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personnages de l'Église et de la cour patronèrent cette idée, en l'aidant de donations considérables. François Joulet de Châtillon, aumônier du roi, y avait consacré tous ses biens et intéressé en faveur de l'œuvre le cardinal de la Rochefoucauld, qui s'en fit le protecteur. Jacques Danès, évêque de Toulon, Mathieu de Mourgues, aumônier de la reine mère, et beaucoup d'ecclésiastiques distingués, de magistrats, et de femmes pieuses, se firent les bienfaiteurs de cette fondation, qui prit de nouveaux développements par la suite, et qui devint une des plus importantes institutions hospitalières de Paris.

Tous les pauvres, par bonheur, n'étaient pas des incurables. Mm Bullion, veuve du surintendant des finances, ouvrit un asile aux convalescents, qui, sortant des hôpitaux avant d'avoir recouvré complètement la santé, avaient besoin de soins délicats pour échapper à des rechutes dangereuses. Cette dame voulut faire le bien en restant inconnue : elle chargea un prêtre, nommé Gervaise, d'acheter en son propre nom, dans la rue du Bac, un hôtel qui avait appartenu à feu M. Camus, évêque de Belley, et d'y organiser un hôpital pour huit convalescents. On ne sut le nom de la fondatrice qu'en 1631, lorsqu'il fallut enregistrer les lettres patentes qu'elle avait obtenues du roi pour sa fondation. Le nombre des lits fut doublé alors dans cet hôpital, qui était toujours administré par le prêtre Gervaise, lequel obtint, en 1650, la permission de construire une chapelle sous le titre de Notre-Dame des Convalescents. En 1652, cet hôpital passa sous la direction des religieux de la Charité, à qui la fondatrice en avait fait don.

Parmi tous ces hôpitaux, plusieurs avaient été fondés par des femmes, mais elles s'étaient tenues à l'écart par modestie, et elles ne se faisaient connaître que par leur ardeur à donner, toutes les fois qu'une fondation nouvelle s'appuyait sur la charité. Mais on ne voit pas qu'on ait fait intervenir jusqu'alors des femmes laïques ou des religieuses dans l'administration des soins à donner aux malades: ces soins incombaient d'ordinaire à des religieux, tels que les frères de la Charité, quoiqu'il y eût depuis longtemps une congrégation laïque d'infirmières, qu'on appelait sœurs noires, à cause de leur

costume, et qui étaient employées, à l'Hôtel-Dieu, dans les salles où il n'y avait que des femmes en traitement. Ce fut seulement vers 1628 qu'on appela au service des hôpitaux diverses associations de femmes, qui s'intitulaient hospitalières, qui suivaient différentes règles, portaient différents costumes et se rattachaient à différentes congrégations. On avait vu, dans les hôpitaux, les plus grandes dames de la cour, des princesses même alliées à la famille royale, s'imposer la rude pénitence de soigner quelquefois les malades et de panser leurs plaies; mais ce n'étaient que des accidents et des exceptions qui produisaient toujours sur les assistants une impression profonde d'admiration et de respect. En 1624, une pieuse fille, nommée Simonne Gaugain, invita plusieurs de ses compagnes à former une association d'hospitalières, qui ouvriraient des hôpitaux de femmes à Paris et dans les provinces. Elles prononcèrent des voeux, sous le nom d'hospitalières de la charité de Notre-Dame, et elles se mirent sous la direction de Simonne Gaugain, qui prit le nom de Françoise de la Croix. La veuve d'un maître d'hôtel du roi, Madeleine Brulart, acquit une maison, pour ces religieuses, dans la rue de la Chaussée des Minimes, près de la place Royale, et elles y établirent un couvent et un hôpital, sans avoir songé à obtenir des lettres patentes du roi. Les frères de la Charité et les administrateurs de l'Hôtel-Dieu s'entendirent pour demander la clôture de l'hôpital, mais le parlement en autorisa le maintien. Les hospitalières, aidées par la duchesse de Mercœur, ouvrirent rue de la Roquette un hospice pour leurs convalescentes. Elles se répandaient surtout en province, afin d'éviter des querelles avec les administrateurs de l'Hôtel-Dieu, et elles eurent bientôt créé des hôpitaux de leur congrégation à Patay, en Beauce, à la Rochelle, à Toulouse, à Béziers, etc. Leur exemple fut suivi avec une sorte d'enthousiasme, et bientôt chaque province, chaque ville, voulut avoir des hospitalières, avant qu'elles eussent pu s'établir régulièrement à Paris. Ce n'est qu'en 1652 qu'un maître des requêtes, Jacques le Prévost d'Herbelay, fit venir à Gentilly des hospitalières, auxquelles il assura une rente de 1,500 livres, pour soigner les filles et les femmes malades; il obtint, pour elles, en 1655, des lettres patentes qui les

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L'infirmerie de l'hospice de la Charité. D'après Abraham Bosse.

autorisèrent à se transporter dans un faubourg de Paris, et elles occupèrent alors deux maisons qu'il leur avait achetées rue Mouffetard.

A cette époque, Paris possédait déjà depuis plus de vingt ans une institution d'hospitalières, destinée à survivre à toutes les autres, et plus capable aussi de rendre tous les services que la charité pouvait attendre d'elle. C'était saint François de Sales qui avait eu la première pensée de cette belle institution; c'était saint Vincent de Paul qui, de concert avec sa pieuse et vénérable collaboratrice, Mme Legras, en avait posé les bases dès l'année 1633. Il ne s'agissait, en effet, que de mettre en pratique un ancien usage que les femmes des plus hautes classes avaient longtemps tenu à honneur de conserver pour l'édification du peuple, et qui consistait à visiter souvent les malades de l'Hôtel-Dieu et à les panser de leurs propres mains. Vincent avait institué d'abord une association de ces grandes dames, qu'il réunissait dans des conférences de charité, et qu'il invitait ensuite à se rendre dans les salles de l'Hôtel-Dieu pour y porter des soins et des consolations. Les dames de Villesavin, de Bailleul, de Mecq, de Sainctot et de Pollalion, avaient été les premières à concourir à ces assemblées de charité; Mm d'Aligre, femme du chancelier, et Mme Fouquet, étaient venues ensuite, puis la princesse de Mantoue, Marie de Gonzague, la marquise de Combalet, la marquise de Maignelay, la présidente de Lamoignon et d'autres illustres. La visite à l'Hôtel-Dieu, où chaque dame apportait des provisions aux malades, était considérée par les visiteuses comme une sainte récréation, et leurs assemblées de charité, présidées par saint Vincent de Paul, leur semblaient préférables à des réunions de fête ou de plaisir. C'est dans ces assemblées que fut préparée cette congrégation de sœurs de charité, composée de jeunes filles vouées au célibat, qui devaient soigner les malades dans les paroisses, visiter les hôpitaux et se consacrer aux œuvres de miséricorde. Les membres de cette congrégation ne pouvaient pas être cloîtrés, puisque leur mission leur ordonnait de se porter partout où les appelaient les besoins des pauvres. Mme Legras, nièce du chancelier Marillac, avait été mise à la tête de l'institution qu'elle formait sous les yeux de Vincent de Paul; elle en établit le siège dans le

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