homme versé dans l'architecture existe sans qu'aucun maçon ou manœuvre existe. 5o De même, quand notre auteur dit qu'il ne suffit pas qu'une chose soit une substance qui pense pour être tout à fait spirituelle et au-dessus de la matière, laquelle seule il veut pouvoir être proprement appelée du nom d'esprit; mais qu'outre cela il est requis que, par un acte réfléchi sur sa pensée, elle pense qu'elle pense, ou qu'elle ait une connaissance intérieure de sa pensée; il se trompe en cela comme fait ce maçon quand il dit qu'un homme expérimenté dans l'architecture doit, par un acte réfléchi, considérer qu'il en a l'expérience avant que de pouvoir être architecte : car, bien qu'il n'y ait point d'architecte qui n'ait souvent considéré, ou du moins qui n'ait pu considérer qu'il savait l'art de bâtir, c'est pourtant une chose manifeste que cette considération n'est point nécessaire pour être véritablement architecte; et une pareille considération ou réflexion est aussi peu requise, afin qu'une substance qui pense soit audessus de la matière. Car la première pensée, quelle qu'elle soit, par laquelle nous apercevons quelque chose, ne differe pas davantage de la seconde, par laquelle nous apercevons que nous l'avons déjà auparavant aperçue, que celle-ci diffère de la troisième, par laquelle nous apercevons que nous avons déjà aperçu avoir aperçu auparavant cette chose; et l'on ne saurait apporter la moindre raison pourquoi la seconde de ces pensées ne viendra pas d'un sujet corporel, si l'on accorde que la première en peut venir. C'est pourquoi notre auteur pèche en ceci bien plus dangereusement que ce maçon; car, en ôtant la véritable et très-intelligible différence qui est entre les choses corporelles et les incorporelles, à savoir, que celles-ci pensent et que les autres ne pensent pas, et en substituant une autre en sa place, qui ne peut avoir le caractère d'une différence essentielle, à savoir, que celles-ci considèrent qu'elles pensent et que les autres ne le considèrent point, il empêche autant qu'il peut qu'on ne puisse entendre la réelle distinction qui est entre l'âme et le corps. 6o Il est encore moins excusable de favoriser le parti des bêtes brutes, en leur accordant la pensée aussi bien qu'aux hommes, que l'est ce maçon de s'être voulu attribuer à soi et à ses semblables la connaissance de l'architecture aussi bien qu'aux architectes. Et enfin il paraît bien que l'un et l'autre n'ont point eu égard à ce qui était vrai ou même vraisemblable, mais seulement à ce qui pouvait être le plus propre pour décrier son adversaire, et le faire passer pour un homme de peu de sens auprès de ceux qui ne le connaissaient point, et qui ne se mettraient pas beaucoup en peine de le connaître. Et pour cela celui qui a fait le rapport de toute cette histoire a fort bien remarqué, pour exprimer la furieuse envie et jalousie de ce maçon, qu'il avait vanté comme un magnifique appareil la fosse qu'avait fait creuser cet architecte; mais que, pour le roc que l'on avait découvert par son moyen, et pour la chapelle que l'on avait bâtie dessus, il l'avait négligée et méprisée comme une chose de peu d'importance, et que néanmoins, pour satisfaire à l'amitié qu'il lui portait et à la bonne volonté qu'il avait pour lui, il n'avait pas laissé de lui rendre grâces et de le remercier, etc.; comme aussi dans la conclusion il l'introduit avec ces belles acclamations en la bouche : « Enfin, s'il dit cela, «< combien y aura-t-il de choses superflues, combien d'exorbi<< tantes ! quelle battologie ! combien de machines qui ne ser«<< vent qu'à la pompe ou à nous décevoir ! » Et un peu après : <«<< Vous craignez ici, sans doute, et je vous le pardonne, pour « votre art et manière de bâtir, laquelle vous chérissez, et que << vous caressez et embrassez comme votre propre produc« tion, etc.; ne craignez pourtant point, je suis votre ami plus « que vous ne pensez, » etc. Car tout cela représente si naïvement la maladie de ce maçon, que je doute qu'aucun poëte eût pu la mieux dépeindre. Mais je m'étonne que notre auteur l'ait si bien imité en toutes choses, qu'il semble ne prendre pas garde à ce qu'il fait, et avoir oublié de se servir de cet acte réfléchi de la pensée, qu'il disait tout à l'heure faire la différence de l'homme d'avec la bête. Car certainement il ne dirait pas qu'il y a un