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l'intérieur, & les rejettoit fur les extrémités du royaume. De cette maniere un marchand, qui eft expofé aujourd'hui à voir confifquer fes marchandifes à chaque pas, faute de favoir toutes les formalités ufitées dans les différens bureaux & les droits qu'il y faut payer, pourroit parcourir la France, d'une extrémité à l'autre, après avoir acquitté le droit unique à l'Entrée, fans être obligé de faire aucunes nouvelles déclarations, fans payer aucun autre droit, & fans trouver, dans toute fa traverfée, le moindre obftacle à fon commerce & à fa tranquillité mais par des raifons qu'il ne nous appartient pas de fcruter, le miniftere n'a pas encore jugé à propos de mettre à exécution ce projet fi utile & fi défirable.

Cette fuppreffion de bureaux ouvriroit la barriere au commerce dans une grande partie du royaume, & lui rendroit cette précieufe liberté fans laquelle il ne fait que languir, & il ne feroit plus queftion de ces provinces réputées étrangeres, négligées, abandonnées, & traitées en effet comme étrangeres, quoique fous la même domination: ce qui paroît si fort oppofé à la raifon, à la politique, & à l'avantage refpectif des pro

vinces.

ON

ENTREPOT, f. m.

N donne ce nom à un lieu de réferve où l'on dépofe quelque chose qui vient du dehors, & où on le garde, pendant quelque temps pour l'en tirer & pour l'envoyer ailleurs.

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Villes d'Entrepét, font des villes dans lesquelles arrivent des marchandifes pour y être déchargées, mais non pas vendues, & d'où elles paffent aux lieux de leur deftination, en les chargeant fur d'autres voitures, foit par terre, foit par eau. Smyrne eft la principale ville du levant où les François, les Anglois, les Hollandois, & les autres nations font l'Entrepôt de leurs magafins pour la Perfe & les Etats du grand-Seigneur. Batavia eft l'Entrepôt de la compagnie de Hollande, pour le commerce des Indes orientales. Les François ont plufieurs villes d'Entrepôt, tant pour les marchandifes qui viennent de l'étranger, que pour celles du royaume qui doivent paffer dans les Etats voisins.

Commiffionnaires d'Entrepót; ce font des facteurs qui réfident dans les villes d'Entrepôt, où ils ont foin de retirer les marchandises qui arrivent pour leurs commettans, & de les leur faire tenir.

Magafin d'Entrepôt, eft un magafin établi dans quelques bureaux des cinq groffes fermes de France, en conféquence de l'ordonnance de 1664 & de celle de 1684, pour y recevoir les marchandifes deftinées pour les pays étrangers. Les villes où il y a de ces fortes de magafins font la Roohelle, Ingrande, Rouen, le Havre-de-Grace, Dieppe, Čalais, Abbeville,

Guife, Troyes, & Saint-Jean de Lofne. Les étrangers & les François ont également droit d'y interpofer leurs marchandifes, qui ne font fujettes à aucun droit d'entrée & de fortie, pourvu qu'elles foient tranfportées hors du royaume dans fix mois, par les mêmes lieux par lefquels elles font

entrées.

Ces magasins font fermés à deux clefs, dont une refte entre les mains du fermier, l'autre en celles d'un député des marchands. Pour y interpofer des marchandises, les négocians où voituriers doivent repréfenter leurs lettres de voiture ou connoiffemens au commis, avec la déclaration en détail de ce qui eft contenu dans les ballots & paquets, pour en être fait la vérification & être enfuite fcellés & plombés. Aucune marchandise ne peut être interpofée, à moins que la deftination n'en foit faite par lefdites lettres de voiture & connoiffemens, & ne peuvent être ensuite vendues dans le royaume, à peine de confifcation & de cinq cents livres d'amende. Tout autre magafin d'Entrepôt, hors ceux qui font marqués ci-deffus, font défendus dans les quatre lieues proche les frontieres de la ferme, & dans les huit lieues près de la ville de Paris, à peine de confifcation & de trois cents livres d'amende.

Entrepôt, fe prend auffi pour une perfonne interpofée. Ecrire par entrepôt, c'eft écrire par le moyen d'une perfonne dont on eft convenu avec fon correfpondant.

Des Entrepôts de commerce.

LE commerce a formé trois fortes d'entrepôts. 1°. Ceux que les négo

cians & les compagnies ont formés dans le levant & dans les indes, qui ne font en grand que ce que font en petit les comptoirs ou factories des Hollandois & des Anglois, fur-tout dans les principales places de l'Europe.

2o. Les Entrepôts uniquement destinés à recevoir les denrées & les marchandises, qui empruntent le paffage dans le territoire d'un Etat pour être tranfportées dans un autre, fur lefquelles l'Etat qui forme cet Entrepôt, n'impofe qu'un droit de tranfit fort modique pour favoriser un paffage refpectivement utile.

