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Dieu que la fortune de la France surmonte les efforts de tous ceux qui ont dessein de lui nuire. Pour la promenade à laquelle on m'a fait l'honneur de m'inviter, si elle étoit aussi courte que celle de votre logis jusques au bois de La Haye, j'y serois bientôt résolu; la longueur du chemin mérite bien qu'on prenne quelque temps pour délibérer avant que de l'entreprendre; ainsi, encore qu'il soit malaisé que je résiste à un commandement qui vient de si bon lieu, je ne crois pas néanmoins que je parte d'ici de plus de trois mois. Et je vous supplie de croire qu'en quelque lieu du monde que j'aille, je serai toujours avec un même zèle, etc.

A M. CHANUT '.

(Lettre 46 du tome I.)

MONSIEUR,

On n'a point trouvé étrange qu'Ulysse ait quitté les îles enchantées de Calypso et de Circé, où il

1 << M. Descartes n'ayant pas témoigné, dans les 42 et 43°, du 31 mars 1649, qu'il avoit reçu la lettre du 27 février, il y fait ici une espèce de réponse, sans marquer qu'il l'ait reçue depuis. C'est en témoignage de la peine qu'il avoit de quitter son ermitage d'Egmond. Je la date du 4 avril 1649. »

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pouvoit jouir de toutes les voluptés imaginables, et qu'il ait aussi méprisé le chant des sirènes, pour aller habiter un pays pierreux et infertile, d'autant que c'étoit le lieu de sa naissance: mais j'avoue qu'un homme qui est né dans les jardins de la Touraine, et qui est maintenant en une terre où s'il n'y a pas tant de miel qu'en celle que Dieu avoit promise aux Israélites, il est croyable qu'il y a plus de lait, ne peut pas si facilement se résoudre à la quitter pour aller vivre au pays des ours, entre des rochers et des glaces. Toutefois à cause que ce même pays est aussi habité par des hommes, et que la reine qui leur commande a toute seule plus de savoir, plus d'intelligence et plus de raison que tous les doctes des cloîtres et des colléges que la fertilité des pays où j'ai vécu a produits, je me persuade que la beauté du lieu n'est pas nécessaire pour la sagesse, et que les hommes ne sont pas semblables aux arbres, qu'on observe ne croître pas si bien lorsque la terre où ils sont transplantés est plus maigre que celle où ils avoient été semés. Vous direz que je ne vous rends ici que des imaginations et des fables, pour les importantes et véritables nouvelles dont il vous

a plu me faire part; mais ma solitude ne produit pas à présent de meilleurs fruits, et l'aise que j'ai de savoir que la France a évité le naufrage en une très grande tempête emporte tellement mon es

prit, que je ne puis rien dire ici sérieusement,

sinon que je suis, etc.

A M. CHANUT.

(Lettre 47 du tome I.)

MONSIEUR,

Si votre dernière lettre, du 6 mars, m'eût été rendue au temps que les messagers la devoient apporter, je crois que j'aurois eu l'honneur de vous voir à Stockholm avant que vous eussiez reçu celle-ci; mais ayant été retenue douze ou treize jours entre La Haye et Alkmaar, il est arrivé que M. l'amiral Fl. 'a pris la peine de venir ici avant qu'elle m'eût appris qui il étoit ; en sorte que, bien qu'il ait usé de plus de civilités que je n'en méritois, pour me convier à faire le voyage en sa compagnie, il ne m'a pas semblé que cela me dût faire prendre une résolution contraire à ce que je vous avois écrit quelques jours auparavant, à savoir que j'attendrois l'honneur de recevoir encore une fois de vos lettres avant que je partisse d'ici. Car j'apprenois seulement de ses paroles que vous lui aviez écrit en ma faveur, ce que je ne considérois que

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comme un effet de votre amitié; et les offres qu'il me faisoit me sembloient n'être que des excès de sa courtoisie, à cause que ne sachant point qu'il est l'un des amiraux de Suède, je ne voyois pas en quoi sa compagnie me pouvoit aider pour la sûreté et la commodité du voyage. Et je n'avois point assez de présomption pour m'imaginer qu'une reine qui a tant de grandes choses à faire, et qui emploie si dignement tous les moments de sa vie, eût voulu avoir la bonté de vous charger de me recommander à lui de sa part. Je me tiens si obligé de cette faveur, que je vous puis assurer qu'il n'y aura rien qui me retienne, sitôt que j'aurai eu de vos lettres, et que j'ai un extrême désir de vous aller dire que je suis, etc.

A MADAME ÉLIZABETH,

PRINCESSE PALATINE, etc. '.

MADAME,

(Lettre 48 du tome I.)

Puisque votre altesse désire savoir quelle est ma résolution touchant le voyage de Suède, je lui dirai

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que je persiste dans le dessein d'y aller, en cas que la reine continue à témoigner qu'elle veut que j'y aille, et M. Chanut, notre R.' en ce pays-là, étant passé ici il y a huit jours, pour aller en France, m'a parlé si avantageusement de cette merveilleuse reine, que le chemin ne me semble plus si long ni si fâcheux qu'il faisoit auparavant; mais je ne partirai point que je n'aie reçu encore une fois des nouvelles de ce pays-là, et je tâcherai d'attendre le retour de M. Chanut pour faire le voyage avec lui, pourceque j'espère qu'on le renverra en Suède. Au reste, je m'estimerois extrêmement heureux si, lorsque j'y serai, j'étois capable de rendre quelque service à votre altesse. Je ne manquerai pas d'en rechercher avec soin les occasions, et ne craindrai point d'écrire ouvertement tout ce que j'aurai fait ou pensé sur ce sujet, à cause que ne pouvant avoir aucune intention qui soit préjudiciable à ceux pour qui je serai obligé d'avoir du respect, et tenant pour maxime que les voies justes et honnêtes sont les plus utiles et les plus sûres, encore que les lettres que j'écrirai fussent vues j'espère qu'elles ne pourront être mal interprétées, ni tomber entre les mains de personnes qui soient si injustes que de trouver mauvais que je m'acquitte de mon devoir, et fasse profession ouverte d'être, etc.

I « Résident. »

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