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crite, furent chaffés par leur mère; & allèrent s'établir en d'autres pays. Scythès, le plus jeune des trois, fit ce que fon père avoit ordonné, & refta dans fa patrie. C'eft de ce Scythès, fils d'Hercule, que font defcendus tous les rois qui lui ont fuccédé en Scythie; & jufqu'aujourd'hui les Scythes ont toujours porté, au bas de leur baudrier, une coupe, en mémoire de celle qui étoit attachée à celui d'Hercule. En finiffant ce récit, Hérodote a foin d'obferver que ce récit eft celui des Grecs du Pont-Euxin.

Il ajoute auffi-tôt (L. IV, ch. 11): « On raconte une autre hiftoire, à laquelle je fouferis volontiers. Les Scythes Nomades, qui habitoient en Afie, accablés par les Meffagètes, avec lefquels ils étoient en guerre, paffèrent l'Araxe, & vinrent en Cimmérie; car le pays que poffèdent aujourd'hui les Scythes, appartenoit autrefois, à ce que l'on dit, aux Cimmériens. Ceux-ci, les voyant fondre fur leurs terres, délibérèrent entre eux fur cette attaque. Les fentimens furent partagés, & tous deux furent extrêmes: celui des rois étoit le meilleur. Le peuple étoit d'avis qu'il falloit fe retirer, & ne point s'expofer au hafard d'un combat contre une fi grande multitude: les rois, de leur côté, vouloient qu'om livrât bataille à ceux qui vcnoient les attaquer. Le peuple ne voulut jamais céder au fentiment de fes rois, ni les rois fuivre celui de leurs fujets. Le peuple étoit d'avis de fe retirer fans combattre, & de livrer ce pays à ceux qui venoient l'envahir. Les rois, au contraire, avoient décidé qu'il falloit mieux mourir dans la patrie, que de fuir avec le peuple. D'un côté, ils envifageoient les avantages dont ils avoient joui jufqu'alors; & d'un autre, ils prévoyoient les maux qu'ils auroient indubitablement à fouffrir, s'ils abandonnoient leur patrie.

» Les deux partis perfévérant dans leur première réfolution, la difcorde s'alluma entre eux de plus en plus. Comme ils étoient égaux en nombre, ils en vinrent aux mains. Tous ceux qui périrent danıs cette occafion, furent enterrés par le parti du peuple, près du fleuve Tyras, où l'on voit encore aujourd'hui leurs tombeaux. Après avoir rendu les derniers devoirs aux morts, on fortit du pays; & les Scythes le trouvant défert & abandonné, s'en emparèrent.

On trouve encore aujourd'hui, dit Hérodete, dans la Scythie, les villes de Cimmerium, & de Porthmies Cimmériennes (1). On y voit auffi un pays, qui retient le nom de Cimmérie, & un Pofphore appelé Cimmérien. Il paroît certain que les Cimmériens, fuyant les Scythes, fe retirèrent en Afie, & qu'ils s'établirent dans la prefqu'île eù l'on voit maintenant une ville grecque, appelée Synope. Il ne paroît pas moins certain que les Scythes s'égarèrent en les pourfuivant, & qu'ils enirèrent en Médie. (Je parlerai ci-après de cette

(1) Voyez la note de M. Larcher fur ces deux villes, some 111, page 382.

irruption des Scythes ). Les Cimmériens, dans leur fuite, côtoyèrent toujours la mer; les Scythes, au contraire, avoient le Caucase à leur droite, jufqu'à ce que, s'étant détournés de leur chemin, & ayant pris par le milieu des terres, ils pénétrèrent en Médie ».

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Cette autre manière de raconter la chofe, eft également reçue des Grecs & des Barbares. Mais Ariftée (2) de Proconèfe, fils de Cayftrobius, écrit dans fon poëme épique, qu'infpiré par Phébus, alla chez les Iffedons; qu'au-deffus de ces peuples, on trouve les Arimafpes, qui n'ont qu'un ceil; qu'au-delà font les Gryphons (3), qui gardent l'or; plus loin encore demeurent les Hyperboréens (4), qui s'étendent vers la mer; que toutes ces nations, excepté les Hyperboréens, font continuellement la guerre à leurs voifins, à commen cer par les Arimafpes; que les Iffédons ont été chaffés de leur pays par les Arimafpes; les Scythe par les Iffédons, & les Cimmériens, qui habitoien les côtes de la mer, au midi, l'ont été par le Scythes. Ainfi Ariftée ne s'accorde pas même ave les Scythes, fur cette contrée.

