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l'abstraction. Toute confusion entre les signes représentatifs des rapports, entre leur valeur propre et celle des données fondamentales, ainsi que notre ignorance à leur sujet, entraînent à des solutions incompréhensibles ou absurdes, que l'expérience peut autoriser ou redresser, sans que la pensée puisse les comprendre ou les expliquer 1.

Nous en citerons un exemple: Dans ses rapports avec le nombre absolu, la quantité abstraite peut être considérée comme représentant une unité du nombre absolu, ou comme la somme de toutes les unités; dans le premier cas, elle engendre l'infiniment grand, dans le second, l'infiniment petit, sans que ce rapport puisse cependant détruire sa double donnée, le nombre absolu et la quantité abstraite, parce qu'il en dépend. La contradiction apparente du calcul intégral ne provient que de ce que nous confondons ces deux productions de la pensée : les quantités abstraites et le nombre absolu; les unes sont simplement des idées abstraites, l'autre l'expression d'une loi. Il en est de même des grandeurs abstraites quelque petits ou grands que nous concevions une ligne, un triangle, un cercle, la conception ne saurait détruire la loi et l'acte en vertu desquels nous les produisons; c'est ainsi que la

Quant aux résultats admirables que les mathématiques nous donnent par leur application aux phénomènes et qualités de la matière, ils nous forcent de conclure à une harmonie préétablie fort différente de celle de Leibnitz, entre les lois qui dérivent de la nature de la pensée et celles qui régissent les manifestations et les rapports des qualités de la matière 1.

grandeur la plus petite possible est toujours divisible pour la pensée, la loi; mais en vertu de la donnée, une telle grandeur ne peut être divisée infiniment l'idée de grandeur, la donnée serait détruite.

Aussi longtemps que nous ne connaîtrons pas la nature de l'unité concrète, nous nous arrêterons forcément à l'affirmation de ce rapport.

1 La langue mathématique de Spinoza, et la langue universelle de Leibnitz, ne furent pas si chimériques qu'on le suppose ordinairement. Ces langues sont possibles, mais à la condition que nous connaissions toutes les lois de la pensée et toutes les qualités primitives et fondamentales des choses. Ce serait un travail curieux et facile à faire, que de montrer les rapports entre les formules mathématiques et les formules métaphysiques, depuis le premier axiome :

LXIX. L'affirmation de l'existence dans l'espace et le temps. de l'étendue divisible, implique celle de notre propre être; mais, si la première renferme en elle le principe de connaissance de l'espace et du temps, la perception de notre propre existence le suppose mais ne le renferme pas; il n'y a point de durée, il n'y a point d'étendue en elle; notre moi est indivisible et identique; qualité formant la base de la dernière catégorie de nos idées. Je suis toujours moi; je suis ni plus ni moins moi, et mon moi n'a point de parties; je nais, je vis, je meurs le même; et mon être ayant nécessairement pour fondement des qualités, rien n'étant sans manière d'être, ces qualités sont identiques; quoique par la nature des perceptions et la loi fondamentale de l'action de penser, je ne puisse parvenir à leur connaissance que par des perceptions isolées. Ainsi, je suis, je pense,

je pense, ou rien ne peut être et n'être pas à la fois, jusqu'aux problèmes les plus compliqués du monde subjectif et objectif.

j'aime, je veux; et si je puis me former des idées fausses sur la nature et l'origine. de ces manifestations de mon être; si je puis les confondre avec mon corps et ses facultés animales, toutes mes erreurs n'empêcheront point que je ne sois, que je ne sois simplement. Je pense, donc je suis, c'est trop dire, je suis suffit; et mon existence ne saurait être perçue ou pensée sans un certain nombre de qualités : rien n'est sans manière d'être; nier ce fait, c'est nier tout.

LXX. Toutes les qualités qui impliquent dans leur perception l'étendue divisible, appartiennent à une même chose, elles ont une même qualité fondamentale; toutes celles, au contraire, qui supposent dans leur perception le moi, non étendu, indivisible, identique, ne peuvent appartenir qu'à elles-mêmes, étant identiques; sans cela une même qualité pourrait être étendue et non étendue à la fois. De plus, je conclus à l'existence d'autres êtres semblables à moimême, parce que je perçois en dehors de moi, dans l'espace et le temps, des effets

qui supposent nécessairement pour causes les mêmes qualités que celles formant mon être identique.

Ainsi, les idées de cette dernière catégorie, qui se rapportent toutes à la nature du moi, nous ramènent, dans le cercle éternel de la science, à l'affirmation même de la méthode, à l'exposé des facultés, principes, lois de la pensée.

LXXI. Cependant, le reproche qu'on peut adresser à toute méthode d'être la science de la pensée appliquée à la science même de la pensée, ne serait fondé, que si notre science de la pensée était identique avec sa nature. Toute méthode est un résultat de nos connaissances employé à les accroître, se rectifiant et se développant par son emploi même. Elle ne présente donc pas un cercle vicieux, mais deux cercles concentriques, dont le plus grand embrasse à la fois la nature du monde et celle de la pensée, en un mot, toutes les connaissances possibles; l'autre, la pensée telle que nous la ju

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