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tiva est forma substantialis corporis humani; principe profond et important, base de la vraie philosophie, et qu'à cause de son importance le concile de Vienne de l'année 1311 a consacré par ces mots Qui pertinaciter asserere præsumpserit animam intellectivam non esse formam per se essentialiter corporis, hæreticus censendus est.

9. Mais n'en voulons pas, M. F., aux anciens philosophes, de ne pas avoir connu cette grande et si importante vérité. Rappelons-nous que, d'après saint Paul, ce n'est pas J.-C. qui a été formé en vue de l'homme; c'est, tout au contraire, l'homme qui a été créé en vue de J.-C. Comme un artiste, lorsqu'il doit faire la statue d'un grand personnage, met tous les soins possibles à en bien tracer le dessin en petit, à en former le modèle, le type; de même, dit saint Paul, Dieu, en créant l'homme, n'a fait que le type, le modèle, le portrait de J.-C. qui devait venir un jour dans le monde : Adam primus, qui est forma futuri (Rom., V, 14).

L'homme étant donc le portrait de J.-C., il ne peut être connu que là où est connu J.-C. Car on ne peut reconnaître un portrait lorsqu'on n'a pas la moindre idée de l'original. Les anciens philosophes n'ayant eu aucune idée de J.-C., n'ont pu reconnaître l'homme; les Juifs connurent confusément l'homme, parce que les Juifs, par les prophéties et la tradition, connaissaient d'une ma

nière confuse le Messie, J.-C. Ce n'est que parmi les chrétiens, connaissant parfaitement J.-C., que l'homme a pu être parfaitement connu. Le dogme chrétien, Que, en J.-C., la divinité et l'humanité sont substantiellement unies, sans confusion de la substance, dans l'unité de la personne, a servi de lumière aux philosophes du christianisme et en particulier à saint Athanase, le véritable fondateur de la philosophie chrétienne, pour en conclure que dans l'homme l'âme et le corps sont unis substantiellement, sans confusion de substance, dans l'unité du même être. De sorte que le corps de l'homme est un corps parfait, mais il n'a d'être que par l'âme et dans l'âme, qui le fait exister : tout comme l'humanité en J.-C. est parfaite, mais elle n'a de personnalité que dans la personne et par la personne du Verbe en qui elle subsiste. C'est donc en considérant le dogme catholique qui nous présente J.-C. comme réunissant en lui deux natures, la nature divine et la nature humaine unies, non pas d'une manière accidentelle, mais d'une manière substantielle, et ne formant qu'un seul supposé; c'est dans cette lumière se reflétant du visage de J.-C. sur l'homme que nos savants ont reconnu l'homme, et qu'ils ont établi « que l'âme rationnelle et la chair ne sont que l'homme substantiellement un, de même que Dieu et l'homme ne sont qu'un substantiellement en J.-C. Sicut anima rationalis et caro unus est homo; ita Deus et homo unus est

Christus, » comme il est dit dans le symbole qui est attribué à saint Athanase.

Ainsi, M. F., c'est de l'autel que ces grands hommes ont puisé la lumière pour éclairer l'école ; c'est à la religion qu'ils ont emprunté la lumière pour éclairer la science; c'est à la parole de Dieu qu'ils ont emprunté la lumière pour s'expliquer la nature de l'homme; et c'est par ce moyen qu'ils ont eu le bonheur de connaître cette nature: Beati qui audiunt verbum Dei, et custodiunt illud.

10. Mais voyez aussi l'importance et la solidité de ces fondements de la science chrétienne. Dans l'ordre théologique, toutes les hérésies se résument dans ces deux catégories: Hérésies des fantasiaques, qui nient la réalité du corps ou l'humanité de J.-C., et hérésies des humanitaires, qui en nient la divinité. De même, dans l'ordre philosophique, toutes les erreurs se réduisent à celles-ci : Erreurs des matérialistes, qui nient la spiritualité de l'homme; erreurs des idéalistes, qui en nient la partie corporelle. Mais, encore une fois, comme toutes les hérésies sont, en matière de théologie, anéanties, pulvérisées par la doctrine catholique de l'unité substantielle de la divinité et de l'humanité en J.-C.; de même toutes les erreurs de la philosophie sont réfutées par la doctrine de la philosophie chrétienne : que l'homme n'est qu'un composé substantiel d'âme et de corps ; et toute la vraie

théologie comme toute la vraie philosophie se résument dans les mots de saint Athanase que je viens de citer: Sicut anima rationalis et caro unus est homo; ita Deus et homo unus est Christus.

que

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On reproche à la raison catholique du moyen âge

la philosophie résultant de cette dernière raison s'occupait trop souvent de questions fort peu importantes, tandis que la philosophie moderne ne s'occupe, dit-on, que de questions très-sérieuses.

Mais cela même, admis comme vrai, n'est, à y bien réfléchir, que l'éloge de la philosophie ancienne et la flétrissure de la philosophie moderne. Les philosophes chrétiens avaient un symbole commun de vérités; et, à l'aide de la lumière puisée dans la religion, dans le langage de la nature, dans les idées communes, qui sont le patrimoine de l'humanité, ils avaient décidé les plus graves questions de l'ordre philosophique. Il est donc trèsnaturel que quelquefois l'activité de l'intelligence se soit, à cette époque, exercée sur des sujets dont il n'est pas donné à tout le monde d'apprécier le prix et l'importance. Il est dans l'ordre du progrès de l'esprit humain que, après avoir saisi et assuré le nécessaire et l'utile, on poursuive le confortable, l'élégant, l'agréable, le gracieux, et même ce qui sent la futilité. C'est le riche qui

sa subsistance étant assurée se plaît à dépenser l'excédant de ses revenus en objets de luxe et d'amusement.

Mais quant à la philosophie moderne, qui, par sa séparation insensée de la religion, ayant, comme on le verra dans la prochaine conférence, perdu la connaissance de toute vérité, en est réduite à discuter s'il y a une seule vérité, et si l'homme a le moyen de l'atteindre; il est bien naturel qu'elle n'ait pas envie de s'occuper de questions secondaires; il est bien naturel qu'elle ait borné ses recherches à se rendre compte de l'existence de Dieu, de la spiritualité de l'âme, de la création du monde, puisqu'elle est tombée dans les ténèbres les plus épaisses, dans l'ignorance la plus complète à l'égard de ces premières vérités qui sont la nourriture essentielle, le pain de l'intelligence, et le fondement de toute science et de toute religion. Est-il étonnant que le pauvre, manquant de sa nourriture quotidienne, ait garde de s'amuser au jeu et au spectacle? Peut-on songer au dessert, lorsqu'on n'a pas même du pain à manger? Peut-on rêver le luxe, lorsqu'on n'a pas même des haillons pour se couvrir? Le prétendu sérieux des discussions de la philosophie moderne n'est donc que la preuve éclatante de sa pauvreté, de sa misère et de son dénûment. Au lieu de s'en enorgueillir, elle devrait en être confondue et humiliée; et sa prétention à s'en faire un titre de grandeur et de préférence, à l'égard de la philosophie chrétienne, est aussi sotte et stupide que la prétention qu'aurait le Hottentot, l'homme sauvage, de se préférer à l'Euro

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