Comme c'eft à l'occafion des Scythes qu'Héro dote rapporte ce qu'il fait des peuples feptentric naux; que ce fera fûrement auffi à cet article d ce Dictionnaire que l'on aura recours, lorfque l'o voudra favoir ce qu'en difoient les anciens, je va fuivre encore l'auteur grec pour quelques détail que je ne pourrois placer également bien ailleurs.

Après le port des Boryfhénites (L. IV, ch. 17 qui occupent juftement le milieu des côtes ma times de toute la Scythie, les premiers peupl que l'on rencontre font les Calcipides; ce font Greco-Scythes. Au-deffus d'eux font les Alazor ceux-ci & les Capcides, obfervent, en plufic chofes, les mêmes coutumes que les Scythes; m ils fèment du bled, & mangent des oignon de l'ail, des lentilles & du millet. Au-deffus Alazons, habitent les Scythes laboureurs (Scy agricola ), qui fèment du bled, non pour en f leur nourriture, niais pour le vendre. `Par-delà

(2) Cet Ariftée avoit écrit les Arimafpies, po épique en trois livres, fur la guerre des Arima & des Gryphons. Il vivoit cinq cens quatre-vingts avant l'ère vulgaire.

(3) Quelques auteurs avoient cru que ces Gryp étoient des peuples. Je n'ai pas déshonoré ce Dic naire d'une femblable opinion.... C'étoient des ani fabuleux. Paufanias en parle dans fon voyage de tique, vers la fin de ce livre. Selon lui, on v de chaque côté du cafque de Minerve des Gryph & il ajoute : « Ariftée de Proconèfe dit qu'ils fon jours en guerre avec les Arimafpes, qui demeure » deffus des Iffédons; que l'or que gardent les Gry »pouffe de la terre; que les Arimafpes font des ho qui n'ont qu'un oeil depuis leur naiffance; q » Gryphons font des animaux reffemblant aux " avec un bec & des ailes d'aigle ».

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(4) Olen, de Lycie, poëte & devin, eft le p qui ait fait mention de ces peuples.

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Scythes, on trouve les Neures (Neuri ). Autant que nous avons pu le favoir, la partie feptentrionale de leur pays n'eft point habitée. Voilà les nations fituées le long du fleuve Hypanis, à l'oueft du Borysthène. Mais comme l'Hypanis n'est autre que le Bogus, ou le Rofu, on croit qu'Hérodote parle ici des Scythes de l'Europe.

Quand on a paffé ce fleuve, on rencontre d'abord l'Hylée (petit pays de la Scythie, à l'eft du Borysthène ), vers les côtes de la mer. « Au» deffus de ce pays, dit Hérodote ( ibid. ch. 18), » font les Scythes agricoles. Les Grecs qui ha» bitent les bords de l'Hyparis, les appellent » Boryfthénites; ils fe donnent eux-mêmes le nom » d'Olbiopolites (1). Le pays de ces Scythes agri» coles a, à l'eft, trois journées de chemin, & s'étend » jufqu'au fleuve Panticapes (2); mais celui qu'ils » ont au nord, eft de onze jours de navigation, » en remontant le Boryfthène. Plus avant on trouve » de vastes déferts, au-delà defquels habitent les Androphages (ou Andropophages), nations » particulières & nullement Scythes. Au - deffus »des Androphages, il n'y a plus que de véritables » déferts, du moins n'y rencontre-t-on aucun » peuple, autant que nous avons pu le favoir ». Il faut obferver, à l'avantage d'Hérodore, cette expreffion, ooov nμais idouer. Ainfi il n'affirme pas ce qu'il ignore; il dit fimplement que c'est tout ce qu'il a pu apprendre; ce qui eft très différent. J'infifte fur ce point & fur cette qualité du père des hiftoriens, parce que je fuis révolté, à la lecture de plufieurs ouvrages modernes, de voir par-tout attaquer la véracité de cet hiftorien, & le taxer d'une crédulité abfurde.

