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régner au fû de tout le monde, & qui avertiffent par leurs airs & leurs manieres qu'ils font les maîtres. (a) Le prince peut s'en dégoûter plus aifément, parce qu'il ne faut pour cela qu'ouvrir les yeux, & n'être & n'être pas ftupide, mais rarement s'affranchit-il d'un Favori infolent, que par un auirrité de fa faveur. Il change alors de maître, plutôt que de fervitu de; & il engage fa liberté à quiconque devient fon libérateur.

Il y a d'autres Favoris plus habiles & plus fages, (b) qui fe mettent peu en peine de paroître les maîtres, pourvu qu'ils le foient. Ils abandonnent au prince avec joie tous les honneurs, pour fe réserver toute la réalité : & ils confentent qu'il ordonne & qu'il faffe tout, pourvu que ce foit par leur direction & par leur avis.

Il est plus difficile alors de tirer le prince de leurs mains, parce qu'il ne fent point qu'il en dépende. Il eft féduit par le cœur, que le Favori a fu gagner: & il eft féduit encore par l'efprit, que le Favori a fu ménager par l'apparence de la modeftie. Il n'y a cependant que lui de trompé ; & tout le monde fait à qui il faut s'adreffer pour les emplois & pour les graces. Tout le monde fait lequel des deux maîtres eft le plus à craindre; & tout le monde fait auquel des deux on doit faire fa cour avec plus d'asfiduité & plus de dépendance.

Quelquefois un tel Favori eft un domeftique, un bas officier du palais du prince, un homme fans diftinction, ni pour le mérite, ni pour la naiffance; mais adroit, infinuant, qui eft à portée de connoître tous les penchans de fon maître, qui fait fe rendre néceffaire, qui a du goût & de l'intelligence pour plufieurs petites chofes; qui infenfiblement paffe de la confiance d'un domeftique à la familiarité, & de celle-ci à la faveur : & qui prend enfin un grand afcendant fur fon maître, qui n'eft point fur fes gardes, & qui penfe que l'autorité qu'il laiffe prendre à un domeftique eft fans conféquence, parce qu'il fera toujours en état de le réduire,ˆ&. de l'abaiffer quand il voudra.

Si quelque perfonne d'une haute naiffance & d'un rang éminent ofoit prendre la moindre des libertés que fe donne ce domeftique, le prince en verroit dans l'inftant toutes les fuites, & il redoubleroit d'attention & de fierté pour en arrêter le progrès mais ce domeftique n'eft, felon fa penfée, que ce qu'il lui plaît. D'un coup d'œil il peut l'humilier & l'abattre. Il ne voit en lui que fon ouvrage; & il confidere l'autorité qu'il lui laiffe prendre, comme une grace dont il demeure toujours le maître.

Il ne fait pas qu'il s'engage lui-même, & par conféquent tout ce qu'il a. I ignore ce que peut le cœur, & combien toutes les réflexions font

(a) L'histoire eft pleine de pareils exemples.

(b) Sublatis inanibus, verâ potentiâ augere. Tacit. 1. 4. Annal. p. 124.

Scilicet externa fuperbia fueto, non erat notitia noftri: apud quos jus imperii valet, inamia tranfmittuntur. Tacit. 1. 15. annal. p. 273.

