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et sa délibération montre comment, dans une circonstance analogue, il est possible de concilier avec la soumission aux lois l'intérêt des pauvres et le respect qu'on doit à leurs bienfaiteurs.

Il s'agissait de plusieurs dons faits aux pauvres par madame Bichet, en 1819, à la condition que le montant serait touché et employé par MM. les curés des paroisses et par quelques établissements particuliers dont celui des Dames de charité faisait partie.

Le bureau considérant que, d'après les lois, il est seul institué pour accepter les dons et libéralités quel conques faits aux pauvres; mais qu'il est nécessaire de concilier avec la loi les intentions des donateurs; que ces intentions doivent être respectées, et qu'il est aussi du plus grand intérêt pour les pauvres qu'elles soient scrupuleusement exécutées, afin de ne pas affaiblir ou détourner la source des bienfaits que la charité consacre à leur soulagement, etc...

>> Par ces divers motifs, le bureau demande à être autorisé à accepter les legs faits par madame Bichet, avec pouvoir d'en faire remettre le montant aux personnes et aux établissements désignés dans son testament (1). »

Aujourd'hui, comme toujours, les Dames de charité visitent les pauvres à domicile. Elles leur distribuent les secours fournis par le bureau de bienfaisance et ceux qu'elles prennent sur leurs propres fonds. Ceux-ci se

(1) Extrait du registre des délibérations. 1820.

Séance du 27 mars

composent du produit des quêtes à domiciles ou dans les églises et des dons volontaires; on peut les évaluer à la somme de huit à dix mille francs.

Au nom du bureau de bienfaisance, les Dames de charité distribuent les divers objets mentionnés au chapitre consacré à cette institution; ces secours ont lieu depuis le mois de décembre jusqu'à la fin d'avril. Les bons ou cartes de pain, remis aux pauvres, sont de huitaine ou de quinzaine; ils se donnent la seconde semaine de décembre, et ne sont point remplacés s'ils se perdent. Sur leurs propres fonds, elles donnent encore aux indigents:

Deux bons de pain servant une fois seulement;
Des billets de bouillon;

Des couvertures de lit et objets de literie pour la séparation des enfants des divers sexes;

Des sabots, etc., etc.

Les demandes de secours doivent être adressées à la Dame de charité du quartier, ou au curé de la paroisse (1).

(1) Ce travail sera continué dans le prochain bulletin.

PIÈCES DE VERS,

Par M. ALEX. DE SAINT-JUAN.

ENVOI A MA COUSINE

MADAME LA COMTESSE SYL. DE JOUFFROY D'ABBANS.

Si la fée aux yeux bleus, la blonde tante Arrie,
Sœur d'Arriel et reine des follets,

Daignait quitter pour moi ses verts palais,
Et me verser un peu de l'ambroisie,

Que le naïf Perrault savourait à longs traits,
Ah! quels chefs-d'œuvre je ferais!

Mais,

Vœux superflus et vains regrets,
Adieu les splendides trophées,
Que dans mon orgueil je rêvais.

Les nains, les ondines, les fées,
Ont déserté nos monts et nos forêts.
Prenez donc en pitié ces modestes essais,
Cousine, et méchamment surtout n'allez pas croire,
Que je vise aux moindres succès;

Je ne veux pour mon auditoire,
Que nos bambins joyeux et frais,
Yeux éveillés et dents d'ivoire,
Trop heureux si dans leur mémoire,
J'ai deux soirs d'immortalité.

Quant à la renommée efflanquée et jaunâtre,
Qu'au Panthéon j'ai vue avec solennité,
Comme un recteur de faculté,

Soulevant à deux mains des couronnes de plâtre,
Je n'y pensai jamais, soit dit sans vanité.
Donc sans plus vainement débattre,

Je lève le rideau comme on fait au théâtre.
Si cela vous ennuie, enfants, sur mes genoux,
Sans peur d'être grondés, bien vite endormez-vous.

LE CHASSEUR MAUDIT.

Voyez-vous au sommet de cette âpre colline,
Parmi ces noirs ravins et ces bois qu'il domine,
Planant sur Bretigney, Dammartin et Silley,
Sur un banc de rocher par le temps écaillé,
Ce bloc massif de tours empanaché d'un hêtre.
Son nom? Il n'en a plus. Vers onze cents, son maître,
Etait un haut baron, intrépide chasseur,

Des pauvres paysans implacable oppresseur.

Champs dorés de blé mûr, vigne de fruits couverte,
Prés, espoir des troupeaux, à l'herbe molle et verte,
Sa mente les foulait sans pitié; même on dit
Qu'un cerf réfugié dans un saint oratoire,

Avait été tué par ce seigneur maudit.

Entraîné loin des siens, surpris par la nuit noire, Comme il courait un loup, un soir de Saint-Hubert, Il s'égara brisé de fatigue; sa trompe

Résonne en vain, le val reste sourd et désert.

Un sentier qu'il croit sûr en tournoyant le trompe,

Et parmi des rochers tout-à-coup disparaît.
Eu vain, il veut encore avancer, ronce et lierre
Dressent autour de lui leur mobile barrière,

Au lointain un torrent ébranle la forêt.

I appelle, il entend rire sous la cépée,

Le gnome à face verte aux deux yeux de rubis,
La goule dans les plis d'un blanc linceul drapée.
Cette nuit il aura pour chambre le taillis.

Au ciel devenu clair, la lune était levée,
Mais son rayonnement ajoutait à l'horreur.

C'est l'instant où les loups à jeun hurlent en chaur,
Où le freux sépulcral sort avec sa couvée;
Des arbres, des rochers s'échappent par moments,
Tantôt des cris aigus ou des gémissements.
Tout un monde funèbre et venimeux s'éveille :
Le fauve renard rôde, et de son vol sans bruit
Le rauque engoulevent sillonne au loin la nuit;
Le chevalier lassé succombant à la veille,
Sous un chêne géant qui le cache à demi,
La main sur son épieu de fer s'est endormi.

Minuit tintait encore aux clochers de la plaine,
Qu'il entend sous ses pieds d'effroyables abois :
Une meute de chiens vient d'envahir le bois :
Ceux-ci couleur de feu, ceux-là couleur d'ébène,

Chiens de race et de choix, vrais chiens de grand seigueur;
Oreilles longues, reins musculeux, tête fine,

Jarrets droits, ongles forts, pied sec, large poitrine,
Tous chiens ayant tété leur mère près du cœur,
Un homme devant eux s'enfuit à toutes jambes,
Il tient une arbalète; à sa ceinture pend,
Cercle d'or et d'étain un splendide olifant.
Le fuyard est léger, mais les chiens sont ingambes.

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