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On a dit qu'ils seraient conduits aux Carmes, près le Luxembourg, et que là on les ferait disparaître du globe; que dans le cas où le local serait insuffisant, on avait à sa disposition la maison de Bicêtre; qu'on ferait passer tous ces individus pour émigrés, ét que pour accréditer ce bruit, on avait une très-grande quantité de pièces contre lesdits membres de la Convention désignés, qui justifieront que la crainte d'être découverts les a fait émigrer. Que plusieurs membres de cette assemblée, au nombre de sept à huit, ont parlé dans ce sens ; qu'un citoyen qui prenait des notes a été chassé comme suspect; qu'un autre citoyen a été également chassé pour avoir dit qu'une pareille mesure était contre les lois; que si ces individus étaient coupables, il fallait les dénoncer aux tribunaux ;

› Que cette assemblée a été présidée par un administrateur de police;

Que quand un membre de cette assemblée voulait sortir, il en était empêché, et que lui, rapporteur, est sorti avant la fin de la séance, avant onze heures du soir, en profitant d'un moment où on ne s'est pas aperçu de sà sortie;

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Ajoute au surplus que dans le cours de la séance, il a été décidé qu'il ne serait pas tenu registre des délibérations. >

Le 21 mai, le citoyen C........ qui avait été envoyé la veille à la mairie, a fait ainsi son rapport:

Le maire a pris le fauteuil, et on a renouvelé les propositions de la veille. Quelques membres les ont combattues. Deux membres se sont levés, et l'un d'eux a dit: que si l'on voulait lui donner un pouvoir, il prendrait un poignard et servirait de bourreau. Plusieurs membres ont invité le maire à engager ce citoyen à se retirer. Le commissaire de notre comité à dit qu'il n'entendait prendre aucune part à l'arrêté de la veille qu'il trouvait horrible; que quelques membres l'ont appuyé, et qu'alors le maire s'est levé, et a dit que si l'on traitait encore ces matières, il lèverait la séance.

Après plusieurs débats, il a été arrêté qu'on regarderait la proposition de la veille comme non-avenue.

Quelques membres ont demandé que le lendemain tous les comités révolutionnaires seraient tenus de porter la liste des gens suspects, et qu'il serait écrit à ceux qui n'avaient pas de représentans à l'assemblée.

Le 22 mai, le citoyen T... qui avait dû assister la veille à l'assemblée de la Mairie, a déclaré que la séance n'avait pas eu lieu, parce qu'il ne s'était trouvé que treize commissaires, et qu'il s'était rendu àu club des Cordeliers, dont il est membre. Sur l'invitation du comité, il a rendu compte par écrit des séances du club des Cordeliers des 22 et 25 mai, et ce compte a été consigné au registre : nous le transcrivons:

Séance du 22.-Léonard Bourdon (1), ayant annoncé à la tribune que les efforts de la Montagne ne pouvaient sauver la République, si le peuple ne se levait en corps, pour agir comme à la révolution du 10 août, plusieurs membres s'étant succédé à la tribune, femmes et hommes exhalèrent des opinions à faire trembler tous les citoyens de Paris : il ne s'agissait de rien moins que d'enlever nuitamment vingt-deux députés de la Convention; ce nombre même se portait à trois cents et quelques-uns, sans désigner ce qu'on en ferait. Une femme surtout parla avec toute l'énergie de son sexe. Son résumé fut que tous les patriotes sansculottes, ainsi que les citoyens, eussent à se réunir le lendemain 23, à la place de la Réunion, pour rédiger et apporter en corps à la Convention nationale l'adresse des Cordeliers, et de ne pas désemparer sans avoir obtenu des décrets pour sauver la République, terrasser les ennemis de la révolution. Cette motion, vivement applaudie, fut succédée par celle du citoyen Varlet, qui proposa, en quinze articles, des moyens extrêmes de salut public; entre autres, enlèvemens des députés de la Plaine et autres députés de l'assemblée constituante et législative, de tous les nobles, prêtres, robins, etc., exterminer toute cette race, les Bourbons, avec suppression entière des ministres; envois de commissaires dans les départemens; droits de l'homme pro

(1) Député montagnard; on voit quels sont les chefs de l'insurrection.

menés en traversant l'assemblée couverts d'un voile; enfin une insurrection telle qu'on ne peut s'en faire une idée ; renouvellement et entier licenciement de tous les officiers de nos armées. Descendu de la tribune, le citoyen Legendre, malgré les huées et mouvemens d'agitation qui régnaient, parvint à se faire écouter, et ramena aux principes les têtes déjà exaltées; car il ne s'agissait de rien moirs que, dans la nuit du 24, le tocsin serait sonné, le canon d'alarme tiré, et la guerre civile déclarée à Paris. L'heure de minuit arrivée, les citoyens en majeure partie retirés, le président leva la séance, l'ajournant au lendemain...