fa

être, touché, qu'il découvre enfin, malgré fon attention à s'envelopper & à fe cacher, ce qui lui fait plaifir. Il profite avec adreffe des premieres infinuations. Il paroît réfervé, refpectueux, modefte, fans deffein, fans efpérance, prêt à obéir fi l'on veut, prêt à ne fe mêler de rien, fi l'on l'aime mieux occupé du prince, & par rapport à foi-même diftrait & indifférent montrant de la capacité, mais l'obfcurciffant auffi-tôt : (a) faifant éclater quelque courage & quelque élévation, mais comme par furprife, & paroiffant fàché d'avoir laiffé entrevoir quelque mérite: s'attachant cependant à détruire tous ceux qui peuvent lui donner de la jaloufie, & ménageant toutes les occafions de diminuer leur crédit dans l'efprit du prince: ne difant du bien que de ceux qui font en fecret d'intelligence avec lui mais affectant de fe taire fur le fujet de ceux dont la liaifon avec lui eft connue s'appliquant fur-tout à bien pénétrer les défiances du prince, & fur quoi il eft principalement en garde, afin de le tromper par fon attention même à n'être pas trompé; & ne lui cachant rien avec tant de foin, que le but où il tend, & le défir d'ufurper sa place en le féduifant par la flatterie, en l'endormant par des baffeffes affectées. Quand il eft parvenu à furmonter la répugnance naturelle que le prince avoit à fe livrer à quelqu'un, il s'applique à lui prouver, par des manieres encore plus flatteufes & plus rampantes, qu'il ne pouvoit choifir un homme plus refpe&tueux ni plus reconnoiffant, pour l'honorer de fa confiance. Il le confulte fur tout. Il lui rend compte des plus petits détails : il paroît timide & retenu dans l'ufage du pouvoir qu'il lui accorde. Il acheve ainfi de guérir fes foupçons & fa jaloufie fur le gouvernement. Il gagne enfuite tous les jours quelque chofe fur fon autorité. Il fe charge plus volontiers qu'au commencement, de le foulager. Il lui confeille enfin le repos. Il lui procure même des plaifirs felon fon goût, d'abord innocens, criminels dans la fuite & honteux. Il lui infpire le dégoût d'une cour nombreuse, où sa conduite eft trop éclairée. Il lui fait naître le défir de la liberté & d'une efpece de folitude, où il foit plus le maître : & enfin il enveloppe fon maître par tant de liens qu'il ne lui laiffe que le titre de roi, & qu'il en a tout le pouvoir.

Ce que je viens de dire, n'eft pas néanmoins fi uniforme qu'il ne s'y puiffe trouver de grandes différences. Tous les princes, ni tous les Favoris, ne font pas en tout de même caractere; mais le fond eft affez égal: car dès qu'un roi s'abandonne à un Favori, il peut être mené auffi loin que l'ambition du Favori le voudra; & ce fera plutôt le Favori qui donnera des bornes à fa fortune, ou faute d'efprit, ou par modération, ou par la crainte des conféquences, que ce ne fera le prince qui réglera fes défirs. Il y a des Favoris faftueux qui aiment l'éclat & le bruit, qui veulent

(a) Animus aulax, fui obtegens, in alios criminator; juxtà adulatio & fuperbia. Ibid.

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plus grande longueur d'orient en occident environ fix lieues, & quatre de largeur du nord au fud. Elle renferme trente-cinq villages, outre la ville de Fauquemont & l'abbaye de S. Gerlac.

Par le traité conclu à la Haye en 1661, Philippe IV, roi d'Espagne, fe réferva dans le pays de Fauquemont les villages & feigneuries de Nutt, Alt-Valckenburgh ou vieux Fauquemont, Stucht, Schin fur la Gueule, la maison d'Ooft fur la même riviere, Wynantfrade, Geleen, Schinnen, Spanbeecq, Oorfbeeck, Jabeeck, Bronffen, Schinvelt, Hoensbroeck, Vaefrade & Schaefbergh, avec toutes leurs dépendances. Le roi d'Efpagne céda en toute propriété & fouveraineté aux Etats-généraux la ville & le château de Fauquemont, avec les bans, feigneuries & villages de Meerffen, Hauthem, Haren, Geul, Uleftraten, Bunde, Amby, Iteren, Climmen, Hulsberg, Schummert, Eyfden, Herken-rade, Ekelrade, Beeck, Neerbeck, Berck, Bemelen, Blyt & Heerle; avec le grand chemin depuis Heerle jufqu'à Schaefberg, & tous les hameaux, refforts, jurifdictions, fiefs & tout ce qui dépend de ces lieux & feigneuries; de même que tous les fiefs mouvans du château de Fauquemont, quoique fitués hors de ce territoire. C'est en vertu de ce traité de la Haye, & de celui de la Barriere conclu à Anvers. le 15 Novembre 1715, que l'empereur, poffede aujourd'hui cette partie du pays de Fauquemont, & des deux autres territoires du pays d'Outre-Meufe que Philippe IV, roi d'Espagne, s'étoit réservée; & que le refte eft demeuré fous la domination des Etats-généraux.

