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les convaincra pas par la violence; mais il fatisfera fon orgueil & fa vengeance. Donnez-lui de la puiffance & vous le verrez bientôt perfécuteur, cruel. Lifez l'Hiftoire de l'églife, & vous verrez, dans tous les fiecles & dans toutes les communions, les effets affreux de l'Entêtement. Nous laif fons à chaque lecteur le foin de trouver ces exemples, pour ne pas heurter, P'Entêtement de perfonne, en les choififfant nous-mêmes. V. FANATISME, SUPERSTITION, INTOLERANCE.

S'il y a des entêtés, qui croient beaucoup, il en eft qui le font pour ne rien croire. Ils s'imaginent qu'il eft beau de n'admettre aucune des idées reçues; qu'il y a de la gloire à ne rien recevoir de ce que le com→ mun des hommes croit; qu'un philofophe doit douter de tout, & ne croire que les vérités contre lefquelles on ne fauroit faire d'objections. Mais en eft-il aucune de ce genre, fi ce n'eft celles, qui font démontrées dans les mathématiques pures? Les objections ou les difficultés, qui font une fuite des bornes de notre intelligence, peuvent-elles ébranler une vérité établie par l'efpece de preuve qu'elle comporte? N'eft-ce pas là une regle de logique, à laquelle la foibleffe de notre efprit, connue & fentie, a dû donner force de loix? J'appellerois ces prétendus philofophes des chercheurs d'objections; hé, plutôt, cherchez les preuves, & dès que vous en tenez dẹ fuffifantes, pour la nature de la chofe, attachez-vous y, malgré les difficultés, qui font une fuite des bornes de votre intelligence, & de l'immenfité des objets! Votre Entêtement à chercher à rendre tout incertain, par des difficultés, eft-il moins déraisonnable, que celui de ces dogmatiques, qui confondant l'incertain avec le certain, l'effentiel avec l'inutile veulent vous forcer à tout recevoir? Saififfez donc l'effentiel & laiffez l'acceffoire; reconnoiffez les vérités utiles, contre lefquelles il n'y a point de difficultés folides, & abandonnez aux autres, fans les infulter, les affertions, dont vous ne fentez pas l'utilité. Vous n'avez trouvé que les objections, parce que vous n'avez examiné qu'avec l'Entêtement de ne rien croire. Vous avez attaqué avec quelqu'apparence de fuccès les dehors de la place; mais vous n'en connoiffiez pas l'intérieur; entrez-y; examinez-la fans partialité, & vous verrez qu'elle eft imprenable. Ne niez pas toute vérité, parce que d'autres dogmatiques plus décisifs, ont trop affirmé. Pour combattre un Entêtement blâmable, vous vous abandonnez à un Entêtement plus dangereux. Au-lieu de réparer l'édifice, furchargé fans doute, vous voulez le renverfer: au-lieu de retrancher de la machine les pieces inutiles, vous tâchez de la brifer à coups de marteau, & vous appellez cela de la philofophie. O vous, qui accufez fi fouvent les autres d'Entêtement, dépouillant toute prévention, examinez bien, fi vous n'en êtes point coupables! Renoncez à l'Entêtement pour la fingularité, examinez impartialeiment la religion dans le fonds, dans ce qu'elle a d'effentiel; laiffez là tout ce que les fuperftitieux & quelques théologiens trop dogmatiques y ont ajouté, & bientôt vous ferez chrétiens raisonnables.

De tous les défauts de l'efprit humain il n'en eft point, fans contredit de plus difficile à corriger que l'Entêtement, parce qu'on ne le reconnoît point, on ne le fent pas, on ne veut jamais l'avouer. Avertiffez le fuperftitieux, ou le théologien trop décifif, & le prétendu philofophe, qui fe croit fi fort au-deffus d'eux, de fe défier de leur Entêtement, ils recevront votre avis charitable comme une injure. Pourquoi? c'eft que la préfomption, qui enfante & accompagne tous les défauts, qui viennent de l'Entêtement, nous les cache toujours, en nous féduifant. C'eft une maladie, qui en privant du véritable ufage de la raison, fait rejetter tous les fecours & les remedes: c'eft un genre de folie, dont on ne fe défie point, & dont on ne veut pas être guéri.

