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Pourquoi faut-il demander permiffion à son évêque de manger des œufs? Si un roi ordonnait à son peuple de ne jamais manger d'œufs, ne passerait-il pas pour le plus ridicule des tyrans? Quelle étrange averfion les évêques ont-ils pour les omelettes ?

Croirait-on que chez les papiftes il y ait eu des tribunaux affez imbécilles, affez lâches, affez barbares, pour condamner à la mort de pauvres citoyens qui n'avaient d'autres crimes que d'avoir mangé du cheval en carême ? le fait n'eft que trop vrai : j'ai entre les mains un arrêt de cette efpèce. Ce qu'il y a d'étrange c'eft que les juges qui ont rendu de pareilles fentences fe font crus fupérieurs aux Iroquois.

Prêtres idiots & cruels! à qui ordonnez-vous le carême ? Est-ce aux riches? ils fe gardent bien de l'observer. Eft-ce aux pauvres? ils font le carême toute l'année. Le malheureux cultivateur ne mange prefque jamais de viande & n'a pas de quoi acheter du poiffon. Fous que vous êtes, quand corrigerezvous vos lois absurdes ?

CARTESIANISM E.

ON a pu voir à l'article Ariflote que ce philosophe

& fes fectateurs fe font fervis de mots qu'on n'entend point, pour fignifier des chofes qu'on ne conçoit pas. Entélechies, formes fubftantielles, efpèces intentionnelles.

Ces mots, après tout, ne fignifiaient que l'existence des chofes dont nous ignorons la nature & la fabrique. Ce qui fait qu'un rofier produit une rofe & non pas un abricot, ce qui détermine un chien à courir après un lièvre, ce qui conftitue les propriétés de chaque être, a été appelé forme fubftantielle; ce qui fait que nous penfons a été nommé entèlechie; ce qui nous donne la vue d'un objet a été nommé espèce intentionnelle; nous n'en favons pas plus aujourd'hui fur le fond des choses. Les mots de force, d'ame, de gravitation même, ne nous font nullement connaître le principe & la nature de la force, ni de l'ame, ni de la gravitation. Nous en connaiffons les propriétés, & probablement nous nous en tiendrons là, tant que nous ne ferons que des hommes.

L'effentiel eft de nous fervir avec avantage des inftrumens que la nature nous a donnés, fans pénétrer jamais dans la ftructure intime du principe de ces inftrumens. Archimède se fervait admirablement du reffort, & ne favait pas ce que c'eft que le reffort.

La véritable physique confiste donc à bien déterminer tous les effets. Nous connaîtrons les caufes premières quand nous ferons des dieux. Il nous eft donné de calculer, de pefer, de mesurer, d'observer;

voilà la philofophie naturelle; prefque tout le refte eft chimère.

Le malheur de Defcartes fut de n'avoir pas, dans fon voyage d'Italie, confulté Galilée qui calculait, pefait, mefurait, obfervait; qui avait inventé le compas de proportion, trouvé la pefanteur de l'atmofphère, découvert les fatellites de Jupiter, & la rotation du foleil fur fon axe.

Ce qui eft furtout bien étrange, c'eft qu'il n'ait jamais cité Galilée, & qu'au contraire il ait cité le jéfuite Scheiner plagiaire & ennemi de Galilée, (a) qui déféra ce grand homme à l'inquifition, & qui par-là couvrit l'Italie d'opprobre lorfque Galilée la couvrait de gloire.

Les erreurs de Defcartes font:

1o. D'avoir imaginé trois élémens qui n'étaient nullement évidens, après avoir dit qu'il ne fallait rien croire fans évidence.

2o. D'avoir dit qu'il y a toujours également de mouvement dans la nature, ce qui eft démontré faux.

3°. Que la lumière ne vient point du foleil, & qu'elle eft tranfmife à nos yeux en un instant, démontré faux par les expériences de Roemer, de Molineux, & de Bradley, & même par la fimple expérience du prifme.

4o. D'avoir admis le plein, dans lequel il eft démontré que tout mouvement ferait impoffible, & qu'un pied cube d'air peferait autant qu'un pied cube d'or.

5. D'avoir fuppofé un tournoiement imaginaire (a) Principes de Defcartes, troisième partie, page 159.

dans

dans de prétendus globules de lumière l'arc-en-ciel.

pour expliquer

6o. D'avoir imaginé un prétendu tourbillon de · matière fubtile qui emporte la terre & la lune parallèlement à l'équateur, & qui fait tomber les corps. graves dans une ligne tendante au centre de la terre, tandis qu'il eft démontré que dans l'hypothèse de ce tourbillon imaginaire tous les corps tomberaient fuivant une ligne perpendiculaire à l'axe de la terre.

7°. D'avoir fuppofé que des comètes qui fe meuvent d'orient en occident, & du nord au fud, font pouffées par des tourbillons qui fe meuvent d'occident en orient.

8°. D'avoir fuppofé que dans le mouvement de rotation les corps les plus denfes allaient au centre, & les plus fubtils à la circonférence, ce qui eft contre toutes les lois de la nature.

9o. D'avoir voulu étayer ce roman par des fuppofitions encore plus chimériques que le roman même; d'avoir fuppofé contre toutes les lois de la nature que ces tourbillons ne fe confondraient pas ensemble.

10o. D'avoir donné ces tourbillons pour la cause des marées & pour celle des propriétés de l'aimant.

11°. D'avoir fuppofé que la mer a un cours continu, qui la porte d'orient en occident.

12°. D'avoir imaginé que la matière de fon premier élément, mêlée avec celle du fecond, forme le mercure qui, par le moyen de ces deux élémens, eft coulant comme l'eau, & compact comme la terre.

13°. Que la terre eft un foleil encroûté.

14°. Qu'il y a de grandes cavités fous toutes les montagnes, qui reçoivent l'eau de la mer & qui forment les fontaines.

15°. Que les mines de fel viennent de la mer.

16°. Que les parties de fon troifième élément compofent des vapeurs qui forment des métaux & des diamans.

17°. Que le feu eft produit par un combat du premier & du fecond élément.

18°. Que les pores de l'aimant font remplis de la matière cannelée, enfilée par la matière fubtile qui vient du pôle boréal.

19°. Que la chaux vive ne s'enflamme lorfqu'on y jette de l'eau, que parce que le premier élément chaffe le fecond élément des pores de la chaux.

20°. Que les viandes digérées dans l'eftomac paffent par une infinité de trous dans une grande veine qui les porte au foie, ce qui eft entièrement contraire à l'anatomie.

21°. Que le chyle, dès qu'il eft formé, acquiert dans le foie la forme du fang, ce qui n'eft pas moins faux.

22°. Que le fang fe dilate dans le cœur par un feu fans lumière.

23°. Que le pouls dépend de onze petites peaux qui ferment & ouvrent les entrées des quatre vaiffeaux dans les deux concavités du cœur.

24°. Que quand le foie eft preffé par fes nerfs, les plus fubtiles parties du fang montent incontinent

vers le cœur.

25°. Que l'ame réfide dans la glande pinéale du cerveau. Mais comme il n'y a que deux petits filamens nerveux qui aboutiffent à cette glande, & qu'on a difféqué des fujets dans qui elle manquait abfolument,

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