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A l'eft de ces Scythes agricoles, & au-delà des Panticapes, on trouve les Scythes Nomades, qui ne fèment ni ne labourent. Ce pays entier, l'on en excepte l'Hylée, eft fans arbres (3). Ces Nomades occupent, à l'eft, une étendue de quatorze jours de chemin, jufqu'au fleuve Gerrhus (le Molooznija-wodi, felon M. d'Anville ).

Au-delà du Gerrhus eft le pays des Scythes royaux (4): ces Scythes font les plus braves & les plus nombreux; ils regardent les autres comme

(1) De la ville d'Olbia ou Borythènes à l'embou chure d'Hypanis dans le Boryfthènes,'c'eft-à-dire, du Bog dans le Dnieper.

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(2) M. d'Anville a nié l'existence de cette rivière, parce qu'il ne fe trouve pas de rivière précisément Tur la route du Dnieper à la Crimée. Mais M. Larcher penfant que ce fleuve étoit un peu plus loin, eft peutêtre le Samara, qui fe jette dans le Bog, au-deffus de Poruffis.

(3) Hylée ou Hylea, vient du grec λn, qui fignifie forêt.

(4) Il y a dans le texte grec, Пipxy di тu yippor ταῦτα δὴ τὰ καλευρμενα Βασιλεία ἔστι, κη σκυξαι οἱ ἄριστοι τε κη πλειστοι. Quelques écrivains ont cru que cela vouloit dire que c'étoit le féjour des rois de Saythie. M. Larcher a mieux rendu će texte.

leurs efclaves; ils s'étendent, du côté du fud; jufqu'à la Taurique; à l'eft, jufqu'au foffé (5) que creufèrent les fils des aveugles, & jufqu'à Cremnes, ville commerçante fur le Palus Meotis. Il y a même partie de cette nation qui s'étend jufqu'au Tanais.

Je m'arrête un inftant pour faire obferver que

le pays décrit ici par Hérodote, qui lut fon hiftoire aux jeux olympiques, vers l'an 466 avant notre ère, eft celui que Ptolemée appelle Sarmatie, & il écrivoit dans le fecond fiècle de notre ère; ce qui peur donner environ 700 ans de différence. Alors ce pays étoit plus connu; les peuples appelés Scythes, étoient plus reculés; & d'autres, appelés Šarmates, leur avoient fuccédé.

Au nord des Scythes royaux, Hérodote dit qu'étoient les Melanchlanes (6), peuple qui n'étoit pas Scythe. Au-delà des Melanchlanes, ajoute Hérodote, il n'y a, autant que nous pouvons le favoir, ', que des marais & des terres fans habitans. Le pays d'au-delà du Tanaïs (ibidem, ch. 25), n'appartient pas à la Scythie; il fe partage en pluils commencent à l'extrémité du Palus Meotis, & fieurs contrées. La première eft aux Sauromates; occupent le pays qui eft au nord: on n'y voit ni arbres fruitiers, ni fauvages. La feconde contrée, au-deffus des Sauromates, eft habitée par les Budins; elle porte toute forte d'arbres en abondance. Mais au-deffus des Budins, en tirant vers défert de fept jours de chemin. le nord, le premier pays où l'on entre, eft un

Après ce défert (ch. 22), en détournant vers l'eft, vous trouvez les Thyfagètes; c'est une nation particulière & nombreufe, qui ne vit que de la chaffe. Les Iyrques (quelques auteurs ont cru que dans le grec, au lieu de lupnas, il falloit lire Tupxo; mais puifque l'on trouve ce nom dans Pomponius Méla & dans Pline, il eft probable qu'il étoit celui d'un peuple, plus ancien que Tyrques donc, felon Hérodote, leur étoient conles Turcs, appelés d'abord Turcomans ). Les auffi que de gibier, qu'ils prenoient de cette matigus; ils habitoient le même pays, & ne vivoient nière. « Comme tout cft plein de bois, dit Héro» dote, les chaffeurs montent fur un arbre pour » épier & attendre la bête; ils ont chacun un cheval » dreffé à fe mettre ventre à terre, afin de paroître plus petit; ils mènent auffi un chien avec eux. » Auffi-tôt que le chaffeur, du haut de l'arbre, » apperçoit la bête à portée, il l'atteint d'un coup » de flèche, monte fur fon cheval, & la pourfuit » avec fon chien, qui ne le quitte point ».

