Page images
PDF
EPUB

tous les cas possibles, celle par tous les cas imaginables étant donnée. C'est un cercle d'où il n'y a pas moyen de sortir; le doute serait de la folie, et la vérité prouvée devient une vérité objective nécessaire.

preuve

XXIX. La certitude qu'emporte la empirique dans la démonstration des idées générales dérive de la nature des idées particulières et collectives, qui toutes sont nécessairement, subjectivement et objectivement vraies, quand nous ne leur attribuons que des perceptions simples et directes, et l'affirmation implicite des principes de connaissance. Douter de ces idées serait douter de notre propre existence et de celle du monde extérieur. Elles sont vraies et nécessaires à nous, hommes, du moment que nous les produisons et que nous en conservons la mémoire en pleine conscience de nos actes.

Si nous n'employons pas le mot nécessaire dans son acception métaphysique, c'est qu'il faut rappeler un peu à la réalité

la spéculation philosophique. Toutes les idées absolues ne sont pas nécessaires à l'existence de l'homme comme idées, mais bien toutes les idées particulières et collectives formées, parce qu'il n'en saurait douter sans se détruire lui-même.

Les idées générales, non confirmées dans tous leurs éléments par une expérience directe, n'ont évidemment d'autre valeur que celle dérivant de leur mode de formation. Les objets dont les perceptions donnent lieu aux idées générales existent, mais ils n'existent pas sans d'autres qualités, dont nous avons cependant fait abstraction en produisant ces idées1. Elles ne possèdent donc comme telles qu'une valeur toute idéale, hypothétique.

XXX. La preuve abstraite repose entièrement sur la science que nous possédons des lois qui régissent les actes de la pensée. C'est plutôt une explication qu'une preuve; la pensée agissant selon ces mêmes lois

1 XVIII.

n'en aurait pas besoin pour être convaincue. Mais si les hommes acquiescent instinctivement à la vérité, ils doivent également être mis à portée de la comprendre, et c'est là un des mérites de la preuve abstraite elle est une déduction de principes évidents, au moyen d'autres principes qui portent le même caractère. Comme elle ne sort cependant pas de la pensée même, elle devient inutile et ne persuade plus du moment que celle-ci refuse son assentiment.

La preuve abstraite n'atteint toute sa portée que quand elle est susceptible d'une confirmation par la preuve empirique, comme dans les mathématiques par exemple; elle reçoit alors une valeur objective et en même temps elle élève cette dernière jusqu'à la hauteur de l'absolu, la complète pour tous les cas possibles, inconnus, infinis.

Il est des cas cependant, dans le même ordre d'idées, en morale surtout, où la vérité à démontrer comprend la possibilité d'une preuve empirique, sans que nos faibles moyens nous permettent de la donner; alors.

la valeur de la preuve abstraite reste naturellement subjective, idéale, hypothétique, la même que celle des idées générales qu'une expérience parfaite ne confirme point.

XXXI. Enfin il est des idées qui échappent à toute preuve ou explication abstraite, parce qu'elles sont les derniers produits de l'abstraction même; ce sont les cinq idées abstraites pures: Être, Substance, Cause, Infini, Éternité; il n'existe point dans la pensée d'élément qui leur soit supérieur. En percevant les choses nous disons. qu'elles sont, et abstraction faite de ces choses, nous disons que l'être est; en les percevant comme des qualités et des effets, nous déclarons qu'elles ont une substance et une cause; en les percevant en rapport avec l'espace et le temps, auxquels nous ne connaissons point de limites, nous disons qu'elles sont dans l'infini et l'éternité. Mais ni l'être, ni la substance, ni la cause, ni l'éternité, ni l'infini, abstraction faite des perceptions, ne renferment évidemment aucun élément de science directe. La pensée

s'y réfléchit dans l'inconnu, dans une solitude saus bornes qu'elle n'anime que par des théories fondées sur une science indirecte, par ses sentiments ou par la tradition. Ces idées constituent, sous des formes diverses et multiples, le fond de toutes les croyances des hommes.

XXXII. Faisons cependant une restriction importante, qui ne fût que trop négligée par toutes les philosophies dogmatiques et sceptiques si ces idées sont vides, si nous ne possédons aucune notion directe de la nature de leur objet, si elles ne représentent qu'un besoin immense de savoir absolu, du moins, l'action de la pensée et les principes de connaissance dont elles dérivent sont évidents; et la science des lois, grâce auxquelles nous les produisons, est soumise à nos efforts. Nous pouvons la rectifier et l'augmenter, parce que la pensée, telle qu'elle est, implique toujours la preuve empirique, que son rapport avec la preuve abstraite élève à la hauteur de l'absolu. Si d'éminents penseurs n'entrevirent point

« PreviousContinue »