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tion. Les broderies de soie étaient d'ailleurs autorisées, pourvu qu'elles n'excédassent pas la largeur du doigt et qu'elles fussent appliquées comme bordures sur les habillements des deux sexes. On avait aussi les rubans, pour remplacer les galons d'or et d'argent. On se jeta sur les rubans, et on les employa de toutes manières, en leur donnant le nom de galants. On en garnissait toutes les parties du costume, sous

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différentes formes de noeud et de rosette, à ce point que, vers 1656, un homme à la mode avait cinq ou six cents galants, grands et petits, distribués dans l'économie de sa toilette. On s'était contenté d'abord d'un seul, car, dans la Galerie du Palais, comédie de Pierre Corneille jouée en 1625, Oronte dit à Florise, en lui montrant la boutique d'un mercier « Vois, je te veux donner tout à l'heure un galant. » Le mot prêtait à la plaisanterie; ce fut peut-être ce qui fit son succès et celui des rubans. « On a beau dire que c'est faire une boutique de sa propre personne, et mettre autant de mercerie à l'estallage, que si

l'on vouloit vendre, disent les Loix de la galanterie, publiées en 1644, il faut néanmoins observer ce qui a cours : et pour monstrer que toutes ces manières de rubans contribuent beaucoup à faire paroistre la galanterie d'un homme, ils ont emporté le nom de galands, par préférence sur toute autre cause. » Déjà, en 1635, un noeud de ruban s'appelait une petite oie, parce que ce nœud figurait également au bas des manches, sur les épaules et sur la chaussure, comme représentant l'abattis d'une oie qu'on va mettre à la broche. Cette expression de petite oie, si vulgaire qu'elle fût, s'introduisit pourtant dans la langue la plus raffinée, pour désigner d'abord le cordon et les aiguillettes du haut-de-chausses; puis les rubans qui tombaient comme un petit tablier sur le ventre, pour cacher l'ouverture du haut-de-chausses; puis l'ensemble de tous les galants qui ornaient l'habillement. Dans les Précieuses ridicules, de Molière, jouées en 1660, Mascarille fait admirer sa petite oie à Cathos et à Madelon : « La trouvez-vous, leur dit-il, congruante à l'habit? » puis il ajoute : « C'est Perdrigeon tout pur. >> Ce Perdrigeon était alors le mercier à la mode, qui vendait ces bouquets de rubans.

Ce ne fut pas sans des essais variés et sans de nombreux tâtonnements, que le costume de cour parvint, sous Louis XIV, au plus haut degré d'élégance et de bon goût. Il avait été soumis d'abord à des transformations bizarres. Voici ce que disait, en 1625, le Courtisan à la mode: « La France, plus que province du monde inconstante et grossière d'inventions, en produit et enfante tous les jours de nouvelles. C'est bien pis au temps où nous sommes, auquel on porte la barbe pointue, les grandes fraises, les chapeaux hors d'escalade et d'autres en preneurs de taupes, l'espée la pointe haute, bravant les astres; et crains. encore à l'advenir plus grand débordement de mœurs et humeurs. Chose beaucoup plus dangereuse que la superfluité des habits! Si on demandoit à tels pipeurs, preneurs de papillons, vrais prothées de cour, pourquoi ils changent si souvent de face et de grimace, ils vous répondront que leur habit, leur démarche et leur barbe est à l'espagnole. Maintenant, à cause des relations de la France avec l'Angleterre, incontinent vous verrez nos courtisans habillez à l'angloise, et par ce

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moyen, pour rendre leurs fraizes et leurs collets jaunes, ils seront cause qu'il pourra advenir une cherté sur le safran. » Les choses n'en vinrent pas là: l'imitation des modes anglaises ne gagna pas la France; on se contenta de porter des étoffes et des draps dont le nom seul était anglais, et qui se fabriquaient à Paris et dans les provinces. Aussi, dans le Bourgeois poli (1631), une bourgeoise demande une belle étoffe pour faire un manteau à son mari, et la drapière lui offre du drap ou du carizi d'Angleterre : « Quand vous maniez cela, dit-elle, vous diriez que vous maniez du velours!» Or, le carizi était fait, en Normandie, avec de la laine de Flandre.

Il y eut, surtout pour les chapeaux, une incroyable variété de formes, et cela pendant plus de vingt ans. Gabriel Naudé en parle dans son Mascurat, qui parut en 1649, sous le titre de Jugement de tout ce qui a esté imprimé contre le cardinal Mazarin : « Les chapeliers, dit-il, se plaignent que tant de chouses (modes) nouvelles leur font perdre l'escrime en la fabrique des chapeaux. L'un les veut pointus, en pyramides, à la façon des pains de sucre, qui dansent, en cheminant, sur la perruque... D'autres les veulent plats à la cordelière, retroussez, en mauvais garçon (par signe seulement), avec un pennache cousu tout autour, de peur que le vent l'emporte; d'autres en veulent en façon de turban, ronds et peu de bords. >>

La barbe disparut tout à coup par le fait d'une étrange aventure de cour. Le roi, qui s'amusait à faire tous les métiers, devint barbier et coupa la barbe à tous ses familiers, en ne leur laissant que la moustache en croc et la royale, qu'il eut le soin de tailler lui-même audessous de la lèvre inférieure. Tout le monde obéit à cet ordre tacite : peu de jours après, il n'y avait plus une barbe à la cour, sauf un petit bouquet de poils au menton. La perruque étant dès lors en faveur, les jeunes gens ne se faisaient pas faute de porter les cheveux longs et flottants en crinière sur les épaules. Quelques muguets imaginèrent de poudrer leurs cheveux avec de la fine fleur de farine, mais cette mode ne tint pas contre les brocards qui poursuivaient les meuniers et les enfarinés. L'usage du tabac à fumer avait failli s'établir parmi la jeunesse du beau monde, mais la répugnance des dames en eut bientôt raison.

XVIIE SIÈCLE. -INSTITUTIONS. 69

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