Cependant, difons-le, il n'y a point de défaut, dont les conféquences foient plus funeftes pour l'homme, plus propre à le rendre défagréable, ou odieux aux autres, plus contraire à fa tranquillité & à fon bonheur. Voyez dans le commerce de la vie, cet homme entêté dans fes fentimens, il a toujours à fe plaindre des autres; fans ceffe il eft mécontent de quel qu'un, parce que perfonne n'eft content de lui. Jamais cet autre homme ne réuffira dans aucune entreprife, qui demande une fuite de démarches prudentes, & le concours des volontés des autres. Sa préfomption l'empêche de bien voir, de bien juger, & de profiter des avis d'autrui, dans le choix des moyens, tandis que fon caractere, fans foupleffe, lui fufcite perpétuellement des obftacles de la part des autres hommes.

L'Entêtement eft d'ailleurs le plus grand obftacle à la découverte de la vérité, & au progrès des connoiffances: il accompagne d'ordinaire l'ignorance & l'erreur, qu'il entretient. L'expérience & les mauvais fuccès ne font pas même capables d'inftruire l'homme entêté, parce qu'il attribuera toujours fes erreurs ou fes fauffes démarches & leurs fuites, aux autres, ou à des circonftances qui ne pouvoient être prévues, jamais à sa mal-habileté, à fes préventions, ou à fon imprudence. Ce n'eft pas ma faute telle eft Pexcufe & le langage de l'entêté.

Il n'eft point d'objets fur lefquels l'Entêtement des divers partis ait plus caufé de malheurs, & de malheurs plus généraux, que ceux qui fe rapportent à la religion. C'eft l'Entêtement pour des opinions, d'ordinaire affez peu importantes, qui a enfanté cette maffe accablante d'écrits polémiques, dont les effets ont été auffi funeftes à l'efprit humain, qu'à la fociété. Cet Entêtement, on ne fauroit trop le répéter, a fait attribuer une importance imaginaire à des queftions, qui n'étoient d'aucune utilité, ni pour l'homme, ni pour l'églife, ni pour l'état. De-là un zele pour les défendre, toujours déraisonnable, fouvent furieux; fruit malheureux de l'or gueil. C'est vous, Entêtement cruel, qui armâtes fi fouvent les uns contre les autres, freres contre freres, les chrétiens qui auroient toujours dû être unis par les liens de la plus étroite fraternité. Des ruiffeaux de fang ont coulé dans les combats, ou fur les échaffauts, au nom de celui qui ne

