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<«< Enfin, Dieu leur enseigna la manière de se conduire en leur donnant la science de la vie qu'ils devaient léguer comme un héritage à leurs descendants. Il établit avec eux, au moyen de sa grâce, une alliance éternelle d'amour, et leur en fixa les conditions dans la révélation qu'il leur fit de la sainteté de ses préceptes et de la sévérité de ses jugements (1). »

Ainsi donc, d'après cet admirable, ce magnifique, ce touchant passage des Livres Saints, Dieu a été pour le premier homme ce que nos parents, nos pères ont été pour nous. Nos parents, nos pères non-seulement nous ont donné la vie physique, qui consiste en l'union de l'âme avec le corps; mais ils nous ont donné aussi la vie intellectuelle, qui consiste en l'union de notre esprit avec la vérité. Oui, ce que tous les pères ont toujours fait pour leurs enfants dans la succession des temps, Dieu le fit lui-même, dans un seul instant, pour le premier homme. Lors donc que l'Écriture-Sainte nous dit que l'homme sortit AME VIVANTE des mains de son Créateur, Factus est in animam viventem (Gen. II),» il est manifeste que le Saint-Esprit a voulu nous dire que l'homme, dès le premier instant de sa création, commença à vivre de la

(1) « Addidit illis disciplinam, et legem vitæ hæreditavit illos.

<«< Testamentum æternum constituit cum illis, et justitiam et judicia ostendit illis,

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double vie qui lui est propre, de la vie du corps par l'âme, de la vie de l'âme par la vérité.

De ce grand fait de la révélation primitive, dont l'Écriture-Sainte nous atteste la vérité, le grand saint Thomas a donné la raison et les preuves. Et voici ce qu'il dit, dans son admirable traité DE LA SCIENCE DE L'HOMME PRIMITIF; De scientia primi hominis (Quæst. Disput.):

Adam a dû avoir, dès l'instant même où il fut créé, la science des choses naturelles, non-sculement dans son principe, mais aussi dans son terme; parce que Dieu le créa afin d'être le père de tout le genre humain, et que les enfants doivent recevoir de leur père, non-seulement l'être matériel par la génération, mais aussi la règle de la vie par l'instruction (1). Adam a donc dù se trouver parfait dans toutes ses parties, et par rapport au corps de sorte qu'il put tout de suite devenir père; et par rapport à l'esprit de sorte qu'il put tout de suite enseigner, en sa qualité d'instituteur de tout le genre humain (2).

(1) « Adam, in principio suæ conditionis, non solum oportuit « ut haberet naturalium cognitionem, quantum ad suum principium, sed etiam, quantum ad terminum : eo quod ipse con<< debatur ut pater totius generis humani. A patre enim filii << accipere debent non solum esse per generationem, sed et disciplinam per instructionem. »

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(2) « Oportuit in ipsa suî conditione, constitui in termino perfectionis: et quantum ad corpus, ut esset conveniens prin

cipium generationis; et quantum ad cognitionem, ut esset

On ne peut concevoir, on ne peut admettre que l'intelligence du premier homme immédiatement créé de Dieu fût une table rase, où la main du Créateur n'avait rien écrit. Comme il ne connut pas la faiblesse de l'enfance par rapport au corps, il ne connut pas non plus les ténèbres de l'ignorance par rapport à l'esprit. Il obtint dès le premier instant ce que nous obtenons successivement pendant tout le premier âge de la vie. Il reçut par l'opération divine ce que nous recevons par l'éducation humaine, un corps parfait, et un esprit doté de l'usage complet et parfait de la raison, et admirablement éclairé par la vérité (1). Il aurait été contraire à la perfection propre au premier des humains qu'il fût créé sans la plénitude de la science, et qu'il fût obligé d'apprendre cette science par le moyen des sens, successivement et avec beaucoup de peine (2).

Mais, indépendamment de la connaissance naturelle, Adam reçut aussi la connaissance de la

<< sufficiens cognitionis principium, in quantum erat totius ge<< neris humani instructor. »

"

(1) Sicut in corpore ejus nihil non erat explicitum in actu,

quod pertineret ad perfectionem corporis.... sic etiam opor

« tuit quod intellectus ejus non esset, in suî principio sicut

«

« tabula non scripta, sed haberet plenam notitiam ex divina operatione.

(2) « Erat contra perfectionem quæ primo homini debebatur, << ut conderetur sine plenitudine scientiæ, solummodo à sen« sibus scientiam accepturus. »

grâce (1) en tant qu'il connut, à l'instant, nonseulement toutes les choses naturelles que l'entendement humain peut connaître à l'aide des premiers principes, mais aussi beaucoup de choses surnaturelles, en vertu d'une révélation toute particulière que la raison humaine à elle seule ne peut atteindre (2).

Mais ne connaissant que par la révélation les choses de l'ordre surnaturel et divin, et ne les croyant que sur l'autorité de la parole de Dieu, qui lui avait parlé, il eut aussi, et il pratique, dès le premier instant, la foi (3).

Or voulez-vous savoir qui instruisit Adam au commencement du monde? C'est, dit Tertullien, la personne divine du Verbe qui devait se faire homme, c'est elle qui instruisit le premier homme; Deus in terris cum hominibus conversari non alius potuit nisi Sermo (Verbum) qui caro erat futurus (Advers. Prax.).

Ainsi, celui qu'aujourd'hui le Père éternel constitue pour notre maître à tous, celui-là même instruisit le premier homme de toutes les vérités de l'ordre intellectuel et moral, et même de l'ordre le plus élevé; car saint Thomas ajoute que Jésus

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(1) « In Adam duplex fuit cognitio naturalis et gratiæ. (2) Scivit etiam multa ad quæ vis primorum principiorum « non se extendit, sed ad hæc aliqualiter cognoscenda, adjuva

<< batur alia cognitione quæ est cognitio gratiæ.

(3) « Adam in primo statu fidem habuit. »

Christ instruisit Adam du mystère de son incarnation avant même qu'Adam eût péché ; Ante peccatum, Adam habuit fidem explicitam de Christi incarnatione, prout ordinabatur ad consummationem gloriæ (2, 2. q. II, a. 7) (1).

C'est donc, M. F., en écoutant ce même Verbe divin avant qu'il se fût fait homme; ipsum audite; c'est en s'appuyant sur cette révélation primitive du Verbe, conservée dans le monde par le Verbe, que la raison humaine marcha dès l'origine du monde. C'est soutenus par cette foi, éclairés par cette lumière, que les anciens patriarches fixèrent le culte public, développèrent la vérité, la défendirent, et la prêchèrent au monde : ce qui leur a valu le titre glorieux de CRIEURS PUBLICS DE LA JUSTICE, dans l'Écriture-Sainte (2).

C'est ce que l'apôtre saint Jean a voulu dire par ces paroles Le Verbe éternel est la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde; Lux vera quæ illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum (Joan., I, 9). Et c'est la lumière de cette révélation, de cette instruction primitive donnée par lui au premier homme, qui, du premier homme, par la tradition et le langage, s'est répandue dans tout le monde : comme par la génération s'est

(1) Cette doctrine se trouve développée dans la neuvième con. férence.

(2) « Noë, OCTAVUM JUSTITIÆ PRÆCONEM (Petr.). »

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