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nos autres connaissances, prend entièrement les mêmes caractères. Comme donnée primitive, c'est la durée indéfinie, devenant nécessairement l'éternité, parce que nous ne concevons pas l'existence d'une chose en dehors du temps; il n'a, pour cette raison, qu'une valeur toute négative; sans fin pour nous, éternel, il est indivisible, sans parties. Il en est des moments, des époques, durées abstraites, comme des grandeurs abstraites; on a fait à leur sujet la même confusion : l'étendue et la durée limitées sont des qualités de choses que nous percevons dans l'espace et le temps, et dont nous nous formons les idées en faisant abstraction de toutes les autres qualités.

Éternel et indivisible, le temps est immobile, et les durées abstraites se conçoivent réciproquement impénétrables.

LXV. Ces déductions n'augmentent cependant en rien la science que nous en possédons: l'espace et le temps restent toujours les mêmes pour nous : étendue et durée indé

finies, et ce n'est que parce qu'ils restent toujours tels qu'ils deviennent, par la réflexion, infinis, éternels, indivisibles, immobiles. Le sont-ils en réalité? Ont-ils des limites? Existe-t-il en dehors de l'espace et du temps d'autres mondes? Questions qu'il est aisé de soulever; mais comment les résoudre par une science directe? Ces mondes, s'ils existent, n'existent point pour nous; nous ne pourrions les concevoir sans durée et n'occupant point de lieu dans l'espace.

Une question plus sérieuse est celle de la réalité objective de l'espace et du temps: sont-ils une loi de la pensée d'après laquelle nous réfléchissons toutes les choses que nous percevons et pensons; ou existentils réellement en dehors de nous ? Nous n'en pouvons évidemment donner la solution aussi longtemps que nous nous bornons à l'analyse des choses dont nous avons des données directes, et que cette loi embrasse1. Toujours est-il que l'espace et le

1 Dieu, XXXIV.

temps sont à la fois les principes et les limites de nos connaissances. Ils sont sans cause, parce qu'ils deviennent infinis et éternels du moment que nous les réfléchissons; ils sont sans substance, parce qu'ils sont identiques avec leur unique qualité, et ne renferment point de qualités et de rapports que nous puissions regarder comme inconnus; ils sont encore sans causalité, stériles, parce qu'ils sont toujours les mêmes, et qu'identiques avec leurs qualités, ils ne peuvent renfermer la raison d'être d'autres qualités; enfin, par ces diverses raisons, leur existence pure, abstraction faite de celle de toute autre chose, équivaut au néant.

LXVI. Comme tels, l'espace et le temps n'engendrent pas de nouvelles idées et ne forment point de catégorie, mais, connaissance primitive, innée, absolue nous ne pensons rien, sans le penser dans un rapport quelconque, positif ou négatif, avec l'espace et le temps; ils donnent lieu aux deux dernières catégories de nos idées.

Toutes celles qui renferment dans les per

ceptions qui leur donnent naissance l'action positive du principe de connaissance de l'èspace et du temps se rapportent à l'étendue divisible ou limitée; qualité fondamentale du monde extérieur, qui embrasse toutes les autres lumière, pesanteur, tangibilité, grandeur, électricité, magnétisme. Tous les effets et qualités, connus et inconnus, toutes les idées particulières, collectives, générales et abstraites du monde extérieur supposent l'étendue divisible, c'est la base de sa substance, et toutes les propriétés de cette dernière sont nécessairement en accord et en rapport avec elle.

LXVII. Les lois et idées abstraites qui se développent dans la pensée par la réflexion des idées de cette catégorie forment les sciences mathématiques.

Par les perceptions de choses isolées et collectives, nous produisons les idées de quantités et de grandeurs concrètes. Par l'abstraction des qualités constituant les choses concrètes, les idées de quantités et de grandeurs abstraites, qui, comme toutes les

idées de cet ordre n'ont qu'une réalité tout idéale.

Les quantités et grandeurs abstraites, produits de la pensée, supposent ses lois. En recherchant la loi générale dans la formation des premières, nous produisons l'idée de nombre absolu, dont chaque membre est l'unité représentée par l'acte pur et simple de la perception, abstraction faite des choses isolées, perçues. De même les grandeurs abstraites, réfléchies dans leur rapport avec la loi de connaissance de l'espace, engendrent les idées de ligne, de surface et de volume indéfini.

LXVIII. Les données des mathématiques sont donc l'espace et le nombre absolu, les quantités et grandeurs abstraites, leurs rapports, ainsi que ceux avec les grandeurs et quantités concrètes.

Leur valeur, comme science, dépend évidemment de la connaissance de toutes ces données, et leur développement n'a lieu que comme celui de toute science, par un recours méthodique à l'expérience et à

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