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pourrais-je vous dire de son volume des Contemplations, sur lequel, hélas! le goût et la morale ont tant de réserves à faire ? M. Victor Hugo est un grand talent et une grande infortune. Comme Dante, il a appris par expérience, combien est amer le pain de l'étranger, combien il est pénible de monter et de descendre l'escalier d'autrui. Puisse le génie qui inspira ses premiers accents, le ramener à ces sources pures où il puisa des harmonies si suaves, des chants si nobles et si doux!

La poésie m'amène naturellement à la peinture. Notre excellent confrère Lancrenon, dont le pinceau, si estimé des véritables connaisseurs, n'est peut-être pas suffisamment apprécié dans sa province, a continué d'enrichir le Musée des tableaux, et de diriger avec succès l'école municipale de dessin. Les leçons d'un maître si habile susciteront, n'en doutons pas, plus d'un émule à ce jeune Giacomoti, qui obtenait, après trois mois de séjour à Paris, une médaille à l'Ecole des Beaux-Arts, et qui remportait, il y a deux ans, le grand prix de Rome. Nous savons que des hommes honorables, mus par un sentiment patriotique, ont demandé récemment à M. Lancrenon, le portrait d'un FrancComtois illustre, M.Courvoisier. Le peintre a connu personnellement l'ancien ministre, et son talent consciencieux et pur le rend plus digne que tout autre de reproduire les traits du magistrat intègre, auquel un de nos plus zélés confrères, M. Clerc de Landresse, dans un éloquent rapport, proposait dernièrement de consacrer un témoignage public de souvenir.

Après cette énumération très-incomplète des travaux

de l'Académie, il m'est doux de me conformer à l'usage établi en mentionnant les distinctions dont quelques-uns de ses membres ont été l'objet. Une inadvertance que je regrette, m'avait fait passer sous silence, dans mon dernier rapport, le décret impérial qui a conféré à M. Villars le titre de chevalier de la Légion d'honneur. Ce juste prix accordé aux honorables services du savant directeur de l'Ecole de médecine n'a trouvé, il peut m'en croire, aucun de ses confrères indifférent. M. Dusillet a été promu au siége de président de chambre à la Cour impériale; ce sont là de ces actes qui honorent le pouvoir et qui ont reçu d'avance la sanction de la saine opinion publique.

M. Convers, maire de la ville, membre de cette Académie, par droit de libre suffrage, avant de l'être par le privilège de ses fonctions, s'est vu chargé par le conseil municipal d'aller, à diverses reprises, suivre à Paris des négociations délicates, dans le but d'obtenir pour la province une ligne importante de chemin de fer, celle de Gray en Suisse par Besançon. M. Convers s'est acquitté de cette mission avec l'habile activité d'un administrateur dont le dévouement n'a jamais fait défaut quand il s'est agi des intérêts du pays. Un devoir si noblement accompli assure à M. le Maire un nouveau titre à la reconnaissance de ses concitoyens. Juste appréciateur de ses services, le gouvernement se chargeait en quelque sorte d'acquitter la dette du pays en lui conférant, au mois d'août 1855, la décoration de la Légion d'hon

neur.

Cette année, comme les précédentes, une loi fatale

que je dois subir me condamne à terminer ce rapport par la triste énumération de nos pertes.

Dans l'ordre des académiciens honoraires, nous avons à regretter M. de Salvandy, ancien ministre de l'instruction publique, auquel le corps enseignant conserve un reconnaissant souvenir; orateur distingué, homme intègre et bienveillant, dont l'esprit était accessible à toutes les nobles idées, le cœur ouvert à tous les sentiments généreux, et qui, au milieu de la lutte ardente des partis, sut faire estimer, même de ses adversaires, sa droiture courageuse et ses convictions éloquentes.

La mort a rayé de la liste de nos associés correspondants le nom de M. Génin, critique ingénieux, sagace explorateur de nos anciens monuments littéraires, écrivain spirituel dont la plume incisive et quelque peu mordante assaisonnait, parfois avec bonheur, les recherches de l'érudition du sel piquant de la plaisanterie.

Nous avons perdu M. Brouzès, ancien proviseur du Lycée de Besançon, qu'une mort imprévue a frappé à Clermont dans l'exercice de ses fonctions universitaires, au moment même où le chef de l'Académie lui donnait un témoignage flatteur d'estime, en demandant pour lui la croix d'honneur, comme récompense de ses utiles services,

Un coup non moins imprévu, et encore plus vivement ressenti, est venu nous enlever, il y a quelques mois, un membre résidant de cette Compagnie. Je veux parler de M. Gardaire, ancien recteur de Besançon, auquel nous unissait une confraternité qui datait de plus de quinze années. Les rapports obligés qui rapprochaient

nos fonctions universitaires et des relations personnelles qui m'ont permis d'apprécier ses éminentes qualités, m'auraient donné le droit de payer aujourd'hui un douloureux tribut à sa mémoire, si une voix plus autorisée que la mienne ne s'était chargée de ce pieux devoir.

Ainsi, Messieurs, la mort, qui a sa part marquée dans toutes les œuvres humaines, vous enlève chaque année quelques-uns de ces utiles collaborateurs qui vous secondaient dans l'accomplissement de votre œuvre; séparation cruelle qui ne s'accomplit pas sans laisser dans nos cœurs de profonds regrets. Mais c'est le privilége des corporations de conserver sous le coup de ces pertes successives, leur force et leur vitalité. Grâce aux élections qui nous associent annuellement des membres nouveaux, notre Compagnie, sans cesse rajeunie, continue sans interruption le cours de ses travaux et poursuit avec confiance cette paisible carrière où elle a pour objet le vrai, le beau et l'utile, pour juge le public et pour auxiliaires ces administrateurs habiles, ces dignes représentants de la ville et du département, qui comptant les sciences, les lettres et les arts au nombre des plus chers intérêts du pays n'ont omis aucune occasion de vous donner des témoignages d'une bienveillance qui vous est précieuse et dont je suis heureux de les remercier en votre nom.

DISCOURS DE RÉCEPTION

DE

M. COQUAND.

MESSIEURS,

L'étude de la nature a, dans tous les temps, attiré l'attention des esprits observateurs. Et, en effet, quelle ambition plus louable et plus utile que celle de l'homme, qui, toujours impatient d'acquérir des lumières nouvelles, double et prolonge son existence par la recherche constante des causes qui modifient les êtres qui vivent autour de lui! Rien n'est indifférent à sa noble curiosité. L'origine du globe, les catastrophes qui l'ont tourmenté, les générations éteintes dont ses entrailles recèlent les dépouilles, les minéraux précieux qu'il ren-, ferme, les animaux qui lui donnent la vie, les végétaux qui le parent, tout le frappe, l'intéresse et l'attache. S'il est vrai de dire que l'histoire naturelle est une des sciences qui excite l'attrait le plus général, et que le récit des phénomènes que présente la création suffit pour éveiller la curiosité des hommes les moins éclairés, il est

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