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Vous avez droit de vous applaudir, Messieurs, de l'extension considérable qu'à prise dans ces derniers temps le Musée des antiques de la ville, puisqu'elle est due à une commission dont tous les membres, excepté un, vous appartiennent. Ce dépôt, où viennent se réunir les débris épars des vieux âges, n'est plus seulement une collection intéressante; il s'est élevé en peu d'années aux proportions d'un établissement digne de la cité. Les savants s'empressent de venir le visiter, et M. de Caumont, fondateur des congrès archéologiques de France, lui donnait, il y a quelques semaines, les plus précieux éloges. Presque toutes les époques qui intéressent notre existence nationale y sont représentées; mais ce qui en fait particulièrement la richesse, c'est une collection d'objets celtiques, à laquelle on trouverait difficilement en France quelque chose de comparable. Le Musée possède en outre une série de sépultures gallo-romaines que remarquent surtout les étrangers. Telle est enfin aujourd'hui l'importance de cet établissement qu'un membre de la commission a pu dire avec vérité qu'on ne saurait aujourd'hui songer sérieusement à écrire l'histoire du pays sans y être venu étudier.

Des fouilles exécutées dans le cours de cette année avec le soin le plus minutieux, ont eu pour résultat la découverte d'un grand nombre d'objets rares qui ne seront pas d'un médiocre secours pour la connaissance des temps passés. Il est évident que le goût de l'histoire, et l'ardeur des explorations archéologiques se sont considérablement accrus depuis quelques années dans cette province; et ce mouvement que vous avez toujours

pris à tâche de stimuler, est dû aussi, il faut le reconnattre, à l'impulsion nouvelle donnée aux esprits par l'intéressant mémoire dans lequel notre confrère M. Delacroix a soulevé la question d'Alésia.

On a dit que l'écrit du savant architecte avait rencontré à son apparition la conspiration du silence. Si le fait est vrai, il faut avouer que jamais conspiration n'a été plus complètement déjouée. Il est en effet bien peu de questions scientifiques ou littéraires qui aient fait en si peu de temps autant de bruit dans le monde. En Bourgogne comme en Franche-Comté, à Paris comme dans les provinces, dans les journaux comme dans les académies, les lettrés, les savants, les ingénieurs, les officiers se sont mis à discuter l'emplacement de l'Oppidum celtique où l'indépendance des Gaules succomba avec Vercingétorix sous les armes et la fortune de César. Ce vieux champ de bataille, témoin d'un immense désastre, appartient-il à la Bourgogne ou la Franche-Comté ? Question difficile qui a tout d'abord partagé les savants et a fait naître une polémique qui dure encore. Les mémoires se sont succédé rapidement; l'interprétation des textes et l'examen minutieux des lieux ont fourni des armes aux deux partis, et la querelle s'est peu à peu échauffée au point d'amener de ces vivacités qu'on regrette. Il semble à quelques uns qu'un intérêt national soit engagé dans la question; il se rencontre même des esprits ardents auxquels toute hésitation en cette matière paraît un crime, et qui de prime abord, vous somment hautement de déclarer si vous êtes Bourguignon ou Franc-Comtois. Mais il en est d'autres moins enthousiastes, qui à la vue de ce

mouvement soulevé à propos d'un point d'histoire, et de cette préoccupation passionnée qui divise parfois de vieux amis, s'écrient intérieurement: Qui nous délivrera et d'Alise et d'Alesia? Nous ne partageons pas ce sentiment. Le bruit qui se fait autour de ces noms antiques nous semble un symptôme heureux de l'état des esprits. Cet éclat d'ailleurs est un succès pour M. Delacroix, et prouve que la cause qu'il défend a considérablement gagné de terrain depuis trois années. Me sera-t-il permis de dire que lorsque notre nouveau confrère voulut bien me rendre confident de ses premières conjectures sur Alaise, tout en applaudissant à ses recherches dont je l'engageai vivement à publier le résultat, je fus étonné et comme effrayé de l'audace avec laquelle il osait seul et sans aucun appui attaquer comme erronée une tradition reçue depuis des siècles par tous les savants touchant le site d'Alésia. Aujourd'hui l'état des choses est bien changé; M. Delacroix est soutenu par une nombreuse légion d'auxiliaires, parmi lesquels figurent des savants de premier ordre.