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Au-delà des lyrques, en avançant vers l'eft, on trouve d'autres Scythes, qui, ayant fecoué le

(5) Je parlerai de ce foffé en rapportant l'expédition des Scythes.

(6) Ce nom fignifie les noirs manteaux : c'étoit fans doute une épithète grecque, qui avoit rapport à leur habillement, formé de peaux noires.

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Tout le pays dont je viens de parler, jufqu'à celui de ces Scythes, eft plat, & les terres en font excellentes & fortes; mais au-delà il eft rude & pierreux. « Lorsque l'on en a traversé une grande

riter aucune croyance. On voit encore ici Hérodoté douter d'un fait qui fort des règles de la nature.

Ils ajoutent auffi que fi l'on avance plus loin, on trouve d'autres peuples qui dorment fix mois de l'année. Pour moi, je ne puis abfolument le croire. Probablement on avoit d'abord conclu de l'augmentation de l'inégalité des jours & des nuits, en avançant vers le pole arctique, qu'au point du pole même, il devoit, en hiver, y avoir fix mois de nuit; puis on aura dit, comme on l'a fait quelquefois dans des ouvrages de Géographie: Ces peuples ont fix mois de nuit en hiver, quoiqu'il n'y ait pas de peuples aux poles; puis comme le temps de la nuit eft auffi, genéralement par-tout, le temps du fommeil, on a dit que l'on y dormoit pendant x fi fix mois. Hérodote n'eft donc pas fi crédule, puifqu'il affirme qu'il ne peut abfolument le croire.

partie, continue Hérodote, on trouve des » peuples qui habitent au pied de hautes mon"tagnes: on dit qu'ils font tous chauves de naif-fance, hommes & femmes; qu'ils ont le nez » applati & le menton alongé (1); ils ont une » langue particulière; mais ils font vêtus à la ma»nière des Scythes; enfin ils vivent du fruit d'une »efpèce d'arbre que l'on appelle pontique (TOVTIXOV). » Cet arbre, à-peu-près de la grandeur d'un figuier, » porte un fruit à noyau, de la groffeur d'une fève. » Quand ce fruit eft mûr, ils le preffent dans un » morceau d'étoffe & en expriment une liqueur

noire & épaiffe, qu'ils appellent Afchy; ils fucent » cette liqueur, & la boivent mêlée avec du lait. A "l'égard du marc le plus épais, ils en font des maffes, » qui leur fervent de nourriture; car ils ont peu » de bétail, faute de bons pâturages.

» Ils demeurent toute l'année, chacun fous un "arbre. L'hiver ils couvrent ces arbres d'une étoffe » de laine blanche, ferrée & foulée, qu'ils ont » foin d'ôter pendant l'été. Comme elle n'étoit pas » tiffue, c'étoit une efpèce de feutre ». Les Tartares ont, ce me femble, des tentes de cette espèce; & ce que décrit ici Hérodote, pourroit bien avoir été auffi des tentes de même forte.

Perfonne ne les infulte; on les regarde en effet comme facrés. Ils n'ont, avec leurs poffeffions, aucune arme offenfive; leurs voifins les prennent pour arbitres dans leurs différends; & quiconque fe réfugie dans leur pays, y trouve un afyle inviolable, où perfonne n'ofe l'attaquer. On les appelle Argippéens.

On a une connoiffance exa&te de tout le pays, jufqu'à celui qu'occupent les hommes chauves, & de toutes les nations au-delà. Il n'eft pas difficile d'en savoir des nouvelles, par les Scythes qui vont chez eux, par les Grecs de la ville de commerce fondée fur le Boryfthène, & des autres villes commerçantes, fituées fur le Pont-Euxin. Ces peuples parlent fept langues différentes; auffi les Scythes qui voyagent dans leur pays, ont-ils befoin de fept interprètes pour y faire leurs affaires.

