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mérite. Il est regrettable que dans sa majeure partie les négligences et même les incorrections soient si nombreuses. Avec un peu plus de soins, l'auteur aurait pu la rendre digne au moins d'une mention honorable et d'une médaille d'encouragement. Ne pouvant motiver suffisamment une décision conforme à ce désir, nous avons dû vous proposer de renoncer à une tentative deux fois infructueuse, en retirant du concours de poésie le sujet que vous aviez adopté, et vous avez admis cette conclusion.

Pour terminer ce rapport, nous adresserons quelques paroles de bienveillance aux jeunes lutteurs qui sont entrés dans la lice.

Meditez mieux, messieurs, les programmes offerts à votre émulation. Nous ne vous demandons que des opus. cules; mais nous les demandons tels qu'ils puissent faire honneur à vous et à l'Académie. Plus votre cadre est restreint, plus nous avons le droit d'exiger de vous qu'il soit bien rempli. Faites-vous un plan, châtiez votre style, colorez vos images, donnez à l'expression de vos pensées cette précision qui n'exclut -pas la chaleur et le mouvement,

« Et ne vous piquez point d'une folle vitesse. >>

N'attendez pas de vous mettre à l'œuvre que les délais d'un concours soient près d'expirer. On n'a jamais trop de temps pour bien faire. Ne vous découragez point. Ce n'est pas toujours de prime-saut qu'on arrive aux palmes académiques; mais il est rare qu'elles ne deviennent pas un jour la juste récompense des efforts persévérants.

Ne négligez pas de revenir aux principes du métier. Quand vous en aurez bien appris toutes les règles, que plusieurs d'entre vous ne savent pas encore, il vous restera beaucoup à faire; car il y a loin de la versification à la poésie. La lyre n'est encore entre vos mains qu'un instrument dont les cordes sont toutes neuves. Plusieurs de ces cordes peuvent être fausses: il faut les remplacer. Celles qui sont bonnes se relâchent facilement il faut les retendre, à plusieurs reprises, pour les accorder, pour les monter, les fixer au diapason régulateur, et pour en obtenir ces vibrations harmonieuses qui charment l'oreille, remuent les cœurs, enlèvent les suffrages et font descendre les couronnes sur les fronts que l'amour de l'art illumine de son flambeau.

RAPPORT

SUR LE CONCOURS D'ÉLOQUENCE

PAR M. CLERC DE LANDRESSE.

MESSIEURS,

Chez tous les peuples civilisés, on a compris l'utilité d'exciter à la vertu en louant publiquement ce qui est beau et généreux, en faisant l'éloge des citoyens qui ont illustré leur pays par leurs talents et par leurs grandes actions. C'est ainsi qu'on fait naître et qu'on perpétue d'âge en âge la prospérité, la grandeur et la gloire d'une nation. Il appartient surtout à l'Académie de maintenir un si noble usage.

Vous avez mis au concours l'éloge de M. Courvoisier, ancien garde des sceaux. Vous ne pouviez pas présenter comme exemple une vie plus honnête, un cœur plus généreux, un plus noble emploi de facultés remarquables. Ce riche sujet d'éloquence devait naturellement exciter l'enthousiasme. D'éloquentes paroles ont répondu à votre appel.

Trois discours vous ont été adressés.

L'éloge qui porte le n° 1 contient plusieurs erreurs: On lit à la page 3:

« M. Jean-Baptiste Courvoisier fut un avocat distin

» gué; il avait ouvert à Besançon une école de droit » où se pressait toute la jeunesse studieuse de la pro

» vince. »

M. Courvoisier père n'avait ouvert aucune école. Avant la révolution de 1789, il existait à Besançon une faculté de droit. M. Jean-Baptiste Courvoisier était un des professeurs les plus distingués de cette école. Aux pages 7 et 11, l'auteur s'explique ainsi :

» Plus tard, lorsque les événements auront donné à » M. Courvoisier une autorité considérable, il sera lui» même le défenseur de M. Jean de Bry, menacé à son » tour ; il lui offrira d'abord un asile, puis il réussira, » non sans de grands efforts, à lui conserver un rang » honorable.... C'est après la levée du siège que le bruit » s'élant répandu que les alliés marchaient sur Paris » pour rétablir les Bourbons sur le trône de France, >> M. Courvoisier s'honora par sa conduite envers » M. Jean de Bry, menace de perdre une place qui étail » son unique ressource. »

La capitulation de Paris eut lieu le 30 mars 1814, el la déchéance de Napoléon fut proclamée le 2 avril par le Sénat. Le 6 du même mois, le prince de Lichtenstein, qui bloquait Besançon, offrit une capitulation au général Marulaz. Elle fut refusée. Le 19 avril, après avoir été officiellement averti des événements par le ministre de la guerre, le général gouverneur fit un armistice avec le prince autrichien. Le 2 mai, la levée du siége fut proclamée; dès le lendemain la nomination de M. le comte de Scey à la préfecture du Doubs était publiée par le Moniteur, et M. de Bry perdait sa position.

L'auteur du discours dont il s'agit s'est donc trompé sur les faits historiques, sur le sort de M. Jean de Bry, à l'époque de la Restauration, et sur ce qui a constitué la générosité de M. Courvoisier.

Dans les circonstances qui viennent d'être rappelées, M. Courvoisier usa de générosité envers un fonctionnaire dont il avait, dans d'autres temps, subi les rigueurs, mais à la sincérité duquel il avait toujours rendu justice. Il s'empressa de lui offrir un asile, de l'entourer d'égards et de le consoler. Plus tard, il profita d'une occasion solennelle pour rendre publiquement justice à l'administration de M. Jean de Bry, qui avait été calomniée.

Dans le même discours (page 27), on trouve cette phrase:

« M. Courvoisier sortit cependant de sa retraite pour » défendre ces mêmes ministres qui n'avaient pas voulu suivre ses conseils. >>

M. Courvoisier n'a pas défendu, devant la cour des pairs, les ministres qui avaient contre-signé les ordonnances du 25 juillet 1830. Il a paru devant ce tribunal suprême comme témoin, appelé pour déposer sur les faits de ce procès célèbre. Son attitude a été digne, modérée, courageuse. Malgré l'effervescence populaire, qui retentissait jusque dans la salle d'audience, il n'a pas dissimulé l'intérêt qu'il portait à d'anciens collègues malheureux, au nombre desquels plusieurs avaient son estime et son affection.

A part les inexactitudes signalées, les appréciations du discours qui porte le n° 1 sont exactes; les citations sont bien choisies; la composition est correcte; le style

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