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habits de leurs femmes. Il pouvoit ajouter

et par les leurs. Mais la bride étoit laschée, il n'étoit plus temps d'y remédier, et au fond, je ne sais si le roy en eust été fort aise, car il se plut fort, pendant les fêtes, à considérer tous les habits. On vit aisément combien cette profusion de matières et ces recherches d'industrie lui plaisoient; avec quelle satisfaction il loua les plus superbes et les mieux en

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Fig. 288.

Costumes de cour.

Tirés de la Réception faite par Philippe V, roi d'Espagne, à la princesse

de Savoie, son épouse, à Figuières en Catalogne, le 2 novembre 1701.

N. B. Cette gravure offre un exemple des queues de manteaux de cour, dont la longueur, réglée sur la qualité des personnes, atteignait jusqu'à onze aunes pour la reine.

tendus, et que, le petit mot lasché de politique, il n'en parla plus et fust ravi qu'il n'eust pas pris. >>

La Bruyère, dans la première édition des Caractères où des mœurs de ce siècle (1688), avait ainsi spécifié l'habillement et le caractère des gens de cour: « Le courtisan avoit ses cheveux, étoit en chausses et en pourpoint, et portoit de larges canons, et il étoit libertin. Cela ne sied plus : il porte une perruque, l'habit serré, le bas uni, et il est dévot: tout se règle par la mode. » Mais le moraliste s'était abstenu de parler de la mode chez les femmes.

XVIIE SIÈCLE. INSTITUTIONS.- 71

Trois ans après, dans la sixième édition de son ouvrage (1691), il n'ajouta rien à ce qu'il avait dit des femmes dans la cinquième : «Si les femmes veulent seulement être belles à leurs propres yeux, et se plaire à elles-mêmes, elles peuvent sans doute, dans la manière

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de s'embellir, dans le choix des ajustements et de la parure, suivre leur goût et leur caprice; mais si c'est aux hommes qu'elles désirent de plaire, si c'est pour eux qu'elles se fardent ou qu'elles s'enluminent, j'ai recueilli les voix et je leur prononce, de la part de tous les hommes ou de la plus grande partie, que le blanc et le rouge les rendent affreuses et dégoûtantes; que le rouge seul les vieillit et les déguise; qu'ils haïssent autant de les voir avec de la céruse sur le visage, qu'avec de fausses dents en la bouche et des boules de cire dans les mâ

choires; qu'ils protestent sérieusement contre tout l'artifice dont elles usent pour se rendre laides. >>

En 1692, dans sa septième édition, la Bruyère lançait aux femmes la flèche du Parthe, en leur faisant ses adieux : « Une femme coquette

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Fig. 290. Dame de qualité recevant un message d'un petit négrillon. (Même source.)

ne se rend point sur la passion de plaire et sur l'opinion qu'elle a de sa beauté; elle regarde le temps et les années comme quelque chose seulement qui ride et enlaidit les autres femmes; elle oublie, du moins, que l'âge est écrit sur le visage. La même parure qui a autrefois embelli sa jeunesse, défigure enfin sa personne, éclaire les défauts de sa vieillesse. La mignardise et l'affectation l'accompagnent dans la douleur et dans la fièvre : elle meurt parée et en rubans de couleur. >

Quant à l'homme à la mode, la Bruyère en a esquissé ce charmant portrait : « Iphis voit à l'église un soulier d'une nouvelle forme, il regrette le sien et en rougit; il ne se croit plus habillé. Il étoit venu à la messe pour s'y montrer, et il se cache; le voilà retenu par le pied dans sa chambre, tout le reste du jour. Il a la main douce et il l'entretient avec une pâte de senteur. Il a soin de rire pour montrer ses dents; il fait la petite bouche, et il n'y a guère de moment où il ne veuille sourire. Il regarde ses jambes, il se voit au miroir l'on ne peut être plus content de personne qu'il l'est de luimême. Il s'est acquis une voix claire et délicate, et heureusement il parle gras. Il a un mouvement de tête et je ne sais quel adoucissement dans les yeux, dont il n'oublie pas de s'embellir. Il a une démarche molle et le plus joli maintien qu'il est capable de se procurer. Il met du rouge, mais rarement, il n'en fait pas habitude: il est vrai aussi qu'il porte des chausses et un chapeau, et qu'il n'a ni boucles d'oreille ni collier de perles; aussi ne l'ai-je pas mis dans le chapitre des Femmes. »

