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royauté qu'il aime, lorsque le pacle passé entre le Roi et la nation est sur le point de se déchirer de lui-même et que le danger groupe autour du pouvoir tous ses défenseurs, il demande encore la réforme des lois municipales, le développement des attributions des conseils locaux, veut que l'administration supérieure ne puisse jamais forcer les communes à des dépenses arbitraires et qu'en maintenant les avantages de la tutelle royale, on en écarte, avec résolution, les inconvénients.

La révolution de 1850 mit fin à la carrière publique de M. de Santans. Il le comprit et se démit, sans regrets et comme naturellement, de fonctions qu'il avait acceplées sans ambition. Cependant cette révolution nouvelle qui, pour lui, succédait à tant d'autres, le contristait profondément. Certes, il pouvait dire aussi : Experti invicem sumus ego et fortuna, la fortune et moi nous avons appris à nous connaître par une longue expérience. L'adversité l'avait éprouvé de longue main et, il m'est permis de le dire, elle l'avait toujours trouvé au niveau de ses coups. Mais celui-ci, qui n'était pas le plus cruel, et qui le surprenait au terme de sa carrière, le blessait plus vivement et plus intimement qu'aucun autre. Ce n'est pas que cette nouvelle catastrophe dût froisser sensiblement ses intérêts, ni même, jusqu'à un certain point, ses idéés. Ses intérêts! Il n'avait jamais exercé que des fonctions gratuites, et il entendait partout proclamer la garantie des intérêts. Ses idées! Il voyait le gouvernement issu de juillet lutter, avec énergie, contre les factions révolutionnaires et s'efforcer de rétablir, sur des bases insuffisantes, sans doute, cette alliance du pouvoir

et de la liberté vainement poursuivie par les hommes de la Restauration. Mais elle blessait profondément ses sentiments; sentiments de fidélité, d'honneur, d'attachement, de loyauté. Elle s'attaquait à son âme, et c'est par l'âme que vivent les natures élevées. Il aimait sincèrement et son pays et la monarchie, et ne pouvait, sans déchirement, être témoin de l'injustice de l'un et du malheur de l'autre. Il voyait et ne pouvait comprendre la destinée de cette famille qui, après avoir, deux fois, apporté la liberté à la France, en avait été deux fois si cruellement punie. Rendu à un repos qu'il aimait et à des liens de famille qui étaient bien propres à le lui faire aimer, conservant toute l'aménité de son caractère, il souffrit, nous pouvons le dire à son éloge, de la ruine de ses espérances politiques dont tant d'autres se consolent aisément. A cette souffrance vinrent bientôt sejoindre celles du mal qui devait l'entraîner dans la tombe. La mort, en lui apparaissant avant le terme ordinaire de l'existence, ne lui causa ni illusion, ni effroi, et il l'envisagea, comme il avait envisagé toutes les fortunes, bonnes et mauvaises, avec courage, dignité et sérénité.

La religion avait été toujours l'une de ses fidélités. Elle l'en récompensa en venant adoucir cette suprême et commune épreuve de la vie et en lui présentant des espérances qui, celles-là, du moins, ne pouvaient être trompées. Il mourut en juin 1832, et le bruit des troubles civils dont il s'était si souvent ému dans le cours de sa carrière, fut le dernier encore qui parvint à son oreille. Nous sommes heureusement loin de ces temps

et de cette situation. Il semble qu'aujourd'hui l'harmonie longtemps exilée, se soit, sans retour, rétablie entre les âmes élevées, et qu'un grand calme se soit fait dans les hautes sphères des intelligences. Parmi les hommes qui sentent et qui méditent, il semble qu'il n'y ait plus place désormais pour ces antagonismes funestes dont notre pays a tant souffert, et que l'esprit de désordre, avec ses irritations et ses avidités illégitimes, ait cherché un refuge dans les régions inférieures de la société. J'en augure bien pour l'avenir, et un tel spectacle eût profondément réjoui le cœur de celui dont je vous ai entretenu. J'ai estimé servir encore à ce rapprochement si souhaitable en rappelant parmi vous le nom de M. de Santans, lui si accessible à tous les nobles sentiments, si soucieux des véritables intérêts de ses compatriotes. Et n'est-ce pas, Messieurs, son plus bel éloge que, dans la cité qu'il administra et qu'il affectionna si sincèrement, son souvenir, dont le lieu même où je parle semble avoir gardé quelque lointain écho, soit resté un symbole de conciliation, de tolérance et d'apaisement.

RÉPONSE DE M. LE PRÉSIDENT.

MONSIEUR,

L'Académie, qui a aussi sa noblesse, a, comme la noblesse, des traditions et des souvenirs. Toute tradition oblige, tout souvenir est une loi.

Le nom que vous portez est depuis bien longtemps cher aux lettres. Quand un Terrier s'assit pour la première fois dans cette Compagnie, le président qui eut l'honneur de le recevoir, lui fit observer que sa jeunesse n'avait pas besoin d'excuse. En effet, il remplaçait, pour ainsi dire, les savants de sa race, et les années ne devaient pas se compter pour celui qui comptait dans sa famille Jean Terrier, dont le bel ouvrage sur les verlus de la Vierge a été offert à Claire-Isabelle, infante d'Espagne, et gravé par Loisy; Jacques Terrier, ce magistrat incorruptible et laborieux, dont les notes sur le droit romain et sur la coutume du pays faisaient loi au parlement de Dole; le président Terrier de Cléron, qui se rendit aussi célèbre par sa fermeté que par son éloquence, en portant aux pieds du trône, dans un style plein de chaleur, les remontrances respectueuses de la Franche-Comté.

C'est sous ces auspices que votre aïeul entra, en 1765, à l'Académie de Besançon; son fils y a occupé la même place avec la même distinction, et l'éloge que nous ve

nons d'entendre, prouve assez combien vous êtes digne de leur succéder aujourd'hui.

Soyez le bienvenu, Monsieur, parmi les images de vos ancêtres. Nous retrouvons en vous tout ce qui charmait en eux la loyauté dans le caractère, la bonté dans le cœur, la facilité et l'agrément dans les relations, l'esprit serviable, pratique, modéré, qu'il faut porter dans les affaires.

Votre Tableau de la Révolution et de la Terreur nous a appris ce que l'histoire peut attendre de vous ; d'autres ont remarqué la rectitude de vos idées et la solidité de vos jugements dans les questions d'économie politique ; pour moi, qui dois à votre confiance de connaître votre livre encore inédit sur les Institutions traditionnelles, s'il m'est permis de vous dire, après des juges plus compétents, combien j'y ai trouvé de justesse, d'ordre et de suite, je ne doute pas que cette nouvelle étude n'ajoute encore à votre réputation et qu'on n'en fasse bientôt un sincère compliment à l'Académie. Nous sommes associés à vos succès, comme vous l'êtes vousmême à nos travaux, et on empruntera, pour nous féliciter, les termes flatteurs dans lesquels un littérateur célèbre parlait à l'abbé d'Olivet d'un ouvrage de Terrier de Cléron :

« Un tel écrit fera beaucoup d'honneur à votre pro» vince orateurs et fidèles sujets, tout s'y montre à la >> fois; la Franche-Comté méritera toujours l'estime du >> public et celle de son souverain. »>

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