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d'arbres fruitiers, puis les pâturages et les rocs arides, tout un amphithéâtre d'une étonnante variété, montant de gradin en gradin, de zone en zone, jusqu'aux cimes du Buet, du Môle, du Saleve, jusqu'à ces sommités aériennes qui, selon l'expression du poëte anglais Rogers, semblent appartenir au ciel plus qu'à la terre ; jusqu'au dôme arrondi du mont Blanc, qui, avec son perpétuel manteau de glace, s'élève au haut de l'immense espace comme un immuable emblème de l'éternité.

Çà et là se déroulent de grandes ombres, çà et là flottent de légères vapeurs pareilles à des écharpes d'argent. Mais le lac est inondé de lumière, et les barques des pêcheurs avec leurs voiles triangulaires s'y balancent comme des cygnes aux ailes blanches, et villes et villages, tourelles superbes, chalets agrestes, champs féconds, `prés sauvages, asile de l'aigle et du chamois, régions éthérées, source des torrents, trône des avalanches, tout ce qui plaît aux regards de l'homme, tout ce qui occupe son esprit, émeut, exalte ou terrifie son imagination, tout est réuni lå par une des magnificences de la nature dans un cercle de quelques lieues.

O mes jours de jeunesse! En ces jours-là, j'ai contemplé pour la première fois ce merveilleux spectacle. Je le revois de nouveau après avoir crré longtemps en de lointaines contrées, et, dans l'émotion que j'éprouve, je me réjouis de penser que le cœur de l'homme, sous la neige des années, comme le sol sous la neige des hivers, garde encore son rayon céleste et ses facultés vitales !

POÉSIE

Par M. VIANCIN.

MINERVE.

I

Nuit, rends-moi cet heureux mensonge,
Enfant d'un sommeil agité :

— J'ai vu Minerve dans un songe,

Superbe d'immortalité.

C'était la figure vivante

Qu'une main fidèle et savante
Venait de créer sous nos yeux.
Brillants d'une céleste flamme,
Ses yeux révélaient sa grande âme
Et le sang du maître des dieux.

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4 Des deux parties fort distinctes de cette pièce, la première n'est pas d'une date récente. L'auteur doit l'inspiration de cette allégorie à une statue de Minerve qu'avait modelée M. Clésinger père, pour en décorer le péristyle de la bibliothèque de la ville, à l'époque de l'ouverture de cet établissement. - Les vers nouveaux rattachés à cette ancienne composition en sont en quelque sorte la contre-partie. C'est un tableau d'actualité.

VÉSONCE, à cette voix magique,
Semblait d'un repos léthargique
Secouer enfin les pavots.

J'ai cru voir même sur son urne
Tressaillir le Doubs taciturne,
Comme électrisé par ces mots :

<< Dans tes remparts, toi qui sommeilles, » Loin des fleurs du sacré vallon, >> Insensible aux doctes merveilles » Et de Minerve et d'Apollon, » O reine de la Séquanie, » Toi que le flambeau du génie >> Eclaire encor sans t'échauffer, » Dois-je rester dans l'impuissance » De vaincre ta morne indolence? » Que faut-il pour en triompher?

>> Quels bruits émeuvent tes entrailles?
» Ceux des clairons et des tambours,
>> Du salpêtre sur tes murailles,.
» Célébrant les fêtes des cours,
>> De tes comptoirs le son profane,
>> La voix de l'ardente chicane
» Dans les salles d'un noir palais ;
» Point d'écho qui réponde à l'âme
» De celui que ma gloire enflamme
» Et qui se livre à mes attraits.

» Dans ton humeur antipathique
» A ses élans, à ses transports,
» L'enthousiasme poétique
>> T'importune de ses accords,
» De tes fils tel qui m'idolâtre,
» S'il ne cherche un autre théâtre,
> Se condamne à des jours obscurs,

» Et son nom méconnu du monde » Ne pourra jamais franchir l'onde > Qui serpente au pied de tes murs.

» Vainement du pouvoir suprême » Ces monuments audacieux > Dont s'est formé ton diadême » Semblent se perdre dans les cieux; » Vainement l'équitable histoire, >> Recueillant tes titres de gloire, » Te nomme fille des Césars; >> Ta puissance et ta renommée » Ne sont que poussière et fumée » Sans la couronne des beaux-arts.

>> Oh! quel temps doit durer encore
» La sombre nuit de ton sommeil ?
> Quand verrai-je poindre l'aurore
» Qui doit éclairer ton réveil?
> Est-ce du jour où mon image
» Viendra s'offrir à ton hommage?

» Lève-toi s'il en est ainsi ;
» Ouvre les portes de mon temple,
» Approche, regarde, contemple,
>> Chante Minerve!... La voici !

» C'est peu d'accorder un sourire » Au fils à qui tu dois mes traits; » Dans sa noble ardeur, il aspire » A pénétrer tous mes secrets. » Sous ses mains apporte du marbre; » Nourris la séve du jeune arbre; » D'autres fruits en naîtront pour toi. » Encourage, applaudis encore ; >> C'est ainsi qu'un peuple m'honore » Et se montre digne de moi.

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