Fig. 291. Cavalier avec une dame en croupe.
D'après Callot.

ANNEXE

EXPLICATION DE LA PLANCHE DOUBLE, PAGE 470.

L'entrée triomphante de Leurs Majestés Louis XIV et Marie-Thérèse d'Autriche dans la ville de Paris, le 26 août 1660, à l'occasion de la signature de la paix générale et de leur heureux mariage.

Les mentions mises sur la planche même indiquent la place des différents personnages ou corporations qui prirent part à cette grande fête; mais un peu plus de détail est nécessaire pour faire apprécier le luxe d'apparat déployé dans cette cérémonie dont, en 1662, il fut publié, par les soins de la ville de Paris, une relation officielle.

La marche se divise en deux parties bien distinctes: 1o Les corps constitués qui, formés dans un lieu de réunion à eux assigné, allèrent successivement présenter leurs hommages au roi et à la reine placés sous le haut dais ou trône royal, érigé à l'extrémité du faubourg Saint-Antoine et représenté dans notre planche, p. 468, puis reprirent la tête du cortège. 2° L'Entrée ou Cavalcade de la cour, qui suivit, après le défilé des corps constitués.

N. B. La gravure originale étant divisée en quatre bandes et notre réduction en douze, on doit pour l'intelligence de l'ordre du cortège remettre ainsi les bandes bout à bout: 3-2-1; 4-5-6; 9-8-7; 10-11-12.

1. Ordre des corps constitués.

1° LE CLERGÉ,

Le clergé se divisait en régulier, représenté par les quatre ordres mendiants (Cordeliers, Jacobins, Augustins et Carmes) qui marchaient en tête, et séculier représenté par les trente-sept paroisses de Paris, les archiprêtrés de Saint-Séverin et de Sainte Marie-Madeleine marchant les derniers côte à côte, chaque paroisse précédée de sa croix et de sa bannière et guidée par un garde du corps. Chaque ecclésiastique, en passant devant LL. MM., les saluait d'une profonde inclination, sans s'arrêter.

2o L'UNIVErsité.

Ce corps, qui marchait à pied comme le clergé, se composait des facultés des arts, de médecine et de théologie (bacheliers, licenciés et docteurs, précédés des bedeaux avec leurs masses sur l'épaule ) le recteur marchant en dernier, avec le doyen de la faculté de théologie à sa gauche.

Le cortège fit halte pour le discours du recteur qui assura LL. MM. des respects et soumissions de ce savant corps que le roi reconnaissait pour sa fiile aînée, et auquel le roi répondit en personne ainsi qu'aux orateurs suivants.

3o LA VILLE.

Suivait le Corps de Ville, en un cortège dont les principales divisions étaient : 1° les archers de la ville; 2° les pages et le cheval de parade du gouverneur de la ville, duc de Bournonville; 3° le gouverneur lui-même, que la ville laissa sur le trône d'où il repartit avec LL. MM. pour escorter la reine; 4° le prévôt des marchands, M. de Sève, suivi des échevins; 5° les conseillers de ville et les seize quarteniers; 6o les maîtres des six corps des marchands (draperie, épicerie, mercerie, pelleterie, bonneterie, orfévrerie); 7° les cinquanteniers, dixeniers et notables bourgeois, suivis des marchands maistres tailleurs d'habits.

Discours du prévôt des marchands et réponse du roi.

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