3°. La troifieme forte d'Entrepôts eft la plus intéreffante pour le commerce. Cet Entrepôt formé par le concours de l'induftrie, du génie des négocians & des foins de l'adminiftration, reçoit les denrées & les marchandifes de l'étranger pour être renvoyées à l'étranger. C'est-là que fe fait le grand commerce d'économie, & où le génie du commerce donne le plus d'activité à la circulation.

La plupart des ports de mer jouiffent de cet avantage avec différens degrés de fupériorité. Les plus importans dans la Méditerranée & les plus intéreffans pour le commerce, font Marseille, Gênes, Naples & Livourne ; Tome XVIII.

G

& fur l'Océan, Cadix, Lisbonne, Bordeaux, Nantes, la Rochelle, Dunker que, le Havre, Rouen, Londres, Amfterdam, Rotterdam, Middelbourg; Hambourg, Lubeck, Dantzig Copenhague, Saint Petersbourg, &c. Nous avons encore de grandes villes qui, quoique éloignées de la mer, ont formé des Entrepôts confidérables par le moyen de leur fituation fur les rivieres navigables ou à portée de la navigation, & plus encore par le fecours de l'induftrie, de l'intelligence de leurs habitans & de la liberté dont elles jouiffent, telles que Geneve, Zurich, Berne, Bafle, Francfort, Leipfick & quelques autres villes d'Allemagne.

Tous ces Entrepôts font infiniment utiles pour accélérer le débouché de toutes les productions naturelles & de l'induftrie, & les procurer avec plus d'abondance aux confommateurs. Les avantages que ces Entrepôts procu rent au commerce en général & à chaque nation en particulier, font affez fenfibles. Nous devons les envifager ici dans un autre point de vue d'uti lité publique nous, devons porter une attention particuliere fur les abus qui s'y commettent par quelques négocians dans leurs magafins. Nous devons inftruire le jeune négociant, qui doit y ordonner des achats ou des ventes, ou qui doit y exécuter des ordres, des fraudes que l'avidité du gain prépare dans l'obfcurité; fraudes qui donnent à des marchandises les apparences d'une bonne qualité qu'elles n'ont point, ou un poids qu'elles ne doivent point avoir. Le jeune négociant doit en être inftruit pour faire choix d'un bon correfpondant & l'en prévenir, ou pour bien répondre à la confiance de fes commettans, qu'il eft fi intéreffant de conferver, lorfqu'on fait le commerce de commiffion, & enfin pour n'être point trompé, s'il achete par fpéculation & pour fon propre compte.

Quelques exemples des fraudes qui fe commettent dans les Entrepôts feront affez connoître les précautions, que le jeune négociant doit prendre pour n'en être pas la victime.

La plupart des Entrepôts font remplis des denrées & des marchandifes de toutes les contrées du monde connu ils jouiffent chez toutes les nations de l'Europe d'une telle réputation d'être bien affortis en denrées des premieres & des meilleures qualités, & au meilleur prix, qu'il n'est pas rare d'y voir arriver des ordres de négocians pour l'achat de drogues ou de denrées, dont la premiere main fe trouve dans leur propre demeure. C'eft une faute en affaires de commerce, que la force d'un préjugé fingulier leur fait commettre. Des droguiftes d'Italie, de Portugal & même d'Espagne, donnent des ordres dans des Entrepôts autres que les leurs, pour des achats de quinquina, de vanille, de cochenille, de cacao & autres denrées de l'Amérique, pendant qu'ils pourroient les tirer à meilleur marché & à moins de frais de Cadix, où en est le premier Entrepôt & la premiere main.

Le préjugé qui fait ainfi remonter l'eau vers fa fource, a fa caufe dans l'art qui a fu donner dans ces Entrepôts à diverses drogues & denrées, des

préparations qui femblent les améliorer. C'eft une espece de fard, avec le fecours duquel les négocians épiciers & droguiftes fe font mis depuis longtemps en poffeffion de vendre dans un fecond ou un troifieme Entrepôt, de préférence aux négocians du premier, malgré la valeur nouvelle que la feconde main ou la troifieme ajoutent à la marchandise.

Les ordres pour l'achat de drogues portent toujours, les plus excellentes, les plus fraiches, choifies de telle ou telle couleur ou de telle odeur. L'ignorance a d'abord dicté ces ordres, & les droguiftes en ont profité en donnant aux drogues les couleurs généralement demandées. Ils ont auffi trouvé l'art de leur donner la fraîcheur & même l'odeur; ce qui ne feroit point arrivé, fi les ordres avoient été rigoureusement réduits à obtenir les drogues dans leur état naturel. De-là il eft arrivé que les drogues, qu'on apporte de Cadix & celles qui fe trouvent chez les droguiftes, ne fe reffemblent point; que le public eft fi fort prévenu en faveur du fard que les ` droguistes leur donnent, que les négocians n'ofent point faire d'envoi audehors de celles qui n'ont pas paffé par les mains des droguiftes, & que celles qui arrivent des indes occidentales à Cadix ne peuvent y être vendues. Ón eft forcé de les envoyer dans d'autres Entrepôts, pour y perdre leur état naturel dans les mains des droguiftes qui feuls les achetent. C'eft ce qui rend dans divers Entrepôts cette branche de commerce extrêmement riche pour les droguiftes, fur-tout pour ceux qui ne craignent pas de donner dans l'excès des préparations.