On connoît donc ce pays jufqu'à celui des hommes chauves (ibid. ch. 25); mais on ne peut rien dire de certain de celui qui eft au-deffus; des montagnes élevées & inacceffibles, en interdifent l'entrée. Les Argippéens racontent cependant qu'elles font hal itées par des Egipodes, ou hommes aux pieds de chèvres (2); mais cela ne me paroît mé

C'est assez le portrait des Calmoucs actuels.

(2) On peut préfumer qu'on les appela aux pieds de chèvres, parce qu'ils couroint fur les montagnes comme ces animaux; & que ce fut par ignorance que ce nom fut pris au fens propre, qui répugne tant à la raifon.

Il continue, en difant: « On fait que le pays » des Argippéens eft occupé par les Iffédons; mais » celui qui eft au-deffus, du côté du nord, n'eft » connu, ni des Argippéens, ni des Iffédons, qui » n'en difent que ce que j'ai rapporté d'après

"eux ».

Voici les ufages qui s'obfervent, à ce qu'on dit, chez les Iffédons: Quand un Iffédon a perdu fon père, tous fes parens lui amènent du bétail; ils l'égorgent, & l'ayant coupé par morceaux, ils coupent de même le cadavre du père de celui qui les reçoit dans fa maison, &, mêlant toutes ces chairs ensemble, ils en font un feftin. Quant à la tête, ils en ôtent la barbe & les cheveux, &, après l'avoir parfaitement nettoyée, ils la dorent, & s'en fervent comme d'un vafe précieux, dans les facrifices folemnels qu'ils offrent tous les ans (3). Telles font leurs cérémonies funèbres; car ils en obfervent en l'honneur de leurs pères, ainfi que les Grec célèbrent l'anniverfaire de la mort des leurs. A refte, ils paffent auffi pour aimer la juftice; & chez eux, les femmes ont autant d'autorité qu les hommes.

On connoît donc auffi ces peuples (ibid. ch. 27) mais pour le pays qui eft au-deffus, on fait, pa le témoignage des Iffédons, qu'il eft habité par d hommes qui n'ont qu'un oeil, & par des Gripho qui gardent l'or. Les Scythes l'ont appris des Iff dons, & nous des Scythes. Nous les appelo Arimafpes: en langue Scythe, Arima fignifie un cette langue, & Spon, wil.

Dans tous les pays dont je viens de parle l'hiver eft fi rude, & le froid fi infupportal pendant huit mois entiers, qu'en y répandant l'eau fur la terre, on n'y fait pas de boue; m c'eft en y allumant du feu. La mer même fe gl

(3) Quelques autres peuples en ont ufé de mêm P'égard des têtes de leurs ennemis: voyez l'histoire Rofemonde, fille du roi des Gépides, appelé K mond, dont Alboin, roi des Lombards, avoit fait dorer le crâne, ou du moins il en avoit fait coupe garnie d'or.

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dans cet affreux climat; ainfi que tout le Bofphore Cimmérien; & les Scythes de la Cherfonèse paffent en corps d'armée fur cette glace, & y conduifent leurs charriots pour aller dans le pays des Sindes. L'hiver continue de la forte huit mois entiers; les quatre autres mois, il fait encore froid. L'hiver, dans ces contrées, est bien différent de celui des autres pays; il y pleut fi peu, en cette faifon, que ce n'eft pas la peine d'en parler; & l'été, il ne ceffe d'y pleuvoir. Il n'y tonne point dans le temps qu'il tonne ailleurs; mais le tonnerre eft très-fréquent en été; s'il s'y fait entendre en hiver, on le regarde comme un prodige. Il en eft de même des tremblemens de terre; s'il en arrive en Scythie, foit en été, soit en hiver, c'eft un prodige qui répand la terreur. Les chevaux y foutiennent le froid; mais les mulets & les ânes ne le peuvent abfolument, quoiqu'ailleurs les chevaux expofés à la gelée, dépériffent, & que les ânes & les mulets y refiftent fans peine.

