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geoise, qu'on soupçonnait d'être partisans du roi. « Les Seize, dit La deliurance de la France, par le Perfée François.

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Fig. 9.

Allégorie politique en l'honneur du Béarnais, représenté comme le sauveur de la France. Fac-similé d'un placard in-folio, daté de 1594, à Paris, par Jean Leclerc, rue Saint-Jean de Latran, à la Salemandre, et cité dans les Droleries de la Ligue, p. 294. (Bibl. Nat., Rec. de l'Histoire de France, 1596-1600.)

l'Estoile, qui n'avait pas quitté Paris, marchoient haut, les testes levées, et les politiques, un peu basses. >>

XVIIE SIÈCLE. INSTITUTIONS. - 5

L'Estoile fait plus loin ce tableau de la situation : « Sur la fin de cest an 1593, la Ligue, voiant les affaires du roy fort avancées, et acheminées à sa ruine et confusion, desbanda tous ses arcs, comme pour ung dernier effort, par le moien de ses jésuistes et prédicateurs, contre la majesté du roi, lequel ils appelloient le luitton (lutin) de Navarre et le serpent des Pyrénées, et le galopoient tellement, tantôt ouvertement, puis couvertement, à droite, à gauche, à tort, à travers, de nuit, de jour, qu'ils se vantoient tout haut, que, s'il n'avoit la cuirasse forte et le dentier bien serré, sa force endiablée ne lui serviroit de rien pour gangner la France. >>

De son côté, le roi n'employait plus que des armes politiques, des négociations, des séductions, des traités secrets. Ce prince, qui manquait souvent d'argent pour son propre usage, au point de ne plus pouvoir nourrir ses chevaux ou d'être réduit à une douzaine de mauvaises chemises et à cinq mouchoirs, savait trouver des millions, par l'entremise des Sébastien Zamet, des Cenami, etc., pour payer des villes et des capitaines. Meaux lui avait été rendu ou pour mieux dire vendu, par Vitry, comme il le disait lui-même en gaussant; ces moyens décisifs ne furent pas étrangers à la réduction de villes plus importantes, telles que Lyon et Orléans.

Il n'était que trop probable que la réduction de Paris suivrait de près celles d'Orléans, de Lyon, et de Rouen, mais les Seize, qui semblaient avoir recouvré dans la capitale leur prépondérance maintenue par la terreur, ne paraissaient pas disposés à se soumettre, bien que la plus grande partie de la population fût impatiente d'avoir un roi, au lieu de tous ces tyrans de bas étage. La cause de Henri IV avait été défendue par une quantité d'écrits remarquables, éloquents ou ingénieux, qui mettaient à néant les ardents libelles de la Ligue. Les deux plus célèbres de ces écrits, et ceux qui eurent le plus d'action sur l'esprit public, avaient été le Catholicon d'Espagne, imprimé en 1593, et l'Abrégé des États de la Ligue, publié en 1594, vigoureuses satires, pleines de bon sens et de sel gaulois, qui formèrent la Satire Menippée, composée par cinq ou six auteurs dévoués aux intérêts de la couronne de France. « Peut-être, a dit le président

Henault, que la Satire Ménippée ne fut guères moins utile à Henri IV que la bataille d'Ivry.» Cet ouvrage plaisant et sarcastique porta le dernier coup à la Ligue, en la frappant de ridicule.

Le mois de mars commençait pourtant sous des auspices assez menaçants. Les Seize tenaient des assemblées secrètes: ils faisaient. porter des armes, par crochetées, dans les maisons. Le duc de Mayenne avait fait déclarer, dans les églises de Paris, qu'il ne traiterait jamais avec l'hérétique, et les prédicateurs ne cessaient d'invectiver le roi, en appelant contre lui le feu du ciel et le couteau des bons catholiques. Le Parlement, de son côté, avait de fréquentes réunions, dans lesquelles on ne parlait que de la nécessité de faire la paix. Tout le monde fut surpris ou inquiet, en apprenant que Mayenne était sorti de Paris, le 6 mars 1594, en disant « qu'il alloit communiquer avec les siens, pour le repos du peuple, duquel il avoit pitié. »

