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geons être et la science que nous possédons. Plus nous élargissons la circonférence du dernier, plus nous nous rapprochons de l'étendue du premier. Aller au delà, c'est faire un dogmatisme inutile à la science, sans en avoir acquis ni les moyens, ni le droit; le nier, c'est se jeter dans un scepticisme sans rivage. J'affirme ce que je sais, je ne doute que de ce que je sais ignorer; que mon savoir soit un grain de sable à côté de mondes inconnus, ce grain de sable est de la terre ferme, un port, un refuge; la découverte du moindre îlot est un nouveau point de départ pour les autres; le genre humain fut créé pour parvenir à la science de toutes choses:

LXXII. 1° Ce que nous ne pouvons percevoir ou penser n'est pas.

2° Toute chose perçue ou pensée est un produit de nos facultés, soumis aux lois qui les régissent.

Il ne peut y avoir d'idée au-dessus des forces, ou contraire aux facultés qui l'ont produite.

3o Nos facultés sont de deux espèces : les unes, productrices de nos idées, sont l'expérience et l'abstraction; les autres, causes de notre intelligence de la nature des choses, sont les trois principes de connaissance.

4° Nos idées, considérées du point de vue des premières, se divisent en particulières, collectives, générales et abstraites; et leurs rapports forment, suivant le mode de production, des connaissances certaines, des hypothèses, des croyances ou des erreurs.

5o Les connaissances certaines portent le caractère de vérités absolues quand elles sont l'expression exacte des lois de la pensée confirmées par les données empiriques; elles portent le caractère de vérités nécessaires quand elles sont établies par une expérience parfaite.

6o Les croyances reposent sur les idées abstraites pures, produits de la pensée réfléchissant ses propres lois, et sur une expérience imparfaite, assez forte cependant

pour nous empêcher de voir ses parties défectueuses.

Les hypothèses supposent une expérience insuffisante, ou des lois de la pensée, ou des données empiriques, dans la formation et dans la preuve de l'idée.

Les erreurs, enfin, sont contraires et à notre science certaine des lois de la pensée, ou aux données empiriques.

7° L'opposition entre les unes et les autres, le besoin inné de connaissance et de certitude, causent le progrès continu des connaissances certaines par la modification ou le rejet des hypothèses, croyances et erreurs, et par la formation de nouvelles idées particulières, collectives, générales et abstraites, dont la valeur augmente en proportion des connaissances nouvellement acquises.

8° La liberté et les efforts individuels, selon qu'ils se conforment aux lois de la pensée générale, ou qu'ils sont aveuglés par de fausses prétentions à la vérité, hâtent ou ralentissent la marche ascendante de la science.

9o La vérité absolue est la connaissance de toutes choses.

Chaque vérité particulière est l'accord entre les connaissances acquises et l'action instinctive des facultés de la pensée.

10° Toute idée produite est vraie, conforme aux lois de la pensée. Elle ne devient gratuite, fausse, incompréhensible ou contradictoire que lorsqu'on lui accorde une valeur qu'elle n'a pas; ce qui provient d'un mauvais emploi de notre faculté de connaissance et d'une science imparfaite de notre faculté d'intelligence.

Il n'y a point de négations, point d'idées contradictoires, dans une science parfaite.

11° Chacune de nos perceptions renferme implicitement l'affirmation que son objet est la qualité de quelque chose, qu'il est l'effet de quelque chose, qu'il est en rapport avec l'espace et le temps.

12o Rien n'est sans manière d'être ; l'être simple n'est rien; l'être est égal à la somme de ses manières d'être; le tout égal

à la somme de ses parties; la chose égale à la somme de ses qualités.

13° Les manières d'être des choses constituent leurs qualités.

L'ensemble d'une chose renferme ses manières d'être connues et ses manières d'être inconnues, ses qualités et sa substance.

14° Nous ne percevons que des qualités, nous ne pensons que leurs rapports.

Le rapport n'est rien en lui-même, c'est l'existence des qualités dans l'espace et le temps.

15o La connaissance de toutes les manières d'être primitives et fondamentales des choses serait la science de leur substance. Cette science est possible; elle seule est absolue.

16° Les manières d'être perçues sont des effets; comme telles, des conséquences nécessaires ou des produits d'actes libres. Dans le premier cas, la cause se réduit à l'existence dans l'espace et le temps des qualitės primitives et fondamentales; dans le second, au libre arbitre.

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