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plusieurs, nous lui attribuons l'existence soit en nous, soit en dehors de nous. Ainsi l'être n'est qu'un attribut entièrement relatif à la perception et à la conception des choses; c'est une conséquence de la pensée et non un principe; c'est la formule la plus simple de son action.

Comme idée abstraite pure et absolue, elle est formée par la pensée abstraite d'elle-même ainsi que des qualités des choses, et ne représente que la simple affirmation de cet acte, en même temps qu'elle est l'expression générale de la loi : percevoir et penser, est affirmer l'existence des choses. Elle n'obtient une espèce de valeur objective et son caractère absolu que par ses rapports avec les idées de l'espace et du temps, qui sont réellement absolues pour la pensée; elle n'en peut faire abstraction en aucune manière.

L'être est ce qui est, l'être est définitions ridicules, débris de la Scolastique; dites toutes les choses qui sont, sont; le verbe être, est; l'idée abstraite de

l'être est encore; mais l'être en lui-même n'est rien, n'est pas. La confusion entre la valeur objective et subjective de cette idée, mena la Scolastique à l'obscurité, l'école cartésienne aux conclusions les plus contradictoires. Confondez un seul moment l'Étre, substantif synonyme de Dieu, et l'être, idée abstraite, puis soyez logique, et vous arrivez au panthéisme; cherchez au contraire à rester théiste, malgré cette confusion, vous devenez non-seulement incompréhensible, mais absurde; confondez encore l'être avec la substance qui nous est inconnue, vous déclarez que l'inconnu est, mais vous n'avez pas le droit de faire un pas de plus.

LII. Le non-être est de la même espèce. L'être étant non pas une chose en soi, mais un attribut que la pensée accorde d'une manière ou d'une autre à toutes choses, le non-être dans sa portée objective est la négation de toutes choses, le néant; mais quelque chose étant, le néant n'est point, ne saurait être admis ou pensé.

Sa valeur, comme celle de toute négation, est entièrement relative à la connaissance que nous avons des choses en affirmant que le monde n'est pas éternel, j'admets qu'il y a eu un commencement, qu'antérieurement il y eût le néant; ce qui, d'un autre côté, me conduit à l'éternité même des choses, par la simple raison que je ne puis comprendre l'existence du néant. Contradiction de même nature que la confusion entre l'Être et être ; nous donnons une valeur objective au néant que nous fondons soit sur une croyance, soit sur une impossibilité, et non sur la science directe et certaine de la nature des choses.

Le non-être, ce qui n'est absolument pas, ne peut pas être pensé. Ce que nous ne pouvons penser ne peut pas être pour nous. Nous ne pouvons ne pas penser une chose en la pensant; ce qui ne reçoit une valeur objective qu'uni au principe de connaissance de l'espace et du temps: une chose ne peut pas être et n'être pas à la fois.

LIII. L'idée de substance.

Les qualités sont ce par quoi nous nous formons les idées des choses. Rien n'est sans manière d'être, sans qualités.

La perception en elle-même ne nous montre que le fait ou le phénomène : de la lumière brisée par son passage dans un autre milieu, par exemple, elle ne nous enseigne rien de plus qu'au simple animal, ne nous présente qu'une vaine image. L'acte de la pensée ne commence que par l'affirmation toute spontanée et instinctive, que le phénomène perçu est une propriété, une qualité inhérente à l'eau, à la lumière ou à la vue. Transition qui ne pourrait avoir lieu sans le principe de connaissance innée par lequel nous affirmons implicitement dans nos perceptions qu'elles représentent les qualités de quelque chose.

En réfléchissant ce procès de la pensée, il nous devient impossible d'admettre que nous percevions autre chose. que des qualités, que nous pensions autre chose que leurs rapports. Chaque chose prise isolé

ment, telle qu'elle se présente, est donc nécessairement un ensemble de qualités et de rapports qui la distinguent et la définissent. De plus, elle est nécessairement encore égale à la somme de ses qualités, du moment que nous ne percevons que cellesci, que nous ne pensons que leurs rapports et que, ce qui ne peut être perçu ou pensé, n'existe pas pour nous. II serait aisé d'expliquer par ces conséquences de l'acte simple de penser les deux axiomes des mathématiques Le tout est égal à la somme des parties, la partie moindre que le tout.

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LIV. Nous sommes loin de percevoir toutes les qualités de chaque chose, et cependant nous nous formons une idée précise de leur ensemble.

Ensemble qui renferme sa substance, mais que l'idée de substance ne nous montre pas; qui suppose encore le premier principe de connaissance, mais que celuici ne nous donne pas non plus. Ce n'est que par l'action spontanée et irréfléchie

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