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précédés d'aucune autre génération. Phénomène qui fait conclure que ces êtres sont un effet de la matière inanimée, en même temps qu'il conduit à la supposition que les diverses espèces ne sont que des modifications d'un type primitif, par des décompositions et circonstances différentes en nature et en puissance, qui cessèrent avec la dernière révolution du globe.

La seconde solution est fondée sur ce que le nombre des exemples de génération spontanée a considérablement diminué par les dernières conquêtes des sciences. biologiques. Celles-ci tendent donc à faire reconnaître que la vie précède toujours la vie, quelque soient les lois qui règlent sa reproduction, notre ignorance à leur sujet, et les formes diverses à travers lesquelles se développent quelques espèces inférieures. En ce cas, n'ayant pu exister de tout temps sur le globe à cause de l'état primitif incandescent, la vie serait donc le produit d'une cause qui lui est étrangère. Hypothèse nécessaire, aussi évidente et ré

solue pour les uns, qu'elle l'est peu pour les autres, suivant qu'ils sont déterminés par des motifs religieux ou philosophiques, étrangers à ces sciences; nos connaissances des éléments générateurs et des conditions vitales ne portent encore aucun caractère absolu.

XVIII. Quoi qu'il en soit, que les êtres organiques et animés soient ou non un effet de l'essence anorganique, l'harmonie fatale et aveugle entre les besoins de l'animal et ses moyens de les satisfaire, l'instinct proprement dit, n'existe pas chez l'homme.

Il a la conscience de son être, qu'il distingue de tous les phénomènes matériels et divisibles; de sa libre volonté, qu'il sent régler en dernier ressort tous ses actes réfléchis; de l'espace et du temps, qui embrassent la matière et n'ont rien de commun avec elle; de ses désirs du vrai, du beau, du bien, qui tendent au delà de toutes les satisfactions momentanées que lui procure le monde des sens; son

âme, enfin, ne peut être l'effet d'une cause dont toutes les manifestations sont étendues, divisibles, fatales, de même nature, et proportionnelles entre elles, en contradiction évidente avec toutes ses facultés. Il existe donc, du moment que l'âme est, et que rien n'est sans raison d'être, une cause en dehors de la matière qui l'a produite, puisque l'homme ne s'est pas fait lui-même, que son espèce n'a pas existé de tout temps.

et

XIX. Mais cette conséquence, qui dérive surtout de la conscience de notre identité et de notre liberté, n'est irrefutable qu'en admettant son témoignage et celui du genre humain. Sinon, elle est fort loin. de pouvoir être parfaitement établie; car elle ne se fonde pas sur une science directe de toutes les qualités de la matière, mais sur l'impossibilité où nous sommes de lui accorder la qualité de produire le moi, la liberté, des idées plus vastes que tous ses effets, des désirs qu'elle ne peut satisfaire. Rien n'empêche de lui accorder quand même cette puissance. Aussi longtemps qu'il exis

tera en elle un point inconnu, ce point peut renfermer la raison d'être de l'àme humaine. Les rapports frappants et profonds entre cette dernière et les facultés animales de notre corps, qui ne sont cependant que les leviers de son action, peuvent même conduire à la regarder comme un effet de notre organisme, et celui-ci, comme un produit de la matière.

XX. Hypothèse hardie, mais logique sous cette forme, quoiqu'elle se trouve, au premier abord, en contradiction presque révoltante avec les données les plus certaines de la conscience et de nos perceptions, avec les lois les plus évidentes de la pensée. Elle ne croule que formulée d'une manière absolue Tout est matière, étendue divisible; elle est infiniment et éternellement, son être est absolu, tout en dérive, tout y retourne; conséquence nécessaire, que la pensée déduit malgré elle; il y aurait le néant là où il n'y aurait point de matière, et le néant, elle ne peut le penser. Cependant, ce ne sera toujours qu'une hypo

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thèse, qui ne nous fait pas même entrevoir la possibilité de sa solution si la matière est infinie et éternelle, nos facultés de connaissance, les rapports entre les facultés d'abstraire et d'expérimenter, et leurs résultats n'en atteindront jamais les limites, aut delà du connu sera toujours l'inconnu, susceptible également de toute autre interprétation.

XXI. De plus, la matière absolue détruit la matière réelle, le monde infini, le monde extérieur d'abord dans sa qualité fondamentale, abstraite, l'étendue divisible infinie serait indivisible pour la pensée, identique avec l'espace, contradiction et confusion. Ensuite, en accordant l'infini et l'éternité à la matière, nous l'accordons forcément aux qualités qui la constituent, ainsi qu'à leur manifestation dans l'espace et le temps, à leur mouvement, en un mot. L'astre dont la lumière employa trente millions d'années pour arriver à notre planète aurait donc dù y être toujours visible; c'est-à-dire, cette lumière, en mouvement dans l'éternité,

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