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prêcha jamais par fon exemple & par fes difcours, que l'amour fraternel; & pourquoi tant de fureur & de malheurs? Pour des queftions ou incertaines, ou peu importantes, ou obfcures, mais toujours bien moins fondamentales, que l'obligation étroite de fe fupporter, de fe tolérer, des'aimer, comme chrétiens. Au milieu des cris étouffés de la charité chrétienne, qui répete fans ceffe, fupportez-vous, aimez-vous les uns les autres, j'entends cependant encore des philofophes entêtés, qui difent, c'eft la religion qui a produit ces fureurs. Quelle injuftice! dites plutôt, les hommes intolérans, ou perfécuteurs, ont abandonné la religion, qui ne leur fert que de mafque: ils la renient, fous prétexte de la défendre : ils. en détruilent l'effence, en faifant femblant de vouloir la propager. Dites, donc déformais, renonçant à votre Entêtement contre cette religion douce & divine, que les paffions & l'Entêtement des hommes furieux ont produit l'intolérance & la perfécution, & qu'ils ont cherché à cacher toutes ces paffions cruelles & anti-chrétiennes fous le voile du zele pour la religion." Voyez BARTHELEMI, (Journée ou maffacre de la Saint-) & TOLERANCE. : Déchirez donc ce voile; mettez à découvert ces paffions horribles; mais respectez la religion qui les détefte. Etudiez la marche des paffions & vous rendrez juftice à la religion qui les condamne hautement. Voici cette marche funefte. On s'entête pour des opinions, avec d'autant plus d'opinia-. treté qu'elles font plus obfcures, & que par-là elles flattent mieux l'orgueil, qui veut fe diftinguer. Toute contradiction paroît alors un crime, & devient une héréfie intolérable : c'eft le premier jugement de l'orgueil, & l'on ofe dire que c'eft celui de Dieu. Je ne faurois me tromper, c'eft par conféquent les autres qui fe trompent témérairement. Ils doivent donc être corrigés, ou ils méritent d'être punis. Le plus entêté des hommes fera toujours le plus prompt à accufer les autres d'Entêtement. Il les juge donc opiniâtres ou entêtés; dès-lors ils ne font plus dignes d'indulgence ni de fupport. Si l'hérétique obftiné ofe encore propofer fes raifons, l'orgueil bleffé fe porte à la haine on l'accufe de troubler l'Eglife & l'Etat. Pour juftifier cette haine, on cherche à fe perfuader qu'on eft animé d'un faint zele pour la gloire de Dieu. Dans cette perfuafion tout eft innocent, & devient permis. Si l'on a de l'autorité ou de la puiffance, on a bientôt recours à la violence; fi l'hérétique attaqué avec violence fe croit dans les droits d'une jufte défense, ou affez fort pour réfifter, & qu'il s'arme, voilà une guerre ouverte, une fainte guerre. Y a-t-il rien là qui puisse être attribué à la religion, qui condamne également le principe & les effets, ces paffions & leurs fuites, ces deffeins, & tous les moyens employés ?

Ne fuffiroit-il pas déjà de connoître & de fentir tous les inconvéniens, qui résultent ou peuvent réfulter de l'Entêtement, pour s'en défier & pour fouhaiter fincérement de s'en garantir, ou de s'en corriger? Cette feule défiance fera dès-lors un des meilleurs préfervatifs & un des plus fùrs re

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medes. Reconnoître chez foi cette maladie, fi dangereufe dans toute la vie, c'est donc être fur le point, ou dans le chemin de la guérison.

Si l'orgueil, qui fait que l'on s'eftime trop; fi la présomption qui nous donne des idées trop avantageufes de nos talens, enfantent & nourriffent ainfi l'Entêtement, la vanité, qui fait que nous défirons d'être eftimés, eft fouvent propre à nous en guérir. N'oublions donc jamais que rien ne peut mettre plus d'obftacle au jugement avantageux des autres fur nous, que ce défaut apperçu. Il efface le mérite de toutes les autres qualités; elles paroiffent fans prix & fans agrémens aux yeux de ceux avec lefquels nous commerçons. Un homme entêté, qui par fes talens & fes vertus, auroit être agréable ou estimable, ne paroît plus qu'un homme ou déplaisant, ou incommode, fouvent même infupportable. On pardonne les vivacités; on fupporte les inégalités; mais on ne fauroit fouffrir l'Entêtement.

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Ce défaut naît affez ordinairement dans l'enfance, par la foibleffe des parens qui admirent, louent, ou flattent leurs enfans. On n'a pas le courage de leur réfifter, ni la fermeté de les faire céder, ni la patience de raisonner avec eux, ni la prudence de choisir le moment favorable pour les ramener. Des actes fouvent réitérés forment malheureufement l'habitude. La vue des effets funeftes de ce défaut contracté ne feroit-elle pas un motif fuffifant, pour engager les parens à étudier mieux leur conduite, & à s'obferver avec plus de foin? Mais fouvenez-vous toujours de n'employer la réfiftance ferme & févere qu'à propos, & plus fréquemment la douceur, la foupleffe, le raifonnement & l'exemple.