M. de Belin, gouverneur de la ville, s'était démis volontairement de sa charge et l'avait transmise à M. de Brissac, dont le caractère sournois et ondoyant inspirait moins de confiance, quoi qu'il affectât d'être attaché au parti de la Ligue. Le légat affirmait que Brissac était un parfait catholique, parce qu'il lui avait demandé l'absolution, pour avoir conféré avec son frère, M. de Saint-Luc, qui était calviniste; le duc de Feria disait que Brissac était un bon homme inoffensif, parce que, dans un conseil de l'Union, où l'on discutait une affaire de grave importance, il l'avait vu s'amusant à prendre des mouches contre la muraille. M. de Brissac, en sa qualité de gouverneur, se donnait beaucoup de mouvement pour veiller à la tranquillité intérieure de la ville. Dans la soirée du 21 mars, les Seize lui firent savoir qu'une certaine agitation régnait dans quelques quartiers, surtout aux alentours du Palais. Brissac leur fit répondre qu'il ne s'en étonnait pas et qu'on avait fait répandre, en effet, que les troupes royales devaient attaquer, pendant la nuit, le quartier de l'Université. Ce fut donc dans ce quartier-là que les ligueurs se portèrent en armes, pour se tenir prêts à repousser l'attaque qu'on leur annonçait. Quant à Brissac, il fut sur pied toute la nuit, visitant les postes et suivi par des capitaines espagnols, que le duc de Feria avait placés auprès

de lui, avec ordre de le tuer, à la moindre apparence de trahison, ce qui prouve qu'on était en défiance à son égard et que le bruit d'un complot avait couru dans la ville. Brissac fit bonne contenance, et les capitaines espagnols n'ayant rien vu ni entendu qui confirmât leurs soupçons, revinrent, las et fatigués, vers deux heures du matin, chez le duc de Feria, qu'ils rassurèrent sur la situation de Paris, où tout était calme et bien ordonné, disaient-ils.

Mais les royalistes ne dormaient pas : ils avaient été prévenus, le soir même, que le roi s'approchait avec ses troupes et qu'il entrerait, par une des portes de la ville, entre trois et quatre heures du matin. Les principaux chefs du complot, notables, bourgeois, capitaines de quartier, magistrats et autres, devaient descendre dans la rue, armés et portant des écharpes blanches, pour fermer les ponts et garder les points les plus importants de Paris, tandis que les Italiens et les Espagnols se tenaient enfermés dans leurs corps de garde, près de la porte de Buci, et que les ligueurs faisaient des patrouilles dans le quartier de l'Université. Le prévôt des marchands, les échevins et la plupart des membres du Parlement s'étaient mis résolument à la tête des royalistes. M. de Brissac avait fait, la veille, enlever les terres qui masquaient la porte Neuve, sous prétexte de la murer, et cette porte restait ouverte pour recevoir le roi, pendant que la porte Saint-Denis livrerait passage aux troupes de M. de Vitry, et que les garnisons de Melun et de Corbeil arriveraient, par eau, dans le quartier de Saint-Paul. La ville se trouva donc envahie, de deux côtés différents, par les troupes royales, avant l'entrée du roi, qui ne se présenta devant la porte Neuve qu'au point du jour. Il était à cheval, armé de toutes pièces, avec l'écharpe blanche en sautoir, et suivi d'un grand nombre de seigneurs, d'une quantité de noblesse et de cinq ou six cents hommes d'armes. Après avoir reçu les clefs de Paris, que le prévôt des marchands lui offrit sur un plat d'argent, il embrassa M. de Brissac, en lui donnant le titre de maréchal de France; puis, il voulut immédiatement se rendre à Notre-Dame, pour y entendre la messe et remercier Dieu son cortège s'engagea dans la rue Saint-Honoré, et tout le

monde se mit aux fenêtres, pour le voir passer, au milieu d'une foule énorme qui criait: Vive le roi! Quand il mit pied à terre sur la place du Parvis, il était tellement pressé par cette foule grossissante, que ses capitaines des gardes jugèrent prudent de refouler le peuple; mais Henri IV les en empêcha, disant avec bonté qu'il aimait

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Fig. 10. Entrée de Henri IV à Paris. - Fac-similé d'une gravure intitulée « Réduction miraculeuse de Paris sous l'obéissance du roy très-chrestien Henry IIII, et comme Sa Majesté y entra par la porte Neuve, le mardy 22 de mars 1594.-N. Bollery pinxit; Jean le Clerc excudit, » et citée dans les Droleries de la Ligue, p. 306. (Bibl. Nat., Collection Hennin, t. IX, p. 18.)

N. B. Le personnage qui se découvre, et auquel le roi s'adresse, paraît être le duc de Brissac.

mieux avoir plus de peine et que tous ces braves gens le vissent à leur aise, car, ajouta-t-il, « ils sont affamés de voir un roi!» L'évêque de Paris, cardinal de Gondi, étant absent, l'archidiacre, de Dreux, le remplaça et vint, avec tout le clergé, au-devant du roi jusqu'à la porte de l'église. Le roi y entra, après avoir baisé la croix, « avec grande humilité et dévotion » et entendit la messe, ainsi que le Te Deum en musique.

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