne suffit pas; il faut nous donner des moyens ; il faut que la Convention soit sans cesse à son poste, et qu'elle s'entoure des autorités constituées. Vous ne devez pas douter que les événemens de la Vendée pe proviennent de la correspondance que les députés arrêtés entretenaient avec les départemens. Il faut que la Montagne se trouve demain à son poste, et qu'elle dise qu'il faut mettre en otage tous les membres du côté droit, jusqu'à ce que les troubles de la Vendée soient apaisés.

› Pourquoi avons-nous l'énergie de peindre les malheurs de la Vendée? Pourquoi déployons-nous ici une énergie imposante, tandis qu'à la Convention nous sommes muets et immobiles? Écrivez des lettres circulaires à tous les Montagnards; invitez-les à se trouver à leur poste.

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Robespierre qui ne s'est jamais trompé sur les événemens politiques, descendra du Rocher, électrisera tous les cœurs par l'ascendant de son éloquence. (On murmure.) Je ne sais pas si je blesse les oreilles de quelqu'un en parlant de Robespierre; nais je répète que j'honore ses principes, que j'admire son courage. (De nouveaux murmures se font entendre. L'orateur aperçoit l'interrupteur; il s'élance vers lui. - Une grande agitation règne dans la société. Le président se couvre et ramène le calme.)

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Legendre remonte à la tribune et continue. « Pour remédier aux malheurs publics, il faut chercher la source du mal. Le mal vient de ce que les patriotes ne sont pas à leur poste. Jurons tous de nous trouver à la Montagne. Les intrigans sont à moitié vaincus ; vous n'avez plus à combattre que des brebis égarées qui ont perdu leur pasteur, et qui ne savent plus quelle marche elles doivent tenir. Le peuple a les yeux fixés sur la Montagne; il res

semble au malade qui cherche à lire sa destinée dans les yeux de son médecin.

› Robespierre nous a dit que Paris est la citadelle de la République, et que si nos forces continueut de s'engloutir dans un gouffre, dont on ne saura jamais la profondeur, les patriotes finiront par être livrés sans défense à la discrétion de leurs ennemis implacables. Il faut pour prévenir la ruine de la liberté, que tous les patriotes soient à leur poste, que chacun étudie son rôle, que les orateurs éclairés fassent lever le lièvre et que les autres le chassent. >

Robespierre. Je déclare que mon intention ne fut jamais de m'élever contre les autorités constituées. Je ne doute, ni de leur zèle, ni de leur dévouement à la chose publique ; quant à la présence de la Montagne à la Convention, je dis que ce moyen est bon; mais il est insuffisant. C'est en vain qu'on se présente tous les jours à la Montague, si l'on n'a pas un plan suivi. Si nous étions unis, si nous avions un accord de principes, chaque patriote aurait une confiance, une énergie qu'il n'a pas. Quant à moi, je déclare que je reconnais mon insuffisance. Je n'ai plus la vigueur nécessaire pour combattre les intrigues de l'aristocratie. Épuisé par quatre années de travaux pénibles et infructueux, je sens que mes facultés physiques et morales ne sont point au niveau d'une grande révolution, et je déclare que je donnerai ma démission. (Plusieurs voix : Non! non!)

› Je conclus à ce que tous les députés patriotes se réunissent dans le sein de la société pour concerter les moyens de salut public. Il faut qu'on se réunisse avec la volonté ferme d'opposer une phalange redoutable aux efforts combinés de nos ennemis; car telles sont les circonstances périlleuses où nous sommes. Il faut que le peuple déploie toute la force dont il est capable, et qu'il soit secondé par tout ce qu'il y a de plus pur et de plus incorruptible, pour résister à ses ennemis intérieurs et extérieurs; voilà mes dernières réflexions. › (On applaudit.)

--A la nouvelle de la prise de Saumur succéda celle des premiè

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