Quelques-unes des compositions qui sont ici imprimées appartiennent à des élèves de rhétorique du lycée Michelet. Les autres sont dues à des élèves du lycée de jeunes filles de Toulouse, où j'ai eu l'honneur de professer autrefois j'en dois la communication à l'éminente directrice de cet établissement, Mlle E. Baillaud; c'est un devoir et un plaisir pour moi de lui en marquer ici toute ma reconnaissance. Paris, le 22 avril 1891. Elle s'est embarquée tristement, regrettant de quitter la France. Elle échappe aux croisières anglaises et entre dans le port de Leith, par un temps brumeux, sans être attendue. A la nouvelle de son arrivée, la noblesse vient la recevoir pour la conduire à son palais d'Édimbourg. L'aspect sauvage et pauvre du pays, le misérable équipage de son cortège l'attristent jusqu'aux larmes. Elle arrive à Holyrood. Le soir les bourgeois d'Édimbourg viennent chanter des psaumes sous sa fenêtre en s'accompagnant sur des violons à trois cordes. Marie Stuart se sent tout à fait étrangère en son pays, dont elle n'a ni les mœurs ni les croyances, et pressent son funeste avenir. Il faut se représenter Marie Stuart, belle, intelligente, instruite, habituée à la vie délicate et somptueuse de la cour de France, à l'éclat des fêtes, à l'agrément des flatte ries spirituelles : séduisante créature faite pour la joie, le luxe et les arts, à qui Ronsard adressait des sonnets, et cinq ou six de ses poèmes, à qui il disait : Le jour que votre voile aux vagues se courba, Quand vos yeux étoilés, deux beaux logis d'amour Comment pourraient chanter les bouches des poètes, Quinze ou seize ans en France, est soudain disparue, Il faut vous représenter aussi la France de la Renaissance, avec ses délicieux châteaux, Chambord, Chenonceaux, Ecouen, Anet, les Tuileries; avec ses poètes et ses artistes, Ronsard, Du Bellay, Jean Goujon, Germain Pilon, Clouet, Jean Cousin, Delorme, Ducerceau, Palissy cette vie intense et splendide, où les passions mêmes et les vices. se décorent de grâce élégante, où la délicatesse de l'esprit, la finesse du sens esthétique voilent et ennoblissent la corruption. Et de cette France si radieuse et si belle, cette exquise et finé princesse est jetée dans la pauvre et sauvage Écosse. Tout était fait pour la blesser ou l'effrayer le climat brumeux et triste, les hautes maisons noires, les rues étroites et sales de la vieille ville d'Édimbourg, l'énorme édifice d'Holyrood, abbaye devenue château fort, prison plutôt que palais pour la jeune reine, les grandes salles gothiques aux murs nus, aux meubles rares et lourds, froides et pauvrement éclairées; et puis les hommes plus rudes encore que leur pays, Les grands lords montagnards avec leurs clans sauvages, ces highlanders dont le costume et les mœurs sont si peu en rapport avec les modes et la gaieté françaises; surtout la sévérité sombre des seigneurs et des bourgeois protestants, et les ministres en robes noires, à la parole dure et menaçante. Le fougueux John Knox avait enflammé le pays contre le pape et les cérémonies catholiques; déjà de tous côtés la Congrégation des seigneurs avait démoli églises et couvents, brûlé les ornements et les objets du culte, et même l'année précédente les États avaient établi dans le royaume le culte presbytérien. Représentez-vous donc ces trois objets la France et l'Écosse si dissemblables, et la reine en qui le regret du passé redouble l'horreur du présent. Essayez de rendre ce que doit éprouver son cœur tendre et délicat, le serrement de cœur qu'elle doit sentir en revoyant son payı natal. Ne vous est-il jamais arrivé de sortir d'une salle chaude, éclairée, joyeuse, toute pleine de gais propos et de sourires aimants, et de vous retrouver tout à coup dans la nuit froide, solitaire et muette? Ou bien, ne connaissezvous pas, si peu que vous ayez voyagé, la tristesse du départ d'un lieu qu'on aime, où l'on a été heureux, et l'inquiète appréhension de l'arrivée nocturne dans une ville inconnue, l'aspect sinistre des places désertes, le profil menaçant des hautes maisons, et l'angoisse déraisonnable qui serre le cœur, devant ces objets étrangers qui ne disent rien à l'âme? Enfin souvenez-vous, quand vous avez quelque part commencé une existence nouvelle, quand vous êtes entré à l'école, au collège ou au lycée, souvenez-vous de la curiosité effrayée dont vous avez scruté les murs de votre nouvelle maison et les visages de vos supérieurs et de vos camarades, de ce regard qui cherchait même dans les objets inanimés un peu de doux accueil et de bonté familière. Malgré la disproportion des choses, un peu de cette expérience personnelle mettra de la sincérité dans le récit, et y répandra plus de vraie couleur que tous les détails historiques et l'investigation curieuse des mœurs et coutumes écossaises. Charles-Quint paraît dans la grande salle du palais de Bruxelles, en présence des États généraux des 17 provinces, des membres des divers conseils, des grands de sa cour, des ambassadeurs étrangers, et du peuple: vêtu de deuil, entouré de sa famille, il s'appuie d'une main sur un bâton, de l'autre sur l'épaule du prince d'Orange. Il expose les raisons qui le déterminent à déposer le pouvoir ses travaux, ses souffrances, ses regrets. Il fait d'éloquentes recommandations à son fils, et brisé par la fatigue et l'émotion se laisse tomber sur un siège. (Dans cette séance solennelle, Charles-Quint transmit seulement les Pays-Bas à son fils: mais il annonça son intention de résigner aussi ses autres couronnes. Il remit peu après |