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tenu, soit dans leurs rapports entre elles. L'école cartésienne n'ayant su trouver la vérité par l'analyse du contenu, Hegel crut la découvrir par la synthèse du rapport : Toute chose est une thèse dont la science suppose celle de son antithèse qui la limite et la définit; toutes deux forment donc un ensemble dans lequel l'une suppose toujours l'autre, la synthèse.

Méthode peu sérieuse. Ou la synthèse ne renferme que notre connaissance de la thèse et de l'antithèse, ou elle renferme quelque chose de plus; dans le premier cas elle ne prouve absolument rien et ne conduit à rien. au delà; dans le second elle est entièrement gratuite, une simple hypothèse qui ne prouve encore rien par elle-même, et force à recourir à de nouvelles synthèses de même nature hypothétique. Aussi tout le système se résume-t-il en une suite de déductions déguisées, de quelques rapports des idées abstraites entre elles, marchant d'hypothèse en hypothèse sans pouvoir sortir de la première affirmation.

Hegel, cherchant une autre certitude que celle définie par Kant, et contraire par cela même à l'esprit de leur méthode toute à priori, se perdit nécessairement dans une confusion complète entre les idées et les expressions affirmatives et négatives, entre les mots et leur valeur, et son école devint une nouvelle édition de la Scolastique, moins les données religieuses.

VII. Pendant que les penseurs de l'Allemagne s'avançaient aveuglément vers ces écueils de la raison pure, les philosophes des écoles écossaise et française, sages et prudents glaneurs dans le domaine de la science, recueillirent bien des observations précieuses ou brillantes, sans parvenir cependant à amasser une récolte complète. Employant tour à tour l'une ou l'autre méthode, s'appuyant tantôt sur tel principe, tantôt sur tel autre, il leur fut impossible de produire un tout homogène; ils n'élevèrent point de système et ne formulèrent point de méthode qui en enchaînât toutes les parties.

La plupart même s'occupèrent peu de la solution de cette question fondamentale; ils pensèrent tout droit, et si souvent ils n'en pensèrent que d'autant plus juste, la question n'en restait pas moins irrésolue.

VIII. En face de cette impuissance, du désordre qui en découle et règne actuellement dans la science, il est du devoir de tout penseur sérieux de se demander: quel est le principe le plus profond, la meilleure méthode, et le système le plus vrai?

De principe nous n'en avons point découvert. Nous avons vu que si nous nous élevions à la science des principes et lois par l'étude des faits, c'était aussi de l'existence des principes et lois que dérivaient les faits; les uns se découvrent et se prouvent par les autres, rien ne se découvre ni ne se prouve par soi-même.

Cercle immense dont le centre n'est nulle part, et qui s'étend sans cesse par le travail lent et pénible des générations, par la spéculation individuelle et l'expérience journalière des peuples et des masses, formant et

rectifiant leurs croyances selon l'extension continue de leurs connaissances. Phénomène profond et mystérieux, soumis à des lois certaines, et qui dérive évidemment de la nature de la pensée de tous les hommes dans tous les temps. Cette méthode en effet est la meilleure, qui présente le résumé le plus complet de tous les éléments de la pensée générale, élevée à la hauteur de la conscience et des efforts individuels; nous l'appelons la méthode historique.

Quant au système, il n'est pas l'histoire de l'esprit humain, mais la science des principes, lois et conséquences absolues ou générales, qui dominent l'humanitė entière dans son action dans les temps. L'histoire proprement dite, point de départ de l'étude, ne sert que de preuve lointaine et dernière à la science. La philosophie porte sa preuve directe en ellemême, dans l'assentiment de la pensée; et c'est la détruire, en même temps que fausser l'histoire, que de faire de la première une interprétation gratuite de la

seconde. Si vos inductions doivent être fondées en raison, montrez et faites-nous accepter leurs principes et règles, au lieu de ravaler jusqu'au roman la science sévère des faits.

Des facultés de la pensée.

IX. Toutes nos connaissances et croyances commencent par l'action que le monde extérieur exerce sur les sens dans notre première enfance.

Mais les sensations resteraient toujours des images confuses et vaines, sans une faculté innée qui nous rend capables de saisir leurs rapports et leur valeur, de les distinguer les unes des autres, de les isoler pour les réunir ensuite de toutes façons, en nous formant les idées des choses. Cette faculté est celle de penser, qui renferme évidemment en elle les principes nécessaires à là connaissance de ces rapports. « Notre âme, dit Bossuet, a en elle-même des principes de vérité éternelle, et un esprit de rapports,

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