Page images
PDF
EPUB

toujours la même dans toutes les inclinaisons. Et la principale faute que commet ici M. de Fermat est fondée sur ce qu'il croit que le mouvement composé en BI n'est pas toujours également vite, comme s'il dépendoit de la direction ou détermination des deux forces mouvantes; au lieu que c'est à elle à s'accommoderà la force du mouvement, lequel est composé, et non pas la détermination: et c'est ce qui a trompé M. de Fermat, et qui lui a fait faire tous ses faux raisonnements; et c'est peut-être encore ce qui l'empêche à présent de recevoir la démonstration de M. Descartes. Aussi ce qu'il ajoute ensuite, et qu'il dit avoir démontré être faux, n'est vrai que dans sa supposition, qu'il croyoit être celle de M. Descartes, mais qui pourtant, comme j'ai montré, en est fort différente.

Article seizième. Ce n'est pas que, etc.

M. de Fermat avoue qu'il n'est pas assuré qu'il faille suivre sa proportion plutôt que celle qu'il tâche de combattre; mais je ne fais pas difficulté d'avouer qu'il faudroit retenir la sienne, si l'accélération ou le ralentissement du mouvement dépendoit ici de l'angle compris sous les lignes de direction des deux forces mouvantes; mais parce qu'il dépend de la nature du second milieu que le corps a à parcourir de faciliter ou de retarder son mouvement, il est évident, ce me semble, que l'on doit retenir celle de M. Descartes.

Nous saurons, quand il plaira à M. de Fermat, les pensées qu'il a touchant la réfraction; mais je puis déjà dire ici par avance que ce que j'en ai vu dans sa lettre à M. de la Chambre m'a paru fort ingénieux et digne de lui.

n'est

Si vous lui faites voir ceci, je vous prie de lui taire mon nom, ou si vous trouvez à propos de lui déclarer, je vous prie aussi qu'il sache que ce pas d'aujourd'hui que le bruit de son nom est venu jusques à moi; que j'estime beaucoup son mérite, et que je tiendrai à honneur s'il daigne me faire la grâce de me mettre au rang de ses très humbles serviteurs.

RÉPLIQUE DE M. DE FERMAT

A M. CLERSELIER.

(Lettre 47 du tome III.)

Du 2 juin 1658.

MONSIEUR,

pas

Je suis si passionné pour la gloire de M. Descartes, que vous ne pouvez m'obliger plus sensiblement qu'en combattant les opinions du sceptique qui s'oppose à ses sentiments. Mais prenez garde, monsieur, qu'il importe de conduire votre travail jusques au bout, et de renverser entièrement sur leurs auteurs tout ce que vous appelez ou paralogisme ou sophisme. Il ne suffit de dire que le sens de M. Descartes a été mal pris par ceux qui le reprennent; il faut prouver que l'explication que vous lui donnez va droit et sans détour à sa conclusion, et qu'enfin sa preuve est démonstrative. Nous avions cru que la balle qui conserve sa direction et sa route ne perd point sa détermination, et nous l'avions avec quelque raison inféré de la différence que M. Descartes établit entre le mou

vement et la détermination. Mais, sans nous empresser davantage à prouver la conséquence que nous tirions de son raisonnement, nous nous tenons pour suffisamment avertis de sa pensée, et de la vôtre, qui veut que la détermination d'un mobile soit réputée changer, non seulement quand il quitte la ligne dans laquelle il se mouvoit auparavant, ou quand il se meut à contre-sens dans la même ligne, mais encore en se mouvant du même sens dans la même ligne droite, pourvu que ce soit plus ou moins loin qu'il n'étoit déterminé d'aller en ce sens-là. Et c'est en cette troisième façon, dites-vous, que la quantité de la détermination de la balle est devenue moindre autant que le mouvement, lorsqu'elle se meut sur la ligne HBG de la page 20 de la Dioptrique. Mais prenez garde que ce ne soit tomber dans la pétition du principe. Vous entendez donc dans la page 20 que la toile n'étant aucunement opposée à la détermination de gauche à droite, ces paroles veulent dire que cette détermination avance autant vers la droite qu'elle faisoit auparavant; c'est ce que je nie, et qu'il faut prouver. Car bien que la toile n'empêche point que la balle n'avance toujours vers la droite, elle ne laisse pas d'avancer vers la droite, soit que ce progrès soit plus lent, soit qu'il soit plus vite qu'auparavant. Or, de cela seul que la toile n'empêche pas le progrès vers la droite, vous en inférez

que ce progrès doit être justement le même, c'està-dire ni plus ni moins vite qu'auparavant; c'est done αἴτημα αιτήματος. Et il faut de deux choses l'une, ou que le medium soit le même que la conclusion, ou que la conclusion en soit mal tirée. Peut-être direz-vous que le mot aucunement fait tout le mystère, et qu'en disant que la toile ne lui est aucunement opposée en ce sens-là, tout le reste s'en déduit aisément; mais il en faut toujours revenir là si par le mot aucunement vous entendez que la toile n'empêche pas que la balle ne continue sa marche vers la droite, et que son progrès ne se fasse également, et en temps égal, je le nie, et c'est ce qu'il faut prouver. Si vous entendez que la toile ne lui est aucunement opposée, c'est-à-dire qu'elle n'empêche pas que la balle ne continue d'avancer vers la droite, sans assurer encore si son progrès doit se faire en temps égal, vous ne trouverez jamais votre compte dans la conclusion. D'où il suit clairement que M. Descartes a voulu donner des paroles pour des choses; et qu'en traitant deux propositions différentes sur le sujet de la réflexion et de la réfraction, il a voulu accommoder son raisonnement à la première qu'il savoit, et à la seconde qu'il a peut-être trop légèrement crue. Ce n'est pas, comme je vous ai déjà souvent protesté, que sa proportion des réfractions ne puisse être vraie: mais j'ai du moins

« PreviousContinue »