trop grand appareil de paroles dans mes écrits, s'il considérait que celui dont il s'est servi, je ne dirai pas pour impugner, car il n'apporte aucune raison pour le faire, mais pour aboyer (qu'il me soit ici permis d'user de ce mot un peu rude, car je n'en sais point de plus propre pour exprimer la chose) après ce seul doute métaphysique dont j'ai parlé dans ma première Méditation, est beaucoup plus grand que celui dont je me suis servi pour le proposer. Et il se serait bien empêché d'accuser mon discours de battologie s'il avait pris garde 516 REMARQUES SUR LES SEPTIÈMES OBJECTIONS. de quelle longue, superflue et inutile loquacité il s'est servi dans toute sa dissertation, à la fin de laquelle il assure pourtant n'avoir pas voulu être long. Mais parce qu'en cet endroit-là même il dit qu'il est mon ami, pour le traiter aussi le plus amiablement qu'il m'est possible, de même que ce maçon fut conduit par ses amis chez le médecin, de même aussi j'aurai soin de le recommander à son supérieur. TABLE DU TRAITÉ DES PASSIONS. PREMIÈRE PARTIE. DES PASSIONS EN GÉNÉRAL, ET PAR OCCASION DE TOUTE LA NATURE 1. Que ce qui est passion au regard d'un sujet est toujours action à quelque autre 2. Que pour connaître les passions de l'âme il faut distinguer ses fonctions 3. Quelle règle on doit suivre pour cet effet. 4. Que la chaleur et le mouvement des membres procèdent du corps; les pen- 5. Que c'est erreur de croire que l'âme donne le mouvement et la chaleur au 6. Quelle différence il y a entre un corps vivant et un corps mort. 7. Briève explication des parties du corps, et de quelques-unes de ses fonctions. 8. Quel est le principe de toutes ces fonctions. 9. Comment se fait le mouvement du cœur. 10. Comment les esprits animaux sont produits dans le cerveau. 11. Comment se font les mouvements des muscles. 12. Comment les objets de dehors agissent contre les organes des sens. 13. Que cette action des objets de dehors peut conduire diversement les esprits 14. Que la diversité qui est entre les esprits peut aussi diversifier leur cours. 15. Quelles sont les causes de leur diversité. 16. Comment tous les membres peuvent être mus par les objets des sens et par 23. Des perceptions que nous rapportons aux objets qui sont hors de nous. 24. Des perceptions que nous rapportons à notre corps. 25. Des perceptions que nous rapportons à notre àme. 26 Que les imaginations qui ne dépendent que du mouvement fortuit des esprits peuvent être d'aussi véritables passions que les perceptions qui dépendent des nerfs. 27. La définition des passions de l'âme. 28. Explication de la première partie de cette définition. 29. Explication de son autre partie. 30. Que l'âme est unie à toutes les parties du corps conjointement. 31. Qu'il y a une petite glaude dans le cerveau en laquelle l'âme exerce ses fonc- tions plus particulièrement que dans les autres parties. 32. Comment on connaît que cette glande est le principal siége de l'âme. 33. Que le siége des passions n'est pas dans le cœur. 54. Comment l'âme et le corps agissent l'un contre l'autre. 35. Exemple de la façon que les impressions des objets s'unissent en la glande 36. Exemple de la façon que les passions sont excitées en l'âme. 37. Comme il paraît qu'elles sont toutes causées par quelques mouvements des 38. Exemple des mouvements du corps qui accompagnent les passions et ne dé- 59. Comment une même cause peut exciter diverses passions en divers hommes. 40. Quel est le principal effet des passions. 41. Quel est le pouvoir de l'âme au regard du corps. 42. Comment on trouve en sa mémoire les choses dont on veut se souvenir. 43. Comment l'âme peut imaginer, être attentive et mouvoir le corps. 44. Que chaque volonté est naturellement jointe à quelque mouvement de la glande; mais que, par industrie ou par habitude, on la peut joindre à d'autres. 45. Quel est le pouvoir de l'âme au regard de ses passions. 46. Quelle est la raison qui empêche que l'âme ne puisse entièrement disposer 47. En quoi consistent les combats qu'on a coutume d'imaginer entre la partie inférieure et supérieure de l'àme. 48 En quoi on connait la force ou la faiblesse des âmes, et quel est le mal des 49. Que la force de l'âme ne suffit pas sans la connaissance de la vérité. 50. Qu'il n'y a point d'âme si faible qu'elle ne puisse, étant bien conduite, ac- DEUXIÈME PARTIE. |