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répandue dans tout le monde la vie matérielle ; c'est cette instruction première, qui est toujours restée debout, que les ténèbres de l'idolâtrie et du paganisme ont pu obscurcir, mais n'ont jamais pu effacer; Lux in tenebris lucet, et tenebræ cum non comprehenderunt (Ibid. 5).

C'est en appliquant ces révélations divines à la connaissance des causes, aux usages de la vie humaine, que ces grands hommes développèrent l'intelligence de l'homme, constituèrent la société publique, établirent les lois, créèrent la science, inventèrent les arts. C'est l'origine de la vraie philosophie marchant à la lumière de la religion, dans le but de maintenir, de défendre la religion, de procurer à l'homme le plus grand bonheur possible sur cette terre, sans lui faire perdre la vue du ciel; et établie dans le monde avec la foi dans le Verbe, commencée elle aussi avec le monde.

Oh! que cette origine de la vraie science, de la vraie philosophie, est noble, est auguste, est magnifique, et conforme à la bonté de Dieu et à la grandeur et à la dignité de l'homme! C'est Dieu instruisant l'homme par son Verbe; et c'est l'homme marchant à la lumière de Dieu, se développant, se perfectionnant comme être physique, comme être intelligent et comme être social, sous les yeux de Dieu, pour la gloire de Dieu et pour son propre bonheur !

C'est l'origine de la raison religieuse dans les

temps anciens. Voyez maintenant l'origine de la raison philosophique de ces mêmes temps.

5. La philosophie ancienne, chez les peuples où la raison philosophique a régné avec plus de puissance et plus de liberté, s'était divisée en deux grandes sectes, la secte des Matérialistes ou des Épicuriens, et la secte des Spiritualistes ou des

Stoïciens.

Ces deux sectes, ennemies l'une de l'autre, se faisant mutuellement une guerre acharnée, à cause des doctrines opposées et contradictoires qu'elles professaient, s'accordaient cependant en une seule et même doctrine touchant l'état de l'homme primitif, l'origine de la religion, des lois et de la société.

Horace, qui ne rougit pas de s'appeler lui-même un animal immonde du troupeau d'Épicure (1), exposait en ces termes la doctrine des Épicuriens sur ce sujet :

« Les premiers humains, comme toutes les brutes, sont sortis des entrailles de la terre. Ils n'étaient alors qu'un troupeau muet et immonde, privé de la raison et de la parole. Pour un peu de glands ou pour une tanière ils se faisaient mutuellement la guerre. C'était au commencement une guerre

(1) « Si tu viens me voir, tu apercevras en moi un pourceau, a plein d'embonpoint, du troupeau d'Epicure; Bene curata « pelle vises, Epicuri de grege porcum.

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aux égratignures et aux coups de poings; ensuite on se battit avec des bâtons, et enfin avec des armes artistement fabriquées. Plus tard ils inventèrent eux-mêmes la parole, formèrent un langage, pour pouvoir exprimer les sentiments de l'âme, et trouvèrent des noms pour indiquer les choses. A cette époque-là, ils cessèrent de guerroyer; ils commencèrent à bâtir des villes, à les entourer de murailles. Ils firent des lois qui défendaient le vol, le meurtre et l'adultère. Car, même avant Hélène, la femme a été toujours, dans les anciens temps, une cause funeste de guerre parmi les hommes. Adonnés jusque-là aux vagues jouissances de la chair, hors du mariage, comme les bêtes fauves, ils se disputaient la femelle, et se l'arrachaient les uns aux autres par la force. Le plus vaillant en faisait sa proie, comme, dans le troupeau, le taureau le plus fort finit par s'approprier la génisse. Mais ces hommes-là sont morts, ne laissant aucun souvenir, bien moins encore leurs noms (1). Si donc tu veux feuilleter les annales et les monuments du monde, tu seras obligé de croire que ce n'est

(1) Quelle légèreté! Comment savez-vous donc que cet ordre ou bien ce désordre de choses a existé?... Ainsi elle est bien ancienne la démangeaison de faire de l'histoire avec l'imagination. On verra plus tard que des chrétiens n'ont pas eu honte de renouveler ce sale poëme du paganisme, et par là d'obliger le monde à les considérer, eux aussi, comme aspirant à l'honneur de faire partie du troupeau d'Epicure.

pas la nature qui a pu apprendre aux hommes à discerner le bien du mal, le juste de l'injuste, ce qui est permis de ce qui est défendu; mais que l'unique source du droit a été la crainte de l'oppression (1). »

C'était, M. F., l'ignoble fable que la raison philosophique des Épicuriens avait inventée pour s'expliquer l'origine de l'homme et de la société. Mais la fable des graves Stoïciens, sur le même sujet, était parfaitement la même. Écoutons Cicéron :

« Il y eut un temps, dit-il, où les hommes vivaient en vaguant par les campagnes, tout à fait à la manière des brutes. Ils se nourrissaient des mêmes aliments que les bêtes féroces. Ils ne se conduisaient que d'après les instincts du corps, et non d'après les dictées de la raison. On ne profes

(1)

« Cum prorepserunt primis animalia terris,

<< Mutum et turpe pecus, glandem atque cubilia propter,

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Unguibus et pugnis, dein fustibus, atque ita porro
Pugnabant armis, quæ post fabricaverat usus;

<< Donec verba, quibus voces sensusque notarent,
« Nominaque invenere: deinc absistere bello,
Oppida cœperunt munire, et ponere leges,
«Ne quis fur esset, neu latro, neu quis adulter.
« Nam fuit ante Helenam mulier teterrima belli
« Causa. Sed ignotis perierunt mortibus illi,

« Quos venerem incertam rapientes, more ferarum,

« Viribus editior cædebat, ut in grege taurus.

<< Jura inventa metu injusti, fateare necesse est,
Tempora si fastosque velis evolvere mundi.

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«Nec natura potest justo secernere iniquum,
« Dividit ut bona diversis, fugienda petendis. »

(Satyrar. lib. I, 3).

sait alors aucune religion divine; on n'observait aucune loi morale, aucun devoir. Le mariage légitime était inconnu. Les pères ne reconnaissaient pas leurs propres enfants, ni les enfants leurs propres pères. On ne comprenait pas alors les avantages du droit et de l'équité. Tout était ignorance, erreur, abus des seules forces du corps; et c'était à l'ombre et à l'aide de ces satellites horribles et funestes que s'assouvissaient et régnaient en tyrans les plus aveugles et les plus audacieuses passions (1).

Voilà, M. F., ce que la raison philosophique ancienne, en opposition aux traditions universelles du genre humain, a su imaginer pour s'expliquer l'origine de l'homme et la civilisation de l'humanité.

Or peut-on rien imaginer de plus honteux, de plus dégradant pour l'homme qu'une pareille explication de son origine, de sa nature, de sa condition? Y a-t-il rien de plus absurde que ce système que l'homme, à l'état d'ignorance et de

α

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(1) Nam fuit quoddam tempus cum in agris homines pas

sim, bestiarum more, vagabantur, et sibi victu ferino vitam propagabant. Nec ratione animi quidquam sed pleraque vi« ribus corporis administrabant. Nondum divinæ religionis, nondum humani officii ratio colebatur. Nemo nuptias viderat legitimas, non certos quisquam inspexerat liberos; non jus æquabile, quid utilitatis haberet, acceperat. Ita propter er«rorem atque inscitiam, cæca ac temeraria dominatrix animi « cupiditas, ad se explendum, viribus corporis abutebatur, perniciosissimis satellitibus (De Invent. 1). »

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