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théâtre, dirigée par l'architecte Dorbay, coûta 198,433 livres quinze sous. Il fut ouvert le 18 avril 1689, et il demeura au même endroit jusqu'en 1770. C'était alors le théâtre de la Comédie-Française, et les comédiens du roi avaient grand' peine à vivre du produit de leur part, les recettes baissant tous les jours. Un arrêt du conseil du 1er mars 1699 leur ordonna de donner le sixième de leur recette aux pauvres de l'hôpital général, mais il élevait en même temps le prix des places, qui furent de trois livres douze sous sur les banquettes du théâtre, de trente-six sous aux secondes loges, et de dix-huit sous au parterre. La recette totale, à cette époque, dépassait rarement 1,400 livres.

Aussi la Comédie-Française ne fit-elle que végéter jusqu'à la mort de Louis XIV.

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- Régence

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La mode après la Ligue. Extravagance des modes féminines sous Henri IV. Faste déployé dans les costumes de grandes cérémonies. Le costume populaire, peu sujet à changements. de Marie de Médicis; modifications dans la manière de porter la barbe et premier usage de la perruque; la Cadenette. Costume des hommes. Parure des femmes ; les fards, l'éventail, le manchon et le petit chien. Les édits somptuaires de 1632 et 1634.- La mode des rubans; les galants et la petite oie. Élégance du costume masculin, sous Louis XIII; sévérité relative du costume féminin. -Les modes à la Fronde. Usage définitif de la perruque sous Louis XIV. Les mouches. costume des hommes; les canons; la rhingrave, etc.... Coiffures des femmes : la Hureluberlu et la Fontange. Récrudescence du luxe dans les costumes de cour. La mode décrite par la Bruyère.

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- Le

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AMAIS la mode, dans le costume des hommes et des femmes, n'était parvenue, en France, au degré de bizarrerie, de dévergondage et de luxe, qu'elle atteignit à la fin du règne de Henri III, qui avait donné l'exemple de ces exagérations et de ces folies. La mode, il est vrai, se trouvait, comme à l'ordinaire, renfermée dans les limites de la cour, et elle ne les dépassait

que pour donner satisfaction au caprice et à la vanité de la riche bourgeoisie. Le reste de la population était à peu près étranger aux singulières variations d'habillement qu'on lui offrait en spectacle. Mais dès lors l'austérité morale de la Réforme s'était prononcée avec indignation contre ces scandaleuses mascarades, qui témoignaient de la corruption des mœurs, et depuis que la Ligue avait voulu tracer une ligne de démarcation profonde entre ses actes et ceux de la royauté,

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les bons catholiques eux-mêmes avaient repoussé avec horreur les livrées de la mode courtisanesque.

Cette différence entre les vêtements de l'un et de l'autre parti ne fit que s'accentuer, à mesure que les événements politiques rendirent plus irréconciliables le roi et la Ligue. Paris, foyer de la Ligue, avait, en quelque sorte, renoncé au despotisme de la mode, avant que Henri III, qui en avait fait la reine de la cour, l'eût abandonnée luimême, pour venir, au milieu de son armée, suivre, le casque en tête et la cuirasse au dos, le siège de sa capitale révoltée. Les troubles continuels et la misère du temps firent ce que n'avaient pu faire tant de lois somptuaires; la Ligue avait tué la mode, non seulement à Paris, mais encore dans les différents centres où elle exerçait sa tyrannie.

Si la mode ne conserva son empire que dans quelques villes de province, telles que Lyon, Bordeaux et Metz, elle avait trouvé du moins une sorte de lieu d'asile, où elle ne cessa de régner en souveraine, dans le château d'Usson, séjour de la reine Marguerite de Valois. Brantôme nous a transmis le souvenir de l'admiration que la gracieuse reine inspirait aux contemporains; et cependant la mode est chose si capricieuse et si changeante, que quand la reine Marguerite, âgée alors de cinquante-deux ans, revint à Paris, en 1606, et s'habilla, comme autrefois, « à son plus superbe appareil, » on la trouva ridicule, et plus tard, sous Louis XIII, on la représentait dans un ballet, comme le type le plus grotesque du temps passé.

