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leur attribuer aucun caractère de vérité; nous devons donc placer le doute à l'entrée de toutes recherches sur l'intelligence.

Nous doutons; première affirmation dont nous prenons acte: qu'est ce que douter? douter c'est penser. Or, la pensée suppose, révèle et renferme même explicitement l'existence. L'existence séra donc notre première conception certaine, et nous exprimerons cette certitude par cette formule fameuse et tant contestée, cogito ergò sum.

J'existe; mais dans le doute où je me suis placé volontairement, et retranché dans ma conscience, j'ignore encore si rien existe hors de moi; mais alors se manifeste dans mon âme l'existence de Dieu, dont la vérité est prouvée par l'idée même que j'en trouve en moi. La considération des attributs divins nous assure que Dieu ne peut être trompeur, et qu'il n'a pas voulu enchaîner ses créatures à un système d'illusions invincibles. Ainsi nous avons le droit de croire à des réalités extérieures; alors l'univers créé et possible, intelligible et matériel, reparoît à nos regards.

Cherchons donc la cause des erreurs multipliées qui sont ici bas le partage des hommes,

Dieu n'en est point l'auteur, on ne sauroit le croire sans blasphème; Descartes répond, ainsi qu'il a commencé, en accusant nos préjugés. Nous en secouerons aisément le joug, dit-il, I° si nous imprimons à notre libre arbitre une direction capable de seconder les lumières naturelles de l'intelligence; 2° si nous ne formons jamais des notions claires et distinctes.

que

Il reste à énumérer les notions premières et fondamentales, afin de découvrir, dans chacune d'elles, le clair et l'obscur, le vrai et le faux. Or, tout ce que nous connoissons se range sous trois chefs, 1° les vérités éternelles, notions communes; 2o les réalités ou choses; 3o les impressions qu'occasionent les choses. Cette division est importante, car elle se retrouve dans tout l'ouvrage.

Et d'abord les vérités éternelles, claires et distinctes par elles-mêmes, sont trop souvent obscurcies par l'influence des préjugés. Les choses se subdivisent en trois classes, 1 tout ce qui a une extension universelle, tel que la substance, l'ordre, le nombre; 2° les choses intellectuelles ou qui regardent l'âme, telles sont la pensée, la volition, la perception, et les autres attributs de la

substance pensante; 3° les choses matérielles ou qui regardent le corps, telles que l'étendue, la figure, le mouvement, etc.; non que ces choses soient matérielles, mais elles sont des attributs qui se rapportent au corps.

Après avoir examiné en détail ces notions universelles de substance, d'ordre et de nombre, d'où il touche en passant la question des universaux et des trois sortes de distinctions logiques, l'auteur se demande quel est l'attribut essentiel et fondamental de l'une et de l'autre substance, et trouve ce double attribut dans l'étendue et la pensée; et ne perdant point de vue le principal but de son livre, qui est de découvrir les causes d'erreurs, il en voit une très-importante, en ce qu'on a trop distingué la pensée et l'étendue, des substances pensante et étendue, qui n'en diffèrent que par une distinction fictive; et, au contraire, trop peu distingué ces deux attributs, des propriétés secondes du corps et de l'âme, car entre les uns et les autres existe une totale dissemblance.

Passant au troisième ordre de faits généraux, c'est-à-dire aux impressions que les objets opèrent sur l'âme par l'intermédiaire des sens, il

trouve encore une cause d'erreur dans le préjugé de notre enfance, qui, par exemple, nous a fait regarder comme existant réellement dans les objets et hors de notre âme qui les perçoit, certaines propriétés de couleur, de saveur et de son. Une erreur semblable nous a fait rapporter à la partie qui est affectée, les sentimens du plaisir et de la douleur, qui n'ont d'existence que dans l'âme, que l'âme seule éprouve, et non pas comme étant présente à la partie souffrante, mais seulement au cerveau où elle réside. Tels sont les principaux objets développés dans le premier livre.

Descartes se propose, dans le deuxième livre, la recherche de la vérité par rapport aux principes des choses matérielles; il veut démontrer comment ces principes une fois reconnus, nous pouvons, libres de préjugés et dégagés de toute erreur, en tirer toutes les conséquences applicacables aux sciences naturelles. Ces principes matériels ne sont autres que la troisième classe de choses que nous avons dit concerner les corps, et d'abord l'étendue, la figure, le mouvement.

Dans le livre précédent, Descartes a envisagé l'étendue sous son caractère essentiel, qui est d'être l'attribut fondamental et inséparable de la

b

substance corporelle; il a mis l'étendue en rapport avec la pensée, attribut également essentiel de la substance spirituelle. Ici il revient sur l'étendue, et approfondit cette féconde idée, que l'étendue est le principe constitutif de la matière. Nous n'entrerons point dans les développemens sur lesquels il appuie ses raisons, il faut les étudier dans l'ouvrage même; on y verra ce que sont, ce que peuvent être dans la substance matérielle, les propriétés de pesanteur, de dureté, ce que sont la figure et le mouvement. On verra s'éclaircir, à l'aide de déductions rigoureuses, ces questions si souvent agitées de l'étendue prise en elle-même, de l'étendue des corps, de l'espace ou lieu intérieur, du lieu extérieur, du vide, des atomes, de l'infini et de l'indéfini.

Descartes nous ramène aux impressions sensibles qui, sous ce rapport qu'elles ont leur origine dans les sens et leurs résultats dans l'âme, doivent compléter l'analyse psychologique des principes matériels. Le philosophe analyse les sens internes et externes, et après diverses considérations sur l'influence progressive des objets sur les organes, des organes sur les nerfs, des nerfs sur le cerveau, du cerveau sur l'âme,

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