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lités et des effets que nous appelons le moi ou l'âme, et qui sont soumis à cette même. science absolue de l'espace et du temps, d'une manière entièrement différente que d'autres qualités et effets que nous appelons le monde extérieur1.

XIII. Le rôle de la pensée se borne à saisir, en vertu de ces principes de connaissance, les rapports et la valeur des perceptions, mais elle ne les produit pas. Percevoir n'est pas penser; à tel point que nous attribuons les perceptions, données simples, directes, spontanées, à une seconde faculté primitive, celle de sentir.

La nature de cette faculté nous est inconnue nous ignorons, d'un côté, la constitution intime de nos organes, et d'un autre, il ne nous est point donné de perce

1 L'enfant pose d'abord le moi sans le réfléchir, sans saisir les rapports et les différences qui existent entre son être et ses sensations; ce n'est qu'au fur et à mesure que ses sens se perfectionnent et qu'il s'élève à la réflexion de ces rapports qu'il comprend et prononce le « je ».

voir notre propre essence, mais il nous est impossible de n'en admettre pas l'existence. Il est en nous des principes et des facultés qui ne pouvant provenir de notre organisme animal, se développent cependant par son concours et réagissent à leur tour sur lui. Cette action et réaction de notre corps et de notre âme nécessite donc une faculté qui unisse intimement l'âme et ses facultés au corps et aux facultés animales qui lui sont propres la faculté de penser, aux sensations et à la mémoire animale; la faculté d'aimer, aux affections et besoins instinctifs, et la faculté de vouloir, à la motricité du système nerveux. Comme telle, la faculté de sentir mériterait un nom d'une portée plus étendue; mais un neologisme n'ajouterait rien à la clarté; le nom ou le son est de la moindre importance.

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XIV. Nous percevons certains phénomènes de nos sens, d'autres de notre organisme animal, d'autres, enfin, se passant en nous-mêmes; ce qui nous conduit à distinguer dans la faculté de sentir la

perception extérieure, le sens intime, et la conscience.

Les sensations, mouvements nerveux, indifférents, agréables ou pénibles, sont un phénomène essentiellement matériel, qui nous est commun avec tous les êtres doués d'un système nerveux. Par un procédé dont la science n'a pas encore levé le voile, la perception extérieure éprouve ces mouvements dans les organes sans en percevoir la nature, et nous acquérons l'habitude de les rapporter à leurs véritables causes, les objets extérieurs, à mesure que nous apprenons à nous servir de nos sens.

Le sens intime perçoit de même les affections et besoins instinctifs provenant de nos instincts de conservation, de relation et de reproduction, sans percevoir davantage le véhicule organique par lequel ces perceptions lui arrivent. Nous attribuons à cette mème faculté secondaire les perceptions de la mémoire, souvenirs et réminiscences, empreintes laissées par les sensations passées dans le système cérébral.

La mémoire de l'âme ne saurait être autre que la perception de son existence, un produit de la conscience qui fournit à la pensée une dernière espèce de perceptions pures de tout contact corporel; c'est par elle que l'âme se sent exister dans l'espace et le temps par ses actes, ses pensées, ses sentiments et ses volontés.

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XV. Le caractère dominant de la faculté de sentir considérée en elle-même est la passivité. Elle ne peut donner que ce qu'elle éprouve sans cesser d'être ce qu'elle est, sans empiéter sur le domaine et le but de la pensée; ce qui entraîne cette importante conséquence que les perceptions pures et simples sont toujours réelles, vraies. 2 Les sens et nos organes sont de la matière, comme tels, dans un rapport fatal et mathématique avec le monde extérieur; les per

4 Nous reviendrons dans la suite de ces Essais, sur l'ensemble de cette théorie, qui, au premier moment, pourrait paraître téméraire.

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? A. Garnier. Traité des facultés de l'âme.

ceptions par la conscience des actes de l'âme dépendent nécessairement de la nature de cette dernière. Ce sont des déclamations superficielles et vaines, que celles dirigées contre la fidélité de la perception extérieure, du sens intime et de la conscience ces facultés rendent ce qu'elles reçoivent; libre à nous d'en tirer des conséquences vraies ou fausses. L'homme ignorant et l'homme instruit voient le soleil à la même place; leur perception est la même; cependant le premier se trompe, le dernier sait que l'astre se trouve en réalité à quelque distance plus bas; conséquence nécessaire des lois de la lumière, fort en accord avec la donnée de l'organe.

Les simples perceptions, quoique vraies en elles-mêmes, sont cependant imparfaites au point de vue de la science absolue; elles ne nous montrent point la nature des choses. Leur valeur est nécessairement en rapport avec nos facultés et nos moyens de connaissance, et, conséquence immense pour les progrès scientifiques en propor

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