Le succès fait des amis; il peut faire aussi des jaloux, et il ne serait pas sans exemple qu'on cherchât à atténuer le mérite de la découverte. Je dis découverte, Messieurs, car quelle que soit l'issue de ce débat, de l'aveu des meilleurs juges, M. Delacroix a révélé des faits nouveaux, intéressants et qui méritaient l'attention des savants. Quoi qu'il arrive, nous devons à la vérité de constater que les esprits étaient loin d'être préparés, comme on l'a dit, aux conclusions que renferme son mémoire. Des fouilles, il est vrai, exécutées à diverses

reprises sur le plateau d'Amancey, avaient fait exhumer de nombreux débris antiques, et il eût été peut-être juste de mentionner plus explicitement le mémoire de notre savant confrère, M. le professeur Bourgon, inséré dans le Recueil académique du mois de janvier 1839. Mais personne n'avait songé à rattacher ces débris aux campagnes de Jules César.

La question qui s'agite aujourd'hui est du nombre de celles qui pour être résolues en connaissance de cause demandent à être examinées sous toutes leurs faces avec la plus minutieuse attention et à être étudiées sur les lieux. Le procès est en cours d'instruction, et chaque jour semble ajouter aux éléments de conviction qui existaient déjà. Il faut avouer que de fortes objections s'élèvent contre l'opinion qui voit dans Alaise l'antique Alésia. Mais d'un autre côté, des faits nouveaux tendent à la confirmer. Des fouilles exécutées sur le territoire de Sarraz, village voisin d'Alaise, par les soins de M. Delacroix, assisté de MM. Vuilleret et Castan, ont fait découvrir un grand nombre de débris d'armes, de chars et d'ornements guerriers, dont l'origine celtique ne saurait être contestée. Tout fait espérer que de nouvelles explorations amèneront enfin une conclusion définitive. L'Académie a cru devoir à sa dignité de s'abstenir dans cette affaire de tout jugement précipité. Elle écoute les plaidoyers, elle prend note des faits et elle saura se prononcer quand le moment sera venu. Quel que soit le jugement, vous ne pouvez qu'applaudir au mouvement studieux qui s'est produit depuis quelques années dans cette province. Notre compagnie qui a cherché à le

provoquer par ses concours, a aussi payé son tribut à la science historique par les travaux particuliers de ses membres.

M. le président Clerc, qui prépare une réimpression du premier volume de son Essai sur l'histoire de la Franche-Comte (ouvrage couronné, comme on sait, par l'Institut), a publié dans les Recueils académiques une intéressante notice sur cette question: Quel est l'auteur des monuments de l'intérieur de l'église de Baume-lesMoines? Cette église, dont la fondation remonte au vi* siècle, classée aujourd'hui parmi les monuments religieux à la charge de l'État, renferme dans son intérieur des ornements d'une beauté remarquable, et notamment un magnifique rétable à volets qui se déploie derrière le mattre-autel et qui représente vingt-neuf sujets, partie peints, partie en relief. M. Clerc établit, par des raisons concluantes, qu'ils sont dus à un prince de la maison de Châlons, qui fut abbé de Baume, de 1390 à 1420 ou 1426.

M. l'abbé Richard, curé de Damblin, correspondant du ministère de l'instruction publique, a publié dans le cours de 1857, une Histoire de l'Abbaye de la GrâceDieu, ouvrage d'une érudition consciencieuse, qui a valu à l'auteur une mention honorable décernée par l'Institut. Le même confrère a donné, en 1858, une Monographie de Pont-de-Roide, faisant suite à celles qu'il avait déjà consacrées à l'Isle-sur-le-Doubs et à Saint-Hippolyte.

Un ouvrage important, auquel notre savant confrère M. l'abbé Besson a pris une grande part, la Vie des

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