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perdre la moitié de sa vitesse; ou bien vous supposez que, sans que ce plan y contribue, ayant perdu la moitié de sa vitesse au point B, elle rencontre le plan CBE : et si j'ai bien compris le sens de votre seconde lettre, c'est principalement à ce dernier cas qu'elle se rapporte. Mais remarquez encore ici en passant que je vous accorde plus que je ne devrois; car le moyen de concevoir qu'une balle perde la moitié de sa vitesse au point B, sans la rencontre d'aucun corps qui la lui fasse perdre ?

Au premier cas, il est aisé de voir qu'il ne faut (comme vous avez fait dans votre première lettre) que transférer le raisonnement de la figure de la page 20 au-dessus du plan, et dire que, puisque la balle ne perd rien du tout de la détermination qu'elle avoit à avancer vers la droite, elle doit (toutes les autres conditions étant gardées) arriver au point O, ainsi que vous avez fort bien remarqué. C'est pourquoi je n'aurois garde de dire, comme vous faites, pourquoi de grâce le raisonnement de M. Descartes conclura-t-il au-dessous, s'il ne conclut pas au-dessus? Ce qui est une démonstration en un cas deviendra-t-il un paralogisme en l'autre? Non sans doute; l'un et l'autre conclut également bien.

Au second cas, la balle peut suivre la route que vous avez marquée dans votre seconde lettre, et

réfléchir toujours à angles égaux, de quelque manière et en quelque proportion que la vitesse ou le mouvement change au point B; mais non pas à la vérité par la raison que vous dites, car la même proportion ne doit pas être gardée par une balle qui, rencontrant de biais un plan impénétrable, est obligée de réfléchir, que celle qui est gardée par une autre balle que l'on suppose n'en point rencontrer : à cause qu'une balle qui ne rencontre aucun plan n'a qu'une seule détermination, elle ne va ni à gauche ni à droite; au lieu qu'une balle qui tombe de biais sur un plan y va toujours avec deux déterminations, à l'une desquelles ce plan est opposé, et à l'autre non; et cette circonstance en doit changer l'effet, selon les principes ci-devant posés.

Mais voici comme la balle peut suivre la route que vous avez marquée, et réfléchir à angles égaux: à savoir, il faut supposer que la balle étant au point B, et ayant perdu la moitié de sa vitesse (ou telle autre quantité qu'il vous plaira), commence là à suivre la route qu'elle suivroit si elle avoit commencé à ce point-là à se mouvoir avec la vitesse qui lui reste; or il est constant que si, sans avoir égard à la ligne AB, qu'elle a parcourue avec deux degrés de vitesse, elle commençoit à se mouvoir en B avec la vitesse qu'on suppose qui lui reste et suivant la direction qu'elle a véritablement au point B, elle iroit vers D avec un degré de vitesse,

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et y arriveroit en deux fois autant de temps qu'il lui en a fallu pour venir d'A en B, si rien ne s'opposoit à son mouvement. Et si, au lieu de lui opposer le plan CBE au point B, on le lui opposoit au point D, il est évident, par ce que nous avons dit ci-dessus, que ce plan l'empêchant seulement de passer outre, et non point d'avancer vers la droite, etne diminuant ni n'augmentant la vitesse avec laquelle elle seroit venue vers lui depuis B, elle rejailliroit vers G, et feroit un angle de réflexion DK, égal à celui d'incidence BDG, lequel se trouveroit égal à celui de la première incidence ABC. Or estil dit qu'il doit arriver au point B le même changement en la détermination de la balle que celui qui arriveroit au point D si le plan CBE lui étoit opposé en ce point-là, puisque dès le point B la balle a toute la même vitesse et la même détermination

qu'elle auroit au point D après avoir parcouru la ligne BD? et partant, la balle, selon votre supposition, doit au point B rejaillir suivant un angle égal à celui d'incidence; non point, comme j'ai dit, par la raison que vous dites, car il n'est pas vrai que l'interposition du plan CBE n'empêchant que l'une des parties dont la détermination est composée, celle de gauche à droite reste la même qu'elle étoit quand la balle n'avoit aucun plan qui lui fût opsé; car, en ce dernier cas, la balle n'avoit qu'une détermination, et l'on ne peut pas dire qu'elle avan.

çoit vers la droite. C'est pourquoi la conclusion que vous en tirez n'est pas non plus véritable. Donc, dites-vous, la balle a dû avancer autant au-dessus vers la droite qu'elle eût fait au-dessous si le plan n'eût pas empêché sa route; et comme lorsqu'elle seroit au point D au-dessous elle auroit avancé en deux moments vers la droite depuis B jusques en E, et de même aussi pour avancer en deux moments autant au-dessus vers la droite elle doit aller au point F, qui est autant avancé vers la droite que le point D, et qui coupe le cercle au-dessus en même proportion que D le coupe au-dessous, et fait un angle de réflexion égal à celui d'incidence. Car toute cette proportion de gauche à droite que vous dites devoir être gardée au-dessus comme elle eût été au-dessous si le plan CBE n'eût pas empêché sa route, n'est qu'une proportion imagi- . naire, puisque au-dessous, quand il n'y a aucun plan interposé, la balle n'a aucune direction vers la droite, cette direction ou détermination vers la droite étant toujours relative au plan qu'on lui interpose et, par exemple, si le plan CBE lui eût été opposé d'un autre sens, comme en cette figure, où seroit tout votre raisonnement vers la droite? Mais cela doit arriver dans votre supposition même, et dans toute autre, par la raison que j'ai dite, qui est conforme aux lois de la nature et aux principes ci-devant établis.

Pour éclaircir ceci encore davantage, supposons pour troisième cas, comme a fait M. Descartes à la page 23, ligne 14 de la Dioptrique, que la balle ayant été premièrement poussée d'A vers B, rencontre au point B le plan CBE, qui augmente la force de son mouvement, ou sa vitesse, d'un tiers, en sorte qu'elle puisse faire par après autant de chemin en deux moments qu'elle en faisoit en trois auparavant : et il suit manifestement qu'elle doit rejaillir en F, puisque la détermination vers la droite ne peut être augmentée par le plan CBE, à laquelle il n'est aucunement opposé; et non pas en K, comme elle devroit faire, si votre raisonnement étoit véritable, mais qui ne le peut être, puisqu'il est contraire aux lois de la nature, et même contre l'expérience, qui nous montre que la réflexion d'une balle et celle des autres semblables corps qui ne sont pas parfaitement durs, ou qui tombent sur d'autres qui affoiblissent leur mouvement, ne se fait jamais à angles égaux: ainsi les balles les plus molles ne rebondissent pas si haut, ni ne font pas des angles de réflexion si grands que celles qui sont plus dures.

Et remarquez que puisqu'il est naturellement aisé de concevoir que, pour faire que la réflexion se fasse à angles égaux, le mouvement ne doit en aucune façon être augmenté ni diminué par la rencontre du plan, il semble que la raison nous doive

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