Il eft fingulier que les drogues de l'Amérique arrivées à Cadix, n'y trouvent pas de débit, parce qu'elles font naturelles, & qu'on foit obligé de les envoyer dans d'autres Entrepôts, où les feuls droguiftes les achetent dans cet état. Une partie de quinquina, de jalap, de cochenille, &c. arrivée dans d'autres Entrepôts, il ne fe trouve d'acheteurs que parmi les droguiftes. Alors le courtier & le droguifte d'accord trouvent de grands défauts dans la marchandise. Elle eft piquée & rongée des vers; il y en a une· partie pourrie; elle eft trop noire ou trop blanche. On. préfente une montre tirée du magafin du droguifte, qui eft bien différente, parce qu'elle eft fardée, qui cependant en impofe au négociant auquel l'étranger a commis fa vente. La marchandise ainfi avilie, eft vendue forcément au-deffous de fa valeur : elle reprend bien vîte fa vraie valeur, & même une valeur nouvelle, dans les mains du droguifte.

L'abus devient plus confidérable lorsqu'en effet la marchandise a des défauts réels, lorfqu'elle eft en effet piquée ou pourrie. Le droguifte a l'art' de la rétablir entiérement en apparence, & de la produire enfuite dans le commerce toute défectueufe qu'elle eft, comme la marchandise de la premiere qualité & au même prix pour les acheteurs, qui ont rarement affez de lumieres & d'expérience pour reconnoître des vices effentiels, que l'art a fu cacher.

Les droguiftes ont des gens dans leurs magasins, qui favent boucher les

piquures des vers avec des inftrumens faits exprès; qui donnent des cous leurs & des odeurs aux drogues, fuivant le goût des différentes nations. On y donne de la faveur à la vanille avec une forte de baume; on y contrefait les yeux d'écreviffe & la corne de cerf avec des os brules. C'est ainfi que des négocians, qui ne méritent pas de porter ce nom, trompent d'autres négocians qui vendent ou qui achetent avec confiance & de bonnefoi, pour leur compte ou pour le compte de leurs amis; qu'ils font paffer dans la pharmacie au-lieu d'amis, des ennemis mortels, & qu'ils rendent plus incertain l'art de guérir les maladies, l'art le plus cher à l'humanité. L'avidité du gain ne borne pas les abus qu'il fait commettre dans les Entrepôts, à la claffe des négocians ou marchands droguiftes : les marchands de vins favent faire des vins de prefque toutes les fortes. D'autres marchands ou négocians donnent au thé le plus commun, le goût & l'odeur du thé des qualités fupérieures; d'autres mêlent les caffés du plus bas prix avec les plus chers; d'autres chargent de fuif les cires brutes de Pologne & de Ruffie; enfin d'autres augmentent le poids des marchandifes par des mélanges de matieres viles & par des humectations. On a fouvent éprouvé, qu'un balot de cochenille refté quelque temps entre les mains d'un fecond acheteur, s'eft trouvé avoir perdu dix livres de fon poids; ce qui ne fauroit arriver, fi le premier vendeur ne lui avoit fait gagner ce poids, en tenant cette marchandife dans un lieu humide.

On fait que le cacao a toujours fur fon écorce une forte de terre blanche ou de pouffiere qui fe détache quand on remue les balots; on compte ordinairement fur trois ou quatre livres de pouffiere par balot. Les négo-. cians Italiens ont grand foin d'ordonner à leurs correfpondans en leur commettant des achats de cacao, de le faire tamifer & de l'embaler toutà-fait net. Mais ce qu'on fait pour les commiffions d'Italie, on ne le fait point pour celles qui viennent d'ailleurs; & l'on ne jette point cette pouffiere, quoique ce foit une matiere qui ne devroit être d'aucun ufage. Quelques négocians ont imaginé le moyen de fe la rendre utile. Cette pouffiere eft achetée communément deux fols la livre, pour être mêlée avec le cacao qu'on embale fans le tamifer, & qu'on expédie pour les pays, dont les négocians moins inftruits que les Italiens n'exigent pas la même précaution en donnant leurs ordres. Enforte que ceux-ci trouvent dans leurs balots de cacao plufieurs livres de poufliere étrangere, qu'ils paient aux mêmes prix que le cacao, ce qui eft pour eux une perte entiere, parce que la pouffiere de cacao ne fe vend que dans les Entrepôts, où l'on ne s'avife pas de la renvoyer. Lorfqu'on eft inftruit, on n'eft pas furpris de voir un négociant vendre du cacão à onze fòls, qu'il a acheté douze, & cependant avoir un bon bénéfice. On pourroit faire un grand recueil des fupercheries que l'avidité du gain fait commettre dans divers Entrepôts.

On peut juger par ces exemples combien il importe à un jeune négociant, qui donne des ordres foit pour vendre, foir pour acheter dans les

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