Je pense que la rigueur du froid (ibid. ch. 29), empêche les bœufs d'y avoir des cornes. Homère, dit Hérodote, rend témoignage à mon opinion, dans l'Ody ffée, lorfqu'il dit: « Et la Libye, où les » cornes viennent promptement aux agneaux ».

Cela me paroît d'autant plus jufte, que dans les pays chauds, les cornes pouffent de bonne heure aux animaux, & que dans ceux où il fait un froid violent, ils n'en ont point du tout, ou fi elles pouffent, ce n'eft qu'avec peine (1).

Quant aux plumes dont les Scythes (ibid. ch. 31), difent que l'air eft tellement rempli, qu'ils n'y peuvent voir ce qui eft au-delà, ni pénétrer plus avant, voici l'opinion que j'en ai: Il neige toujours dans les régions fituées au-deffus de la Scythie; mais vraisemblablement moins en été qu'en hiver. Quiconque a vu de près la neige tomber à gros flocons, comprend facilement ce que je dis : elle reffemble en effet à des plumes. « Je penfe donc, dit Hé» rodote, que cette partie du continent, qui eft » au nord, eft inhabitable, à caufe des grands » froids; & que lorfque les Scythes & leurs voifins » parlent de plumes, ils ne le font que par com» paraifon avec la neige ». Voilà ce que l'on dit fur ces pays fi éloignés.

Ni les Scythes, ni aucun autre peuple de ces régions lointaines, ne font pas des Hyperboréens (2), fi ce n'eft peut-être les Iffédons; & ceux-là

(1) Ici Hérodote fait une petite digreffion fur la cause vraie ou foupçonnée d'un fait qui n'eft pas trop prouvé lui-même C'est que les mules n'engendroient pas dans PElide. Hérodote, L. VI, c. 3.

(2) J'ajouterai ici, à ce que j'ai dit ailleurs des Hyperboréens, la note fuivante, prife de M. Larcher, tome 111, page 396.

«Il paroit, par le Scholiafte de Pindare, que les Grecs appeloient les Thraces, Boréens ; il y a par confé»quent grande apparence qu'ils donnoient aux peuples » qui habitoient au-delà, le nom d'Hyperboréens n.

même, à ce que je penfe, n'en difent rien; car les Scythes, qui, fur le rapport des Iffédons, nous parlent des peuples qui n'ont qu'un œil, nous diroient auffi quelque chofe des Hyperboréens. Cependant Héfiode en fait menion, & Homère auffi, dans les Epigones, en fuppofant du moins qu'il foit l'auteur de ce poëme (2).

Hérodote, interrompant fa narration, parle de plufieurs autres peuples; mais peu après il revient aux Scythes. Comme ce qu'il a dit eft précédé de chofes générales fur l'Europe, & que je ne l'ai pas placé à l'article EUROPE, je vais le mettre ici: Quant à l'Europe (Herod. L. IV, § 45),

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>> ne paroît pas que perfonne, jufqu'ici, ait décon» vert fi elle ek environnée de mer, à l'eft & au » nord. Mais on fait qu'en fa longueur elle furpaffe » les deux autres parties de la terre. Je ne puis » conjecturer pourquoi la terre étant une, on lui » donne trois différens noms, qui font des noms » de femme, & pourquoi on donne à l'Afie, pour » bornes, le Nil, fleuve d'Egypte, & le Phafe, » fleuve de Colchide...... » Quant à l'Europe, perfonne ne fait fi elle eft environnée de la mer. Il ne paroît pas non plus que l'on faclie d'où elle a tiré fon nom, ni qui le lui a donné; à moins que nous ne difions qu'elle l'a pris d'Europe de Tyr; car auparavant, ainfi que les deux autres parties du monde, elle n'avoit pas de nom. Il est certain qu'Europe étoit Afiatique, & qu'elle n'eft jamais venue dans ce pays, que les Grecs appellent actuellement Europe; mais qu'elle pafla feulement de Phénicie en Crète, & de Crète en Lycie....

