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Il n'y en a point qui parviennent plus aisément à une haute réputation de piété que les superstitieux et les hypocrites.

EXAMEN DU SUSDIT PLACARD.

(Version.)

REMARQUES SUR LE TITRE.

Je remarque que par le titre on ne promet pas de simples assertions ou propositions touchant l'âme raisonnable, mais qu'on en promet une entière explication; de sorte que nous devons croire que toutes les raisons, ou du moins les principales de celles que l'auteur a eues, non seulement pour prouver mais même pour expliquer les choses qu'il a proposées, sont contenues dans ce placard, et qu'il n'y a pas d'apparence d'en attendre jamais de lui de meilleures. Quant à ce qu'il appelle l'âme raisonnable du nom d'esprit humain, je lui en sais bon gré : car par ce moyen il évite l'équivoque qui est dans le mot d'âme; et je puis dire qu'en cela il m'a voulu imiter.

REMARQUES SUR CHAQUE ARTICLE.

Dans le premier article, il semble vouloir définir cette âme raisonnable; mais il le fait fort imparfaitement, car il en omet le genre, à savoir qu'elle est ou une substance, ou un mode, ou quelque autre chose; et il en donne seulement la différence, laquelle il a empruntée de moi : car per

sonne que je sache n'a dit avant moi qu'elle ne consiste précisément que dans ce principe interne, ou dans cette faculté que l'homme a de penser.

Dans le second article, il commence à chercher quel est son genre, et dit en ce lieu-là qu'il semble qu'il ne répugne point à la nature des choses que l'esprit humain puisse être, ou une substance, ou un certain mode de la substance corporelle.

Laquelle assertion enferme une contradiction qui n'est pas moindre que s'il avoit dit qu'il ne répugne point à la nature des choses qu'une montagne soit sans vallée ou avec une vallée : car il faut bien prendre garde de faire distinction entre ces choses qui de leur nature sont susceptibles de changement, comme, que j'écrive maintenant ou que je n'écrive pas; qu'un tel soit prudent, un autre imprudent; et celles qui ne se changent jamais, comme sont toutes les choses qui appartiennent à l'essence de quelque chose, ainsi que tous les philosophes demeurent d'accord. Et de vrai, il n'y a point de doute qu'à l'égard des choses contingentes, on peut dire qu'il ne répugne point à la nature des choses qu'elles soient d'une façon ou d'une autre par exemple, il ne répugne point que j'écrive maintenant ou que je n'écrive pas; mais lorsqu'il s'agit de l'essence d'une chose, il est tout-à-fait absurde et même il y a de la contradiction de dire qu'il ne répugne point à la nature des choses

qu'elle soit d'une autre façon qu'elle n'est en effet ; et il n'est pas plus de la nature d'une montagne de n'être point sans vallée, qu'il est de la nature de l'esprit humain d'être ce qu'il est, à savoir d'être une substance, si en effet il en est une, ou d'être un certain mode de la substance corporelle, s'il est vrai qu'il soit un tel mode. Et c'est ce que notre auteur tâche ici de persuader; et pour le prouver il ajoute ces mots, ou si nous voulons suivre le sentiment de quelques nouveaux philosophes, etc., par lesquelles paroles il est aisé à connoître que c'est de moi de qui il entend parler; car je suis le premier qui ai considéré la pensée comme le principal attribut de la substance incorporelle, et l'étendue comme le principal attribut de la substance corporelle mais je n'ai pas dit que ces attributs étoient en ces substances comme en des sujets différents d'eux. Et il faut bien prendre garde que par ce mot d'attribut, que je donne à la pensée et à l'étendue, nous n'entendons ici rien autre chose que ce que les philosophes appellent communément un mode ou une façon ; car il est bien vrai qu'à parler généralement nous pouvons donner le nom d'attribut à tout ce qui a été attribué à quelque chose par la nature, et en ce sens le nom d'attribut peut convenir également au mode, qui peut être changé, et à l'essence même d'une chose, qui est tout-à-fait immuable. Mais ce n'est pas ainsi universellement

que je l'ai pris quand j'ai considéré la pensée et l'étendue comme les principaux attributs des substances où elles résident, mais au sens qu'on le prend d'ordinaire, et quand par ce mot d'attribut on entend une chose qui est immuable et inséparable de l'essence de son sujet, comme celle qui la constitue, et qui pour cela même est opposée au mode. C'est en ce sens-là qu'on s'en sert quand on dit qu'il y a en Dieu plusieurs attributs, mais non pas plusieurs modes. C'est ainsi que l'un des attributs de chaque substance, quelle qu'elle soit, est qu'elle subsiste par elle-même. De même aussi l'étendue d'un certain corps en particulier peut bien à la vérité admettre en soi une variété de modes car, par exemple, quand ce corps est sphérique, il est d'une autre façon que quand il est carré, et ainsi être sphérique et être carré sont deux diverses façons d'étendue; mais l'étendue même qui est le sujet de ces modes, étant considérée en soi, n'est pas un mode de la substance corporelle, mais bien un attribut qui en constitue l'essence et la nature. Ainsi enfin la pensée peut recevoir plusieurs divers modes; car assurer est une autre façon de penser que nier, aimer en est une autre que désirer, et ainsi des autres; mais la pensée même, en tant qu'elle est le principe interne d'où procèdent tous ces modes, et dans lequel ils sont comme dans leur sujet, n'est pas conçue

comme un mode, mais comme un attribut qui constitue la nature de quelque substance; et la question est maintenant de savoir si cette substance qu'elle onstitue est corporelle ou incorporelle.

Il ajoute que ces attributs ne sont pas opposés, mais simplement divers; en quoi il y a encore une contradiction: car lorsqu'il s'agit d'attributs qui constituent l'essence de quelques substances, il ne sauroit y avoir entre eux de plus grande opposition que d'être divers; et lorsqu'il confesse que l'un est différent de l'autre, c'est de même que s'il disoit que l'un n'est pas l'autre; or être et n'être pas sont opposés. Il poursuit : puisqu'ils ne sont pas opposés, mais divers, je ne vois pas que rien puisse empêcher que l'esprit ne puisse être un attribut qui convienne à un même sujet que l'étendue, quoique la notion de l'un ne soit point comprise dans la notion de l'autre. Dans lesquelles paroles il y a un manifeste paralogisme : car il conclut de toutes sortes d'attributs ce qui ne peut être vrai que des modes proprement dits; et néanmoins il ne prouve nulle part que l'esprit, ou ce principe interne par lequel nous pensons, soit un tel mode; mais au contraire je prouverai tout maintenant, par ce qu'il dit lui-même dans le cinquième article, que ce n'en est pas un. Pour ce qui est de ces autres sortes d'attributs qui constituent la nature des choses,

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