› La séance du 25 (c'est toujours T... qui parle) fut moins orageuse, les motions plus modérées, mais toutes parlant de faire à la sourdine les projets d'exécution, et de se lever en corps quand le moment serait arrivé; beaucoup d'orateurs tentèrent d'émouvoir les ames, et dans des phrases coupées et non déterminées, ils disaient au peuple : « Lève-toi et agis d'après les mouvemens de mon ame; puisque je ne puis te donner des conseils qui feraient fuir ceux que tu dois frapper?» Legendre a encore parlé dans cette séance, et dénoncé tous les coquins du côté noir, coquins qu'il verrait périr à côté de lui sans s'opposer à leur destruction, mais pour lesquels il exposerait sa vie, si on les attaquait dans le sein de la Convention, les regardant là comme inviolables; mais, hors de l'assemblée, ce ne sont que des scélérats, et dont la mort sauverait la République, sans que la France entière pût trouver mauvais cette justice du peuple.

Bourdon le rouge invita tous les volontaires qui n'étaient pas encore partis, ainsi que les sections de Paris, de présenter une seule et même pétition, portant la demande d'une organisation d'une garde soldée de six à douze mille hommes, pris dans tous les sans-culottes de Paris, à l'effet que nos braves citoyens volontaires partent avec le cœur tranquille sur le sort de leurs femmes et de leurs enfans. Cette proposition applaudie et appuyée, a été arrêtée par la société des Cordeliers, et qu'extrait serait

porté dans chacune des sections par des commissaires nommés à cet effet par la société des Cordeliers.

› La séance a été levée, après avoir entendu le citoyen Marineau à la tribune, se plaignant de ce que la société n'avait plus la même énergie des 10 août et 2 septembre, et qu'il fallait agir, et non proposer de le faire. »

III. Déposition faite à la commission des Douze par T..., membre du comité révolutionnaire de la section du Temple, sur ce qui s'est passé à la Mairie et au club des Cordeliers, les 22 et 23 mai. - Vogez no II.

IV. Déposition faite à la commission des Douze par L..., membre du comité de surveillance de la section du PanthéonFrançais, sur ce qui s'est passé à l'assemblée de la Mairie, les 19 et 20 mai.

• Il a déclaré que le dimanche 19 il se rendit un peu tard à l'assemblée qui se tenait à la Mairie. Il y avait à cette assemblée des députés de trente-cinq à trente-sept sections et des administrateurs de police. Un homme pâle, d'un certain âge, qui parlait lentement, assis à gauche en entrant dans la salle, presque contre la cheminée, paraissant de l'âge de quarante ans, dit, lorsque l'on parlait des hommes suspects : « Je n'en connais pas d'autres que dans la Convention nationale, et c'est là qu'il faut frapper. Je propose donc de saisir les vingt-deux membres de la Convention nationale, plus huit que je désignerai, de les mettre en lieu sûr, et là nous les septembriserons : non pas nous, mais, avec un peu d'argent, nous trouverons des hommes pour les tuer; lorsqu'ils seront morts, nous supposerons de fausses lettres des pays étrangers, et nous prouverons qu'ils sont émigrés. › Tel est le sens de ce que cet homme dit, et à peu près ses expressions; il s'est servi deux fois du mot septembriser. Le déclarant a pris la parole, et a dit à l'assemblée qu'il ne concevait pas comment l'on pouvait faire de pareilles propositions; que le républicain ne frappait point à l'ombre, qu'il combattait son ennemi front à front, corps à corps; que si l'on accoutumait le peuple à détruire son

T. XXVIII.

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ouvrage, l'ayant fait une fois, il le détruirait toujours; que nous n'aurions jamais de représentation nationale.

> Ensuite l'on s'est occupé des hommes suspects, et on a mis en avant qu'il fallait tous les arrêter dans le même moment. Le déclarant a dit : « La chose est impossible; où sont nos pouvoirs? et quelle est la force armée qui voudra marcher sous nos ordres? » On a fini par demander des listes de ces hommes suspects, et on s'est ajourné au lendemain quatre heures. ›

A la séance du lundi, le maire a dit : « Vous êtes assemblés pour donner la liste des hommes suspects. Le déclarant ne croit pas qu'il y eût de liste. A ce mot, un citoyen, assis à droite en entrant, le visage grêlé et basané, taille de cinq pieds trois pouces, dit au maire : « Il avait été question hier d'arrêter vingt-deux membres de la Convention nationale, de les mettre dans un endroit sûr, de les tuer après, et de supposer qu'ils étaient émigrés : je demande que l'on engage la discussion sur cet objet. Pendant ce temps, le déclarant disait au citoyen R....., de la section du Luxembourg, rue des Canettes : « Cet homme paraît payé pour venir troubler l'assemblée et inculper tous les membres. Le déclarant demande la parole au maire, et lui dit : « J'ai combattu hier cette proposition avec avantage; les membres ici présens m'ont applaudi; et je ne conçois pas comment on vient aujourd'hui la mettre sur le tapis, tandis qu'hier au soir il n'en était plus question. » Le déclarant ajouta : ¿La proposition faite hier a effrayé tous les comités de surveillance auxquels elle a été rapportée. Et les membres présens ont tous répondu : cela est vrai. Le maire a répondu : « Il n'est point ici question d'exécution, ni d'arrêter aucun représentant du peuple; nous sommes ici rassemblés pour connaître les hommes suspects de la capitale. Je demande que l'on passe à l'ordre du jour, et que l'on regarde cette motion comme non-avenue. › Il a ensuite demandé le nom des hommes suspects que l'on connaissait, et comme on est venu le demander deux fois à la Commune, il a levé la séance. »

V, Déposion de Louis P......, de la section des Tuileries.

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