La mode, à sa renaissance sous le règne de Henri IV, avait transformé assez heureusement le costume des hommes, mais celui des femmes, qui n'était qu'une déformation extravagante du corps humain sous Henri III, devint, s'il est possible, encore plus laid et plus incommode. La taille était si étroitement serrée dans un corset armé d'un busc d'acier, de baleines et d'éclisses de bois, que la mode arrivait à ce triste résultat, que Henri Estienne appelait l'espoitrinement des dames; cette taille de guêpe s'emmanchait, pour ainsi dire, dans la vertugade, qui bouffait autour des reins, en s'appuyant sur un large cerceau tenu en suspens comme une coupole environnée de basques à gros bouillons, au-dessous desquelles tombaient

toutes droites les jupes formant une espèce de tour ronde soutenue par une armature de fil d'archal. Les manches du corsage, surchargées de bourrelets aux épaules et rembourrées de coton jusqu'au coude, étaient plus grosses que le corsage lui-même; la collerette, tuyautée et empesée, se dressait comme une grille évasée derrière la tête. La coiffure, composée d'une perruque ou de cheveux naturels, était retroussée et pommadée, autour d'un tampon de filasse, sur le sommet du crâne. Les cheveux étaient souvent poudrés, poudre d'iris pour les blondes, poudre de violette pour les brunes. Le cou et le haut de la gorge restaient nus ordinairement, avec un carcan en or ou en pierreries. Il y avait, en général, trois jupes l'une sur l'autre, chacune d'une étoffe plus ou moins riche, de couleur différente. La porteuse de jupes avait l'art de remuer les hanches en marchant, de manière à balancer en cadence par-devant et par-derrière le tambour de la vertugade; elle avait aussi l'art de relever coquettement la robe, pour montrer successivement une première jupe chamarrée, une seconde jupe passementée, et une troisième brodée en or ou en argent. Quant à la robe, elle était également brodée quelquefois avec des perles et des diamants. Ce splendide costume, bien massif et bien lourd, exigeait, comme accessoires indispensables, des bas de soie d'une couleur répondant à celle de la robe, des souliers à pont en maroquin d'Espagne, ouverts des deux côtés, avec oreilles et cordon d'attache en noeud d'amour, des gants de peau parfumée et un mouchoir brodé de la plus grande richesse.

A cette époque, le sceptre de la mode fut entre les mains de Gabrielle d'Estrées, et le luxe consistait surtout dans l'abus des pierres précieuses et des perles, appliquées sur toutes les parties de l'habillement féminin, depuis la tête jusqu'aux pieds; c'était l'alliance de la joaillerie avec la passementerie et la broderie. Lors de l'entrée solennelle de Henri IV à Paris, le soir du 15 septembre 1594, la belle Gabrielle était, au dire des mémoires contemporains, « chargée de tant de perles et de pierreries si reluisantes, qu'elle offusquoit la lueur des flambeaux, et avoit une robe de satin noir toute huppée de blanc. >>

Ce fut au baptême du dauphin et de ses deux sœurs, Mesdames Christine et Élisabeth, le 14 septembre 1606 (voir p. 61), que la cour de France se surpassa en folles dépenses de toilette, dans le moment même où la peste régnait à Paris. « Les princes et seigneurs de la cour, raconte Jean de Serres dans son Inventaire de l'histoire de France, concertoient à qui devanceroit l'un l'autre en despense. Dedans les gardes seules d'une superbe espée que le duc d'Épernon fit monter, entrèrent dix-huit cents diamants, dont le plus riche estoit de vingt escus et le moindre de quatre à cinq, et revenoient ces gardes, au dire de l'orfèvre qui les étoffa, à trente mille écus. Jamais ne fust rien de plus admirable à la veüe, ni de plus incroyable à l'ouye, que la beauté, l'ornement et le lustre des princesses et dames de la cour: les yeux humains ne pouvoient soustenir la splendeur de l'or, ny la candeur de l'argent, ny le brillant des perles et des pierreries qui couvroient leurs habillemens ; et tout ce qui peut se recouvrer de précieux et de rare en étoffes revestoit les princes et seigneurs. La robbe de la reine, estoffée de trentedeux mille perles et de trois mille diamans, la mettoit hors de pair et de prix. » Les étoffes de soie, aux couleurs multiples, que les dames faisaient servir à leur costume, étaient toutes d'un prix excessif, qu'elles vinssent de l'étranger ou qu'elles fussent tissées en France, car les satins de Chine et les brocards de Turquie étaient imités très habilement dans les fabriques françaises, et l'inventaire des meubles de Gabrielle d'Estrées (1598) décrit une « cotte de drap d'or de Turquie, figuré à fleurs, incarnat, blanc et vert, » et une « robbe de velours vert découppé en branchages, doublée de toille d'argent, et icelle chamarrée de passemens d'or et d'argent, avec des passepoils de satin incarnadin. >>

Le costume des hommes de la cour était aussi riche que celui des femmes, dans les occasions solennelles, mais il était de meilleur goût, parce qu'il tendait à se rapprocher de celui qu'on avait porté à la cour de Henri II. Les pourpoints à bosse d'estomac et les pourpoints busqués avaient été remplacés par les pourpoints collants sans busc, avec manches serrées à bourrelets sur les épaules. On n'avait pas gardé longtemps les collets en peaux de fleurs ou de senteurs; les

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