Le pays de Fauquemont eft gouverné par deux hauts officiers, & par les Etats. Ces hauts officiers font le voué, ou voogt en flamand, & le droffard. Le premier eft pour le gouvernement civil & politique, & eft le chef des bans ou tribunaux qui n'ont point de feigneur, ni de fchout. Le Iroffard eft pour les affaires criminelles, & fait exécuter les fentences des chevins de Fauquemont & des autres tribunaux qui n'ont point de feineur, ni de mayeur ou fchout. Quand il s'agit d'une fentence de mort, voué rompt un petit bâton blanc, après quoi le droffard en ordonne exécution. Ces deux officiers convoquent les Etats du pays, & fignent onjointement les lettres circulaires pour cette convocation. Ils président femble à cette affemblée, qui fe tient une fois par an, mais le voué y le premier rang. Ils font chargés l'un & l'autre de la publication & de xécution des édits & des ordonnances des Etats-généraux, & ont chacun cents florins d'appointemens par an, monnoie de Hollande, outre les Mendes pécuniaires qu'ils tirent chacun, felon leur département. Ils ont is eux des fubftituts qu'ils choififfent de leur chef, qu'on nomme lieutezt voué & lieutenant droffard, & qui font leurs fonctions en leur absence. voué eft aufli ftadhouder, ou confervateur des fiefs de tout le pays de quemont, reffort de leurs Hautes-Puiffances. Il établit les échevins & fecrétaires des bans de Meerfen, de Climmen & de Beek, où il n'y a ni neur ni fchout, de même que du ban de Heerle, dont le fchout eft

foibles quand il n'a plus fa liberté. Il ne connoît pas ce que l'habitude feule donne d'avantage à un habile domeftique fur un maître qui en a besoin, & qui ne veut pas l'affliger: enfin il n'eft pas inftruit de la pente naturelle qu'ont tous les hommes, & fur-tout les grands, à juftifier leur inclination & leur choix, & à conferver à un homme le degré de faveur qu'ils lui ont accordé, précisément parce que d'autres font bleffés de cette préférence, & jugent qu'il ne l'a pas méritée.

(a) C'eft ainfi que tant de princes, jaloux de leur autorité par rapport aux grands de l'Etat, fe font laiffés dominer par des ferviteurs, ou actuellement efclaves, ou récemment affranchis. Ils n'écoutoient & ne parloient que par eux. Ils accordoient, ou refufoient, felon que ces hommes obfcurs, mais ennoblis par la faveur, leur confeilloient de le faire. C'étoit devant ces Favoris, nés dans la fervitude, que toutes les puiffances s'humil.oient: & tout le monde imitoit par une lâcheté générale, l'aviliffement où s'étoit réduit le prince, dont la grandeur & l'autorité étoient paffées aux moins eftimables officiers de fon palais.

Ces princes ne manquoient pas d'efprit, & ils manquoient encore moins d'orgueil & de fierté. Ils affectoient même, plus que les autres, la domination & l'empire: & néanmoins ils obéiffoient à des ferviteurs, qu'ils avoient placés fur leurs têtes par leur faveur.

Un prince fage doit profiter de leur exemple; & ne point croire qu'il demeurera toujours le maître de ceux qu'il lui aura plu d'élever, en confultant plutôt fon inclination que leur mérite. Qu'il fe défie toujours, s'il eft prudent, des plus foibles commencemens; qu'il ne fe laiffe point gagner par des qualités fuperficielles; qu'il foit toujours ennemi de toute efpece de flatterie; qu'il ne donne jamais aucun pouvoir fur lui, qu'à la vérité & à la justice; qu'il ne communique à perfonne une partie de fon autorité, qu'avec une grande connoiffance, & après une longue épreuve; & qu'il conferve fon cœur libre, pour demeurer toujours le maître des autres.

