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En tapottant un piano,

On se croit bonne ménagère.
L'hymen vient-il, triste duo!

Là, comme ailleurs, tout dégénère.

Dans les noces du bon vieux temps, Chacun buvait force rasades.

Que de convives à vingt ans

Ne se comportent qu'en malades!
Un vin généreux leur fait peur;
L'eau coule à grands flots dans leur verre ;
A leurs yeux creux, à leur pâleur,
On voit combien tout dégénère.

Sans grimace et d'un franc gosier
On chantait parmi les bouteilles ;
Nos jeunes gens se font prier
Pour nous écorcher les oreilles.
Ils ont des voix de mirlitons
Capables de mettre en colère,
Et le choix même des chansons
Démontre que tout dégénère !

Nous dansions en des jours meilleurs,
Nous nous trémoussions d'allégresse;
Il faut voir quels pauvres danseurs
Fournit parfois notre jeunesse.
Ils marchent, livides, pensifs,
La valse trabit leur misère ;
Puis... du bal il sortent poussifs;
Mon Dieu! comme tout dégénère !

Eh! comment nos chétifs neveux
Vaudraient-ils nos aïeux de bronze?
Une comète à longs cheveux
Flamboyait en mil huit cent onze.

Celle qu'on aperçoit, dit-on,
Et qui devait briser la terre,
Ne m'a l'air que d'un avorton.
Jusqu'aux astres, tout dégénère.

Lorsque les célestes flambeaux
Sont eux-mêmes en décadence,
Ici-bas quels rayons nouveaux
Des beaux-arts seront l'espérance?
Maints ouvrages sont incomplets
Et n'ont qu'un mérite éphémère;
De ce nombre sont ces couplets;
Hélas !... c'est que tout dégénère.

DONT L'ACADÉMIE a voté L'IMPRESSION.

NOTICE

sur cette question :

Quel est l'auteur des Monuments de l'intérieur de l'église de Baume-les-Moines ?

PAR M. LE PRÉSIDENT CLERC.

MESSIEURS,

Lorsque, dans une matinée d'automne, le voyageur quittant l'ancienne route romaine de Besançon à Lyon, aborde, par le côté de l'est, au sortir du bois de Crançot, les hauteurs de l'abbaye de Baume-les-Moines, voisine de Lons-le-Saunier, il s'arrête brusquement, saisi d'une terreur involontaire à l'aspect des précipices qui s'offrent inopinément à ses pieds. Cette gorge si profonde que les premiers rayons du matin laissent encore dans la nuit, ces rochers gigantesques et à pic qui en soutiennent les bords, lui offrent l'idée de quelque grand cataclysme des âges primitifs du monde. Puis, après avoir mesuré ces profondeurs, son œil rassuré parcourt avec plus de

calme les détails de ce spectacle plein de grandeur et de majesté. Il s'aperçoit que cette solitude est animée : au centre s'offre la vieille abbaye, son clocher rougeâtre, la cour carrée et massive qui sert d'entrée au monastère, plus loin est le village de Baume fondé par les religieux; au dessus de l'une de ces hautes montagnes, le village des Granges et ses vergers se soutiennent suspendus sur l'abîme. On entend le bruit des cascades, dont l'une forme la première nappe d'eau de la rivière de la Seille : l'industrie qui l'utilise habite aussi dans ces lieux. Enfin arrivé dans le bas, en parcourant les cloîtres encore debout, le voyageur saisit mieux la pensée de ceux qui vinrent, aux temps les plus reculės, y chercher le silence et la paix du cœur. Nul lieu n'est plus favorable, en effet, au recueillement, à la méditation et à la prière. A l'aspect de ces roches suspendues de si près sur sa tête, l'homme qu'elles semblent prêtes à ensevelir, sent à chaque instant sa faiblesse, le néant de la vie, et la puissance du créateur.

L'abbaye de Baume-les-Moines a été fondée au vr siècle, dans le comté de Scoding, par saint Lothain, et complétement rebâtie au IXe siècle par saint Bernon, prince de Bourgogne. Au XIe siècle, l'empereur Frédéric Barberousse tenait à honneur de déclarer qu'elle était de la création des comtes ses prédécesseurs. Elle a subi dès lors beaucoup de vicissitudes; plusieurs fois incendiée, elle s'est relevée toujours aujourd'hui simple église de village, elle a été classée, en 1849, parmi les monuments religieux à la charge de l'Etat.

Sous l'Empire romain, le lieu où elle est située n'é

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