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A MONSIEUR ***

(Lettre 112 du tome III.)

MONSIEUR,

Il semble, je crois, au père Mersenne que je sois encore soldat, et que je suive l'armée, puisqu'il m'adresse les lettres qu'il vous écrit. Celle que vous trouverez avec celle-ci a été huit jours à venir de Leyde ici, et si vous êtes parti de La Haye, ainsi que la gazette me fait croire, je ne sais quand elle vous pourra atteindre. Le principal est qu'il n'y a rien dedans d'importance; car, m'ayant été envoyée ouverte, j'ai eu le privilége de la lire; et pourcequ'il y philosophe principalement de la propriété de l'aimant, je joindrai ici mon avis au sien, afin que ma lettre ne soit pas entièrement vide. Je crois vous avoir déjà dit que j'explique toutes les propriétés de l'aimant par le moyen d'une certaine matière fort subtile, et imperceptible, qui sortant continuellement de la terre, non seulement par le pôle, mais aussi par tous les autres

<< M. Huygens de Zuitlichem. » Cette lettre n'est datée ni dans l'imprimé ni dans l'exemplaire de la bibliothèque de l'Institut. Je la mets ici très arbitrairement avec la 118o.

endroits de l'hémisphère boréal, passe de là vers l'hémisphère austral', par tous les endroits duquel elle entre derechef dans la terre; et d'une autre pareille matière, qui sort de la terre, par l'hémisphère austral, et y rentre par le boréal ; à cause que les parties de ces deux matières sont de telle figure, que les pores de la terre, ou de l'aimant, ou du fer touché de l'aimant, par où peuvent passer celles qui viennent d'un hémisphère, ne peuvent donner passage à celles qui viennent de l'autre hémisphère, comme je pense démontrer dans ma physique, où j'explique l'origine de ces deux matières subtiles, et les figures de leurs parties, qui sont longues et entortillées en forme de vis, les boréales au contraire des australes. Or ce qui cause la déclinaison des aiguilles qui sont parallèles à l'horizon est que la matière subtile qui les fait mouvoir, sortant des parties de la terre assez éloignées de là, vient quelquefois plus abondamment des lieux un peu éloignés de pôles, que des pôles mêmes '; laquelle cause cesse en partie lorsque les aiguilles sont perpendiculaires sur l'horizon; car alors elles sont principalement dressées par la matière subtile qui sort de l'endroit de la terre où elles sont; mais à cause que l'autre matière subtile, qui vient du pôle opposé, aide aussi à les dresser, je crois bien qu'elles doivent moins décliner que les autres;

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mais non pas qu'elles ne déclinent point du tout, et si l'expérience exacte s'en peut faire, je serai bien aise de la savoir. Pour la raison qui fait que ces aiguilles perpendiculaires se tournent toujours vers le même côté, je l'explique quasi comme le père Mersenne; car je crois qu'elle vient de ce que le fer a quelque latitude, et que la matière subtile qui passe par dedans ne monte pas tout droit de bas en haut, mais prend son cours en déclinant du pôle boréal vers l'austral en cet hémisphère; comme si l'aiguille est ACBD, ' la matière subtile qui sort de la terre se forme des pores dans cette aiguille qui sont penchés de B vers A; et l'acier est de telle nature que ses pores peuvent ainsi être disposés à recevoir cette matière subtile, par l'attouchement d'une pierre d'aimant, et qu'ils retiennent après cette disposition. Mon papier finit, et je crains de vous ennuyer. Je suis, etc.

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AU R. P. MERSENNE.

(Lettre 118 du tome II)

MON RÉVÉREND PÈRE,

Je n'ai lu que les quinze premières pages de l'écrit que vous avez voulu que je visse, pourceque c'est seulement jusque là que vous m'avez dit que j'y étois réfuté; mais je vous avoue que je les ai admirées, en ce que je n'y ai trouvé aucune chose qui ne fût fausse, excepté celles qui se trouvent en mes écrits, et que l'auteur montre en avoir tirées, d'autant qu'il se sert de mes propres paroles pour les exprimer, et s'il en change quelques unes, comme lorsqu'il nomme l'impression ce que je nomme la vitesse, et la direction ce que je nomme la détermination à se mouvoir vers un certain côté, cela ne sert qu'à l'embrouiller. L'une des principales fautes est à la fin de la seconde page, où ayant mis pour maxime une conclusion qui

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est de moi, à savoir, que dans le cercle GBFI, le mobile qui vient de G vers B tend vers C, il le prouve ridiculement, en disant que la nature ne * Figure 4.

souffre rien d'indéterminé, et qu'il n'y a point d'autre ligne que BC qui soit ici déterminée: car qui empêche de dire que le mobile ira de B vers H plutôt que vers C, vu que BH est aussi bien déterminé que BC, et qu'on sait que le mobile tend à s'éloigner en ligne droite du centre A.

Dans la page neuvième il y a une distinction absurde entre deux sortes d'impressions; l'une par laquelle les corps sont chassés, et l'autre par laquelle ils sont attirés; car il n'y a aucune attraction telle qu'il l'imagine. Et si ce qu'il nomme l'impression est la vitesse du mouvement dans le corps qui se meut, ainsi qu'on le doit prendre pour donner quelque sens à tout ce qu'il dit, il est certain qu'il n'y en a que d'une sorte ou espèce, et qu'elle est tout de même dans l'aimant ou dans le fer dans les autres corps.

que

Mais la principale de ses fautes est dans la page dixième, où il prend pour principe une chose qui est apertement fausse, à savoir, que si A mû vers D par une ligne perpendiculaire rencontre l'obstacle BC, il sera réfléchi en telle sorte, que s'il ne communique rien de son impression à l'obstacle, il reviendra précisément en A, etc.; car bien que les corps pesants retournent à peu près en cette sorte lorsque leur seule pesanteur les porte directement vers le centre de la terre, c'est une chose absurde d'en faire un principe, pourceque ce n'est pas

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