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tion de nos connaissances mêmes un laboureur découvre un os fossile, Cuvier y voit toute une race éteinte et une époque du monde.

XVI. Percevoir ou sentir, c'est affirmer implicitement l'existence des choses.

Penser, dans la plus simple acception, c'est saisir spontanément les rapports et la valeur des perceptions en vertu des principes de connaissance et de leurs conséquences nécessaires, les lois et axiômes de la pensée; c'est produire des notions, des concepts, des idées en un mot.

en

Juger, c'est pour ainsi dire penser en seconde instance, saisir en vertu des mêmes principes et lois, les rapports d'idées formées, devenues comme telles l'objet de nouvelles perceptions; c'est affirmer une chose d'une autre, comme dit l'école tant que perçues et pensées, devrait-elle ajouter; car le jugement ne précède ni n'engendre l'idée; il la suit et l'exprime. La formation des idées revient à l'action instinctive de la pensée, qui renferme dans

son plus simple acte, comme nous le verrons, les facultés d'expérimenter et d'abstraire, les principes de connaissance et les lois qui en découlent. Le jugement est la transition de l'idée à la parole; c'est

par lui que la pensée se guide, mais ce n'est point par lui qu'elle se forme. S'il suffisait de juger pour faire progresser la science, nous n'en serions plus à ces questions élémentaires.

Produire un enchaînement de jugements, c'est raisonner; tandis que réfléchir c'est percevoir, penser, juger tour à tour. Toutes ces distinctions, qui sont régies par la même loi fondamentale de la pensée et les mêmes principes de connaissance, ne sont utiles que pour préciser davantage les divers degrés de l'action de penser.

La perception et la pensée considérées dans leur rapport et leur action sont appelées faculté de connaissance; dans leur effet immédiat, intelligence.

XVII. Percevoir étant affirmer l'existence des choses et en même temps la condition

première de l'acte de penser, l'affirmation de la simple perception implique l'existence même de la pensée. La négation n'en est qu'un résultat relatif; elle suppose toujours un rapport d'idées formées, un jugement donné. Un rapport quelconque de deux choses étant donné, nous le nions, tantôt parce que nos perceptions ou connaissances ne nous permettent pas de le saisir, tantôt parce que, par nos perceptions ou connaissances mêmes, nous saisissons son impossibilité. Dans le premier cas, la négation se réduit à une af firmation vague; dans le second, à une affirmation précise de nos perceptions ou connaissances; conséquence de notre ignorance dans l'un, elle en est une preuve dans l'autre.

Il n'y a que des jugements négatifs, il n'y a point d'idées de ce genre; toutes les expressions négatives se réduisent toujours à un rapport d'idées affirmatives formées.

XVIII. Un rapport de perceptions directes formant un tout indépendant, ayant

sa raison d'être dans la nature des choses, constitue une idée particulière.

Les idées collectives sont formées par les conceptions de qualités communes à diverses choses isolées.

Les idées générales sont produites quand la pensée, en vertu de son pouvoir d'isoler les unes des autres les perceptions, ne considère dans les choses collectives que les qualités communes, et fait par cela même abstraction de celles qui distinguent ces choses entre elles.

Les perceptions par la conscience des actes de la pensée forment enfin la quatrième espèce d'idée : les idées abstraites proprement dites, dans lesquelles abstraction est faite de toutes les qualités que nous pouvons ne penser pas; ou plutôt, ce sont les idées que nous nous formons par les perceptions des lois de la pensée se manifestant dans ses actes: être, cause substance, nombre, étendue, durée, par exemple.

XIX. Autre chose est l'action spontanée, non réfléchie de la pensée en vertu des prin

cipes de connaissance et des axiômes et lois qui peuvent se manifester dans cette action; autre chose est leur science, ou la formation des idées correspondantes; lesquelles sont un produit de notre attention, de notre pouvoir de diriger par la volonté les facultés de sentir et de penser en cherchant à nous élever à la connaissance des choses. C'est la confusion entre ces deux états si différents qui a conduit de nombreux philosophes à conclure aux idées à priori ou innées. Les idées, produit de la pensée, ne sauraient exister antérieurement à son action; elles sont donc nécessairement relatives à nos efforts. Nous pouvons déclarer un grand nombre des idées abstraites absolument nécessaires comme lois, mais comme idées elles n'ont rien d'absolu, elles peuvent ne pas exister, être vraies ou fausses.

XX. Quant à la division des idées en synthétiques et analytiques, elle serait fondée si toutes nos idées n'étaient pas analytiques dans leur formation et synthétiques comme idées, et de plus, synthétiques dans

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