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sont importunés des grands talents et des grands succès: mais La Bruyère avait pour lui Bossuet, Racine Despréaux, et le cri public; il fut reçu, Son discours est un des plus ingénieux qui aient été prononcé dans cette Académie. Il est le premier qui ait loué des académiciens vivants. On se rappelle encore les traits heureux dont il caractérisa Bossuet, La Fontaine, et Despréaux. Les ennemis de l'auteur affectèrent de regarder ce discours comme une satire. Ils intriguèrent pour en faire défendre l'impression; et. n'ayant pu y réussir, ils le firent déchirer dans les journaux, qui dès-lors étaient déja, pour la plupart des instruments de la malignité et de l'envie entre le mains de la bassesse et de la sottise. On vit éclore unt foule d'épigrammes et de chansons, où la rage est égale à la platitude, et qui sont tombées dans le profond oubli qu'elles méritent. On aura peut-être peine à croire que ce soit pour l'auteur des Caractères qu'on a fait ce couplet:

Quand La Bruyère se présente,

Pourquoi faut-il crier haro?

Pour faire un nombre de quarante,
Ne fallait-il pas un zéro ?

Cette plaisanterie a été trouvée si bonne, qu'on l'a renouvelée depuis à la réception de plusieurs académiciens.

'Que reste-t-il de cette lutte éternelle de la mediocrité contre le génie? Les épigrammes et les libelles

at bientôt disparu; les bons ouvrages restent, et la mémoire de leurs auteurs est honorée et bénie par la postérité.

neurs,

Cette réflexion devrait consoler les hommes supédont l'envie s'efforce de flétrir les succès et les travaux; mais la passion de la gloire, comme toutes les autres, est impatiente de jouir; l'attente est pénible, et il est triste d'avoir besoin d'être consolé.

OU

LES MOEURS

DE CE SIÈCLE,

Admonere voluimus, non mordere ; prodesse, non lædere; consulere moribus hominum, non officere.

ERASM.

Jz rends E rends au public ce qu'il m'a prêté: j'ai emprunté de lui la matière de cet ouvrage; il est juste que l'ayant achevé avec toute l'attention pour la vérité dont je suis capable, et qu'il mérite de moi, je lui en fasse la restitution. Il peut regarder avec loisir ce portrait que j'ai fait de lui d'après nature; et s'il se connaît quelques-uns des défauts que je touche, s'en corriger. C'est l'unique fin que l'on doit se proposer en écrivant, et le succès aussi que l'on doit moins se promettre. Mais comme les hommes ne se dégoûtent point du vice, il ne faut pas aussi se lasser de le leur reprocher: ils seraient peut-être pircs,

s'ils venaient à manquer de censeurs ou de critiques: c'est ce qui fait que l'on prêche et que l'on écrit. L'orateur et l'écrivain ne sauraient vaincre la joie qu'ils ont d'être applaudis; mais ils devraient rougir d'eux-mêmes s'ils n'avaient cherché, par leurs discours ou par leurs écrits, que' des éloges: outre que l'approbation la plus sûre et la moins équivoque est le changement de mœurs et la réformation de ceux qui les lisent ou qui les écoutent. On ne doit parler, on ne doit écrire que pour l'instruction; et s'il arrive que l'on plaise, il ne faut pas néanmoins s'en rcpentir, si cela sert à insinuer et à faire recevoir les vérités qui doivent instruire. Quand donc il s'est glissé dans un livre quelques pensées ou quelques réflexions qui n'ont ni le feu, ni le tour, ni la vivacité des autres, bien qu'elles semblent y être admises pour la variété, pour délasser l'esprit, pour le rendre plus présent et plus attentif à ce qui va suivre, à moins que d'ailleurs elles ne soient sensibles, familières, instructives, accommodées au simple peuple qu'il n'est pas permis de négliger, le lecteur peut les condamner, et l'auteur les doit proscrire: voilà la règle. Il y en a une autre, et que j'ai intérêt que l'on veuille suivre, qui est de ne pas perdre mon titre de vue, et de penser toujours, et dans toute la lecture de cet ouvrage, que ce sont les caractères

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