Page images
PDF
EPUB

maine sont plus ou moins accessibles à la raison, plus ou moins favorables aux passions, et qu'elles n'ont jamais proposé des dogmes incompréhensibles à croire, des devoirs sévères à pratiquer. C'est pour cela que toute hérésie n'est que la négation d'un mystère qui confond la raison, ou d'une loi insupportable aux passions; et que l'incrédulité n'est que la négation complète de tout mystère et de toute loi, dans l'intérêt de l'orgueil de l'esprit ou de la corruption du cœur. Dieu, et Dieu seul, a pu révéler, imposer à l'homme des dogmes incompréhensibles et des lois sévères, et en être

obéi.

Par cela même donc que le mystère de la Trinité est incompréhensible, et que l'homme ne l'a pas inventé, c'est Dieu qui l'a révélé; et dès lors il est évidemment et incontestablement vrai. Car Dieu, vérité infinie, ne peut révéler que ce qui est vrai; et il faut croire à Dieu, dit saint Hilaire, dans tout ce qu'il daigne nous révéler de lui-même Ipsi Deo, de Deo, credendum est.

:

En second lieu, la raison reconnaît que le fini ne peut pas contenir, comprendre l'infini; et que si l'homme pouvait comprendre Dieu, qui est nécessairement infini, ou l'homme serait Dieu, ou Dieu ne serait qu'homme. Un Dieu que l'homme comprendrait dans tout son être et dans sa manière d'être, devrait par cela même lui être suspect; il devrait s'en défier. Un Dieu que l'homme com

prendrait, ne serait qu'un Dieu que l'homme aurait pu inventer. Un Dieu entièrement saisissable par la raison pourrait bien être l'oeuvre de la raison. A force d'être trop raisonnable, il serait un Dieu contraire à la raison.

La dignité, la grandeur de la raison humaine demande qu'elle ne plie pas ses ailes devant ce qui lui est inférieur ou égal. La dignité, la grandeur de la raison humaine demande qu'elle n'adore que ce qui lui est supérieur, ce qu'elle ne comprend pas. Par cela même donc que le mystère de la Trinité ou de l'Etre divin est incompréhensible, c'est un mystère conforme à la raison, digne des hommages, du culte de la raison. C'est devant de pareils mystères que la raison peut s'abaisser sans se dégrader.

Enfin, ce mystère a été nié par des hérétiques, par des incrédules, parmi lesquels il est facile de trouver des hommes d'esprit, de beaux esprits, des esprits faux, et surtout des cœurs corrompus.

Mais des hommes de génie, vraiment je n'en connais guère; tandis que ce mystère incompréhensible a été cru par les Denis, les Tertullien, les Origène, les Cyprien, les Lactance, les Irénée, les Athanase, les Grégoire de Nazianze, les Cyrille, les Basile, les Chrysostome, les Hilaire, les Ambroise, les Jérôme, les Augustin, les Léon, les Grégoire, les Bernard, les Anselme, les Albert le Grand, les Thomas, les Bellarmin, les Suarez, les

Leibniz, les Newton, les Bossuet, les Fénelon, les Pascal, les plus grands génies du monde chrétien; tandis qu'il a été cru pendant dix-huit siècles par tout le monde; tandis qu'il est cru de nos jours par trois ou quatre cents millions de chrétiens répandus sur la surface de la terre, c'est-à-dire par tout ce qu'il y a de plus élevé, de plus remarquable sur la terre en fait de culture, de vertu, de science et de raison.

Or, il n'est que la voix de Dieu qui ait pu répandre cette croyance par le monde; il n'est que sa main toute-puissante qui ait pu l'y maintenir et lui assujettir les esprits; il n'est que son doigt qui ait pu l'écrire dans les cœurs, la faire croire par la foi la plus humble, et la faire chérir par l'amour le plus parfait. Par cela même donc qu'il est incompréhensible, ce grand mystère est souverainement croyable Testimonia tua credibilia facta sunt nimis (Psal., XCII, 5).

Ainsi nous venons de voir quelque chose de l'ineffable économie de la Trinité dans son image, de sa crédibilité dans son incompréhensibilité même il nous reste à dire encore quelques mots de sa grandeur, de sa magnificence dans ses effets. Je vais le faire dans ma dernière partie.

16.

TROISIÈME PARTIE.

'EST un grand mot que celui par lequel Dieu même, en créant l'homme, a révélé qu'il a gravé son image et sa ressemblance dans l'homme : Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. Ce sont les trois Personnes divines qui ont ainsi parlé, qui paraissent en quelque manière s'être entendues entre elles; qui ont conféré à l'esprit de l'homme chacune d'elles ce qui lui est propre, qui s'y sont peintes et s'y sont reproduites elles-mêmes le Père en lui donnant l'entendement, le Fils la raison, le Saint-Esprit la volonté. De sorte que l'homme devint, dès le premier instant de sa création, l'image fidèle de la Trinité de Dieu, le portrait fini de son Créateur.

:

Mais l'homme ne sut pas garder longtemps cette haute noblesse de son origine, cette ineffable dignité de son être, que Dieu n'avait, d'après saint Augustin, accordée d'une manière toute particulière qu'à lui: Deus nulli alii creaturæ dedit quod sit ad imaginem suam, nisi homini. (Apud S. Thom., loco cit.)

En se livrant au péché, son entendement devint impuissant à engendrer des pensées saintes et élevées; et il ne représenta plus le Dieu Père. Sa raison, abusant de sa lumière contre Celui qui la lui avait donnée, au lieu de se plaire en Dieu,

s'arrêta à se plaire, à s'enorgueillir en elle-même, et ne représenta plus le Dieu Fils. La volonté, corrompue et dégradée par la perversité avec laquelle elle s'attacha au mal, ne représenta plus le Dieu Saint-Esprit. L'homme était force, sagesse et amour; et il devint faiblesse, déraison et égoïsme. L'auguste image de la Trinité, tout en conservant ses traits essentiels, fut en lui altérée, décolorée, détériorée. Le Dieu trine et un n'y fut plus reconnaissable; et l'homme, dit le Prophète, au lieu de représenter Dieu, de s'unir à Dieu, de vivre de la vie de l'intelligence et de l'amour de Dieu, ne représenta que la brute, s'associa à la brute, partagea la vie, la condition de la brute, s'estima et devint une brute lui-même : Homo cum in honore esset non intellexit, comparatus est jumentis insipientibus, similis factus est illis (Psal.).

Or cette image auguste, ainsi déformée, ne pouvait être restaurée que par le même Artiste divin qui l'avait faite, aucune force, aucune sagesse créée ne pouvant rien pour réformer l'œuvre de la force et de la sagesse incréée. Voilà donc cette même sainte Trinité qui a compassion de l'homme, qui descend jusqu'à l'homme, et, au moyen du baptême, dans lequel, en révélant sa nature, elle manifesta son opération, renouvelle sa propre image dans l'homme, en efface tout ce qu'il y avait de vieux et d'étranger, et retouche son œuvre qu'une main ennemie avait altérée. Car le baptême adminis

« PreviousContinue »