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au juge souverain de ces sortes de pièces, étant assemblée extraordinairement, a adopté celle-ci, l'a fait imprimer par son libraire, l'a mise dans ses archives ; si elle n'étoit pas en effet composée d'un style affecté, dur et interrompu, ni chargée de louanges fades et outrées, telles qu'on les lit dans les probogues d'opéras, et dans tant d'épîtres dédicatoires; il ne faut plus s'étonner qu'elle ait ennuyé Théobalde. Je vois les temps, le public me permettra de le dire, où ce ne sera pas assez de l'approbation qu'il aura donnée à un ouvrage pour en faire la réputation; et que pour y mettre le dernier sceau il sera nécessaire que de certaines gens le désapprouvent, qu'ils y aient bâillé.

I

Car voudroient-ils, présentement qu'ils ont reconnu que cette harangue a moins mal réussi dans le public qu'ils ne l'avoient espéré, qu'ils savent que deux libraires ont plaidé 1 à qui l'imprimeroit; voudroient-ils désavouer leur goût et le jugement qu'ils en ont porté dans les premiers jours qu'elle fut prononcée? Me permettroient-ils de publier ou seulement de soupçonner une tout autre raison de l'âpre censure qu'ils en firent, que la persuasion où

L'instance étoit aux requêtes de l'Hôtel. (La Bruyère.)

ils étoient qu'elle la méritoit? On sait que cet homme, d'un nom et d'un mérite si distingués, avec qui j'eus l'honneur d'être reçu à l'Académie Françoise, prié, sollicité, persécuté de consentir à l'impression de sa harangue par ceux mêmes qui vouloient supprimer la mienne et en éteindre la mémoire, leur résista toujours avec fermeté. Il leur dit « qu'il << ne pouvoit ni ne devoit approuver une distinction << si odieuse qu'ils vouloient faire entre lui et moi; « que la préférence qu'ils donnoient à son discours << avec cette affectation et cet empressement qu'ils « lui marquoient, bien loin de l'obliger, comme ils "pouvoient le croire, lui faisoit au contraire une véritable peine; que deux discours également in<< nocents, prononcés dans le même jour, devoient être imprimés dans le même temps. » Il s'expliqua ensuite obligeamment en public et en particulier sur le violent chagrin qu'il ressentoit de ce que les deux auteurs de la gazette que j'ai cités avoient fait servir les louanges qu'il leur avoit plu de lui donner à un dessein formé de médire de moi, de mon discours, et de mes Caractères ; et il me fit sur cette satire injurieuse des explications et des excuses qu'il ne me devoit point. Si donc on vouloit inférer de cette conduite des Théobaldes, qu'ils ont cru faus

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sement avoir besoin de comparaisons et d'une harangue folle et décriée pour relever celle de mon collègue, ils doivent répondre, pour se laver de ce soupçon qui les déshonore, qu'ils ne sont ni courtisans, ni dévoués à la faveur, ni intéressés, ni adu lateurs; qu'au contraire ils sont sincères, et qu'ils ont dit naïvement ce qu'ils pensoient du plan, du style, et des expressions de mon remerciement à l'Académie Françoise. Mais on ne manquera pas d'insister, et de leur dire que le jugement de la cour et de la ville, des grands et du peuple, lui a été favorable. Qu'importe? ils répliqueront avec confiance que le public a son goût, et qu'ils ont le leur : réponse qui ferme la bouche et qui termine tout différend. Il est vrai qu'elle m'éloigne de plus en plus de vouloir leur plaire par aucun de mes écrits: car, si j'ai un peu de santé avec quelques années de vie, je n'aurai plus d'autre ambition que celle de rendre, par des soins assidus et par de bons conseils, mes ouvrages tels qu'ils puissent toujours partager les Théobaldes et le public.

DISCOURS

PRONONCÉ

DANS L'ACADÉMIE FRANCOISE,

LE LUNDI 15 JUIN 1693.

MESSIEURS,

Il seroit difficile d'avoir l'honneur de se trouver au milieu de vous, d'avoir devant ses yeux l'Académie Françoise, d'avoir lu l'histoire de son établissement, sans penser d'abord à celui à qui elle en est redevable, et sans se persuader qu'il n'y a rien de plus naturel, et qui doive moins vous déplaire, que d'entamer ce tissu de louanges qu'exigent le devoir et la coutume, par quelques traits où ce grand cardinal soit reconnoissable, et qui en renouvellent la mémoire.

Ce n'est point un personnage qu'il soit facile de rendre ni d'exprimer par de belles paroles ou

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