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aussi à le nier, au nom de ces mêmes principes et désirs, par ce que ce rapport offre d'incomplet et de contradictoire. Le troisième enfin repose, non sur la réflexion de quelques idées abstraites, ni sur le développement de nos sentiments, mais sur la science directe de toutes les données de l'intelligence, sur leur accord parfait, soit entre elles, soit avec la nature humaine et les attributs divins.

XXX. Dieu, comme cause, fut absolument libre de créer ou de ne créer pas, complètement indépendant de la nature de ses effets. Sans la liberté, le monde n'eût été qu'un effet nécessaire, et il n'y aurait plus de raison pour que l'existence des qualités primitives et fondamentales, l'enchaînement de tous les phénomènes, ne fussent éternels comme leur cause.

Dieu comme cause est unique. Le monde dans tous ses éléments forme un ensemble soumis à trois lois fondamentales somme de qualités, enchaînement de rapports, existence dans l'espace et le temps. L'harmonie

préétablie entre les lois qui dérivent de la nature de la pensée, et celles régissant les rapports des qualités de la matière, le confirment empiriquement. Quant à la preuve de deux infinis qui s'excluent, elle n'a aucune valeur objective, parce qu'elle ne renferme aucun élément de science directe, l'infini n'étant qu'une négation; du reste, l'objection que deux infinis absolument différents de nature ne sauraient s'exclure, la réduit à rien.

Dieu unique est l'Être absolu. Il devient infini et éternel pour la pensée, parce qu'elle ne découvre ni en elle ni dans le monde la possibilité de l'existence d'un autre être. Il remplit donc le néant de l'espace et du temps. Comme tel, il est en tous temps et lieux, sans bornes et sans commencement, parce que le néant ne saurait être admis la pensée. Comme tel encore, il ne peut être ni plus, ni moins, ni ici, ni là, sinon il ne serait pas l'Être absolu, il est donc également tout entier en chaque temps et lieu.

par

XXXI. Dieu est tout-puissant. Produire

un monde qui n'existait absolument pas, le tirer du néant sans le moindre rapport avec sa nature propre, sans autre motif qu'une volonté entièrement libre, dépasse notre intelligence et les lois auxquelles elle est soumise.

Cause libre et toute-puissante, Dieu est intelligence pure et personnelle. Point de liberté sans choix; point de choix sans conscience de son être et du pouvoir de faire ou de ne faire pas; point de création sans conception antérieure, nécessairement libre et toute-puissante comme l'acte.

Intelligence pure et toute-puissante, Dieu est toute perfection; point de faux, point d'erreur, point d'imperfection en lui; le vrai, le beau, le bien sont nécessairement identiques dans sa toute-puissance.

Comme tel Dieu est tout amour le vrai ne devient le beau que par l'amour; le vrai et le beau dans les actes ne deviennent le bien que par l'amour; la vérité absolue suppose l'intelligence toute-puissante, de même la beauté et la bonté suprêmes sup

posent l'amour infini; c'est vers lui que rayonnent nos désirs innés et sans bornes.

XXXII. Chacun des attributs de Dieu ainsi

posé, renferme cependant un élément contradictoire à notre science des lois de la pensée et à celle des choses: Dieu est l'unité absolue, et il a produit le multiple; il est absolument infini en tous sens, et nous existons également en dehors de lui; il est tout entier en chaque temps et lieu, étendu et non étendu à la fois, il dure et ne dure point en même temps; il a tiré le monde du néant, et nous ne concevons la production de rien; il est l'intelligence infinie, donc le choix libre de l'homme est prévu; il est toute perfection, et l'erreur, le mal, la douleur existent; il est tout amour, et il n'y aurait point de rémission pour le mé

chant !

XXXIII. Ce ne sont point là des mystères, ce sont des contradictions. Les attributs divins, aussi bien que ces antinomies sont un produit des lois de la pensée. Les lois en elles-mêmes sont vraies et absolues,

mais la science que nous en avons est imparfaite et l'application que nous en faisons est fausse, de là les contradictions. Notre intelligence a des limites, en raison desquelles Dieu nous est incompréhensible; mais du moment qu'elle agit, elle est une, et ne saurait produire des effets également vrais, dont les uns seraient la négation des autres. La faute en est donc à nos efforts, à notre science, non à notre intelligence. XXXIV. De quel droit affirmons-nous l'Etre absolu est en tous temps et lieux, et tout entier en chaque temps et lieu? En soumettant l'existence divine à nos idées de l'espace et du temps, auxquels nous donnons par cela même une valeur objective que nous sommes loin d'avoir prouvée1.

que

Le principe de connaissance ne nous enseigne rien au delà de l'étendue et de la durée indéfinie, lesquelles ne deviennent l'éternité et l'infini que parce qu'étant une loi de connaissance, nous pensons toujours

La Méthode, LXV.

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