Le Pont-Euxin (§. 46), que Darius attaqua, eft, de tous les pays, celui qui produit les nations les plus ignorantes; j'en excepte toutefois les Scythes. Parmi celles, en effet, qui habitent en-deçà du Pont-Euxin, nous ne pouvons pas en citer une feule qui ait donné des marques de prudence & d'habileté, ni même qui ait fourni un homme

Conftantin Porphyrogenète paroît confirmer cette opinion, lorsqu'il dit qu'il y a plufieurs nations confidé rables jufqu'au Danube, dans ces pays hyperboréens.

La conjecture de M. Freret, qui place ces peuples (Mém. de l'Acad. des Bel. Lettres, H.ft. page 200), au-delà du mont Boras, & qui veut que ce foit là la raison qui les a fait nommer Hyperboréens, ne me paroit pas plaufible. Il s'appuie fur ce que cette montagne confinoit avec

lyrie; mais fi cette montagne eût été fi près de la Grèce, comment les Grecs auroient-ils débité tant de fables fur la fituation des pays d'au-delà cette montagne? 2°. Il paroit que le nom de la montagne eft altéré dans Tite-Live, & qu'il faut lire Bernus, comme on le trouve dans Diodore de Sicile, tome 11, page 644, ou plutôt Bermius, comme on le lit dans Hérodote, L. viii, c. 138.

Ces peuples paroiffent Grecs d'origine : le culte d'Apollon Délieh, leurs rites, & les traces de leur langue qui fe rencontrent dans leurs noms propres, tout, en un mot, semble le donner à penser.

(3) Ici Hérodote s'étend fur la marche des offrandes des Hyperboréens, Voyez cet article,

infiruit, fi ce n'eft la nation Scythe & Anacharcis. Les Scythes font donc, de tous les peuples que nous connoiflions, ceux qui ont trouvé les moyens fürs pour fe conferver les avantages les plus précieux; mais je ne vois chez eux rien autre chofe à admirer. Ces avantages confiftent à ne point laiffer échapper ceux qui viennent les attaquer, à ne pouvoir être joints, quand ils ne veulent point l'être; car ils n'ont ni villes, ni fortereffes (Ted). Ils tiennent avec eux leurs maifons; ils font habiles à tirer de l'arc étant à cheval; ils ne vivent point des fruits de labourage, mais du bétail, & n'ont point d'autres maifons que leurs charriots. Comment de pareils peuples ne feroient-ils pas invincibles & comment feroit-il aifé de les joindre pour les combattre ?

Ils ont imaginé ce genre de vie, tant parce que la Scythie y eft propre, que par ce que leurs rivières les favorifent & leur fervent de remparts. Leur pays eft uni, abondant en pâturages & très - arrofe. II n'eft en effet guère moins coupé de rivières, que l'Egypte l'eft de canaux. Je ne parlerai que des plus célèbres, de celles fur lefquelles on peut naviger en remontant de la mer. Telles font l'Ifler (le Danube), le Tyras (appelé depuis Danafier, & actuellement Dnicfter); le Borysthène (appelé depuis Bogus, actuellement le Bog); le Panticapes (foupçonné, par M. Larcher, être le Samara); le Gerrhus (appelé, par M. d'Anville, le MolofynijaWoni); & le Tanais (le Don).

1°. L'Ifter (§. 48), le plus grand de tous flenves que nous connoiffions, eft toujours égal à lui-même, foit en été, foit en hiver. On le rencontre le premier en Scythie, à l'occident des autres; & il eft le plus grand, par ce qu'il reçoit les eaux de plufieurs autres rivières. Parmi celles qu'il reçoit, il y en a cinq qui traverfent la Scythie; celles que les Scythes appellent Porata, & les Grecs, Pyrctos (appelée par Ptolemée, à ce que l'on croit, le Hieralfus, actuellement le Frut); le Tiarantus (l'Alut, ou Aluta ); l'Ararus (le Siret); le Naparis (felon M. d'Anville, le Proava ); & l'Ordeffus (l'Argifcha, felon Boyer), felon M. d'Anville, Argis. La première de ces rivières (le Porata) eft grande; elle coule à l'eft, & fe mêle avec l'Ifter; la feconde, c'eft-à-dire, la Tiarente, eft plus petite, & coule plus à l'occident; les trois dernières, Avarus, le Naparis, & l'Ordeffus, ont leur cours entre les deux autres, & fe jettent autfi dans l'Ifter. Telles font les rivières qui, prenant leur fource en Scythie, vont groffir l'ifter.