(a) Plerique principes, cùm effent civium domini, libertorum erant fervi: horum confiliis, horum nutu regebantur, per hos audiebant, per hos loquebantur, per hos pratura etiam, & facerdotia, & confulatus, imò & ab iis petebantur.... fcis præcipuum effe indicium non magni principis, magnos libertos. Paneg. Traj. p. 238.

FAUQUEMONT, Seigneurie dans le Duché de Limbourg.

LA feigneurie de Fauquemont a pour bornes au nord & à l'orient le

duché de Juliers, au midi la feigneurie de Rolduc & le comté de Daelem, & à l'occident l'évêché de Liege, le territoire de Maeftricht & le comté de Rechem, dont elle eft féparée par la Meufe. Cette feigneurie a dans są

& quatre

de

plus grande longueur d'orient en occident environ fix lieues, largeur du nord au fud. Elle renferme trente-cinq villages, outre la ville de Fauquemont & l'abbaye de S. Gerlac.

Par le traité conclu à la Haye en 1661, Philippe IV, roi d'Espagne, fe réferva dans le pays de Fauquemont les villages & feigneuries de Nutt, Alt-Valckenburgh ou vieux Fauquemont, Stucht, Schin fur la Gueule, la maifon d'Ooft fur la même riviere, Wynantfrade, Geleen, Schinnen, Spanbeecq, Oorfbeeck, Jabeeck, Bronffen, Schinvelt, Hoensbroeck, Vaefrade & Schaefbergh, avec toutes leurs dépendances. Le roi d'Efpagne céda en toute propriété & fouveraineté aux Etats-généraux la ville & le château de Fauquemont, avec les bans, feigneuries & villages de Meerffen, Hauthem, Haren, Geul, Uleftraten, Bunde, Amby, Iteren, Climmen, Hulfberg, Schummert, Eyfden, Herken-rade, Ekelrade, Beeck, Neerbeck, Berck, Bemelen, Blyt & Heerle; avec le grand chemin depuis Heerle jufqu'à Schaefberg, & tous les hameaux, refforts, jurifdictions, fiefs & tout ce qui dépend de ces lieux & feigneuries; de même que tous les fiefs mouvans du château de Fauquemont, quoique fitués hors de ce territoire. C'est en vertu de ce traité de la Haye, & de celui de la Barriere conclu à Anvers le 15 Novembre 1715, que l'empereur poffede aujourd'hui cette partie du pays de Fauquemont, & des deux autres territoires du pays d'Outre-Meufe, que Philippe IV, roi d'Espagne, s'étoit réfervée; & que le refte eft demeuré fous la domination des Etats-généraux.

Le pays de Fauquemont eft gouverné par deux hauts officiers, & par les Etats. Ces hauts officiers font le voué, ou voogt en flamand, & le droffard. Le premier eft pour le gouvernement civil & politique, & eft le chef des bans ou tribunaux qui n'ont point de feigneur, ni de fchout. Le droffard eft pour les affaires criminelles, & fait exécuter les fentences des échevins de Fauquemont & des autres tribunaux qui n'ont point de feigneur, ni de mayeur ou fchout. Quand il s'agit d'une fentence de mort, le voué rompt un petit bâton blanc, après quoi le droffard en ordonne l'exécution. Ces deux officiers convoquent les Etats du pays, & fignent conjointement les lettres circulaires pour cette convocation. Ils préfident enfemble à cette affemblée, qui fe tient une fois par an, mais le voué y a le premier rang. Ils font chargés l'un & l'autre de la publication & de l'exécution des édits & des ordonnances des Etats-généraux, & ont chacun, fix cents florins d'appointemens par an, monnoie de Hollande, outre les amendes pécuniaires qu'ils tirent chacun, felon leur département. Ils ont fous eux des fubftituts qu'ils choififfent de leur chef, qu'on nomme lieutenant voué & lieutenant droffard, & qui font leurs fonctions en leur abfence. Le voué est aussi ftadhouder, ou confervateur des fiefs de tout le pays de Fauquemont, reffort de leurs Hautes-Puiffances. Il établit les échevins & Jes fecrétaires des bans de Meerfen, de Climmen & de Beek, où il n'y a ni feigneur ni fchout, de même que du ban de Heerle, dont le schout eft

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