Les gens d'humeur fombre ou mélancholique, ceux qui aiment trop à vivre feuls, font affez fouvent fort entêtés. Penfant d'ordinaire dans la folitude, fans être contredits, rêvant fréquemment dans le filence, ils donnent dans des idées fingulieres, pour lefquelles ils s'entêtent à force de les retourner fouvent. L'étude du monde, le commerce avec les autres, leurs contradictions, le choc des idées que l'on apperçoit dans la fociété, auroient utilement fervi à les garantir de toute fingularité, & à leur infpirer plus de foupleffe, plus de docilité, & moins d'attachement à leur propre fens. II ne faut jamais oublier qu'un homme, qui vit toujours feul, vit bientôt en mauvaife compagnie.

Tout homme, qui fera capable de réfléchir fur la foibleffe de l'efprit humain, sur la facilité avec laquelle les préventions & l'erreur fe gliffent dans l'ame, fentira en même-temps que toute efpece d'Entêtement eft fouverainement déraisonnable. Il fe défiera donc de fon jugement, & cette défiance feule le garantira de l'opiniâtreté. Il faura que l'homme le moins habile, peut nous donner quelquefois les meilleures idées, & les confeils les plus juftes; qu'avec moins de talens, il peut avoir mieux faifi le vrai de la chofe; enfin qu'il faut écouter tout, fans prévention & fans avoir trop de confiance dans fes propres lumieres. Apprenons ainfi à écouter à comparer, à juger les idées contraires aux nôtres, comme fi nous n'aTome XVIII.

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vions point pris de parti, fans partialité, ni prévention pour nous. Alors feulement nous ferons en état de pefer le pour & le contre, & de nous décider avec fureté & connoiffance de caufe. Alors notre conviction ne fera point un Entêtement, notre conftance ne fera plus opiniâtreté, enfin notre fermeté ne fera plus obftination.

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ENTRÉE, f. f.

Droits d'ENTRÉE & de SORTIE du Royaume de France.

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E droit qui fe perçoit fur les denrées & fur les marchandises à l'Entrée & à la fortie du Royaume eft un impôt qui fe leve au nom du Roi, fuivant les tarifs qu'il fait dreffer dans fon confeil & qu'il autorise par fes lettres-patentes.

L'origine de ces droits eft fi reculée qu'on ne peut y remonter que par conjecture. En effet rien n'étant plus capable de rendre un Etat floriffant que le commerce, il eft à croire que les fouverains l'ont toujours finguliérement protégé. Mais comme cette protection exigeoit des dépenfes confidérables, foit pour rendre les chemins fürs & praticables, foit pour faciliter la navigation des rivieres & tenir la mer libre, foit enfin pour réprimer au-dedans des fujets inquiets, ou au-dehors des voifins jaloux; il eft probable & naturel de penfer que les denrées & les marchandifes, qui étoient l'occafion de ces dépenfes, en fupportoient les charges.

C'eft fur ce principe que Salomon levoit des droits fur les chevaux & fur les toiles qui paffoient par l'Ifthme de Syrie, maintenant Suès, & que le roi des Gabaonites en exigeoit un fur l'encens qui traversoit fes Etats.

Il n'y a point de fouverains qui n'en aient établi dans les pays de leur domination, & il n'appartient qu'à eux d'en impofer. C'eft une des prérogatives la plus immédiate de la fouveraineté ; & fi quelques feigneurs en levent à leur profit, ce ne peut être que par une émanation de la fouveraine puiffance accordée ou ufurpée. Jus vedigalia concedendi nova creandi, vetera augendi feu prorogandi, ad refervata Imperatoris pertinent. Linck. Juf. pub. Rom. Germ.

Le premier droit de cette efpece qui ait été levé par les Romains, eut pour but de foudoyer l'armée chargée de veiller contre les pirates qui infeftoient la mer-Rouge & qui empêchoient le commerce de l'Arabie, de l'Ethiopie & des Indes.

Telle étoit encore la contribution qu'ils exigeoient fur la mer Eritherée; tel étoit le droit que les Bifantins levoient à l'Entrée du Pont-Euxin, & que long-temps auparavant les Athéniens, après s'être rendus maîtres de Chrisopolis, avoient impofé fur la même mer, au rapport de Polibe qui

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