Le Maris (que je crois être le Marifus, ou Maros, qui fe jette dans la Théiffe, mais qu'Hérodote a cru fe rendre dans le Danube ); ce Maris donc, coule du pays des Agathyrfes, & mêle fes eaux avec celles de l'Ifkr (Telon Hérodote).

Des fommets du mont Hamus, fortent trois autres grandes rivières, l'Atlas (on ne fait quel nom moderne porte ce fleuve ); l'Auras (incertain comme Le précédent); & le Tibifis ( inconnu de même ).

Elles prennent leur fource vers le nord, & fe perdent dans le même fleuve.

Il en vient auffi trois autres par la Thrace, & le pays des Thraces Crobyziens, qui fe rendent dans l'Ifter. Ces fleuves font, l'Athrys ( inconnu); le Noès (Peucer croit que c'eft le Sitniz actuel ); & l'Artanez (ignoré).

Le Cios (l'Efcker, ou l'Ifcha, appelé par Pline, fcus), vient de la Phaonéc, & du mont Rhodope; il fépare par le milieu, le mont Hamus, & fe décharge dans le même fleuve.

L'Angrus (inconnu), coule dans l'Illyrie, vers le nord, traverse la plaine Triballique, fe jette dans le Brongus, (Peucer croit que c'eft la Save ), & celui-ci dans l'Ifter; de forte que l'Ifter reçoit tout à la fois les eaux de deux grandes rivières.

Le Carpis (M. d'Anville l'appelle Vicegrad), & l'Alpis (ignorée) fortent du pays au-deffus des Ombriques, coulent vers le nord, & fe perdent dans le même fleuve.

On ne doit pas, au refte, s'étonner que l'Ifter reçoive tant de rivières, puifqu'il traverse toute l'Europe (1): il prend fa fource dans le pays des Celtes. Ce font les derniers de l'Europe, du côté de l'occident, fi l'on en excepte les Cynètes (2). Après avoir traversé toute l'Europe, il entre dans la Scythie par une de ses extrémités.

La réunion de toutes les rivières dont j'ai parlé, & de beaucoup d'autres, rend l'Ifter le plus grand des fleuves, ajoute Hérodote (§. 50); mais fi on le compare lui feul avec le Nil, on donnera la préférence au fleuve d'Egypte, parce que celui-ci ne reçoit ni rivières, zi fontaines qui fervent à le groffir. L'Ifter, comme je l'ai déjà dit, est toujours egal, foit en été, foit en hiver: en voici, ce me femble, la raifon. En hiver, il n'eft pas plus gros qu'à fon ordinaire, ou du moins, guère plus qu'il ne doit l'ètre naturellement, parce qu'en cette faifon, il pleut très-peu dans les pays où il paffe, & que toute la terre y eft couverte de neige; cette neige, qui eft tombée en abondance pendant l'hiver, venant à fe fondre en été, fe jette dans l'Ifter. La fonte des neiges, & les pluies fréquentes & abondantes qui arrivent en cette faifon, contribuent à le groffir. Si donc en été le foleil attire à lui plus d'eau qu'en hiver, celles qui fe rendent dans ce fleuve font auffi, à proportion, plus abondantes

(1) Ce qui doit étonner plutôt, c'eft qu'en difant que ce fleuve traverse toute Europe, Hérodote ne nomme réellement que celles de la partie qu'il decrit: il auroit parlé d'un bien plus grand nombre, s'il eut voulu nommer toutes celles que reçoit le Danube depuis fa fource.

(2) Hérodote ne connoiffoit pas trop bien les parties occidentales de l'Europe. A la vérité, les Celtes étoient les plus occidentaux; mais c'étoit à l'eft de leur pays que l'lfter prenoit fa fource, que l'on connoît encore très-bien. Quant aux Cynetes, qui habitoient le Cuneus au fud de la Lufitanie, & fud-ouest de l'Europe, ils étoient loin de-là,

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