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(3) Il me semble qu'on rendroit mieux le sens de cette phrase difficile en traduisant : « Dans une affaire dont << tout le monde convient qu'elle est juste, il insiste en« core sur un point insoutenable et sur lequel il est réfuté.»

(4) Le texte porte, «de forcer son valet à mêler avec << de l'eau plus de vin qu'on n'en pourra boire. » Les Grecs ne buvoient, jusque vers la fin du repas, que du vin ́mêlé d'eau; les vases qui servoient à ce mélange étoient une principale décoration de leurs festins. Le vin qui n'étoit pas bu de suite se trouvoit sans doute gâté par cette préparation.

(5) D'après une autre leçon, « de séparer des gens qui << se querellent. >>

(6) Il y a dans le grec, «pour le surlendemain. »

(7) La Bruyère a suivi la version de Casaubon; mais M. Coray a prouvé par d'excellentes autorités qu'il faut traduire simplement : « Dire qu'on lui en donne, pour de le guérir par ce moyen. »

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(8) Formule d'épitaphe. (La Bruyère.) Par cela même elle n'étoit d'usage que pour les morts, et devoit déplaire aux vivants auxquels elle étoit appliquée. On regardoit même en général comme un mauvais augure d'être nommé dans les épitaphes; de là l'usage de la lettre V, initiale de vivens, qu'on voit souvent sur les inscriptions sépulcrales des Romains devant les noms des personnes qui étoient encore vivantes quand l'inscription fut faite. ( Visconti.)

CHAPITRE XIV.

DE LA STUPIDITÉ.

La stupidité est en nous une pesanteur d'esprit (1) qui accompagne nos actions et nos discours. Un homme stupide, ayant lui-même calculé avec des jetons une certaine somme, demande à ceux qui le regardent faire à quoi elle se monte. S'il est obligé de paroître dans un jour prescrit devant ses juges, pour se défendre dans un procès que l'on lui fait, il l'oublie entièrement, et part pour la campagne. Il s'endort à un spectacle, et ne se réveille que long-temps après qu'il est fini, et que le peuple s'est retiré. Après s'être rempli de viandes le soir, il se lève la nuit pour une indigestion, va dans la rue se soulager, où il est mordu d'un chien du voisinage. Il cherche ce qu'on vient de lui donner, et qu'il a mis lui-même dans quelque endroit où souvent il ne le peut retrouver. Lorsqu'on l'ayertit de la mort de l'un de ses amis afin qu'il assiste à ses funérailles, il s'attriste, il pleure, il se

désespère; et prenant une façon de parler pour une autre: A la bonne heure, ajoute-t-il, ou une pareille sottise (2). Cette précaution qu'ont les personnes sages de ne pas donner sans témoins (3) de l'argent à leurs créanciers, il l'a pour en recevoir de ses débiteurs. On le voit quereller son valet dans le plus grand froid de l'hiver, pour ne lui avoir pas acheté des concombres. S'il s'avise un jour de faire exercer ses enfants à la lutte ou à la course, il ne leur permet pas de se retirer qu'ils ne soient tout en sueur et hors d'haleine (4). Il va cueillir lui-même des lentilles (5), les fait cuire; et oubliant qu'il y a mis du sel, il les sale une seconde fois, de sorte que personne n'en peut goûter. Dans le temps d'une pluie incommode, et dont tout le monde se plaint, il lui échappera de dire l'eau du ciel est une chose délicieuse (6): et si on lui demande par hasard combien il a vu emporter de morts par la porte Sacrée (7): Autant, répond-il, pensant peut-être à de l'argent ou à des grains, que je voudrois que vous et moi en pussions avoir.

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NOTES.

(1) Littéralement, « Une lenteur d'esprit. » La plupart des traits de ce Caractère seroient attribués aujourd'hui à la distraction, à laquelle les anciens paroissent ne pas avoir donné un nom particulier.

(2) Le traducteur a beaucoup paraphrasé ce passage. Le grec dit seulement : « Il s'attriste, il pleure, et dit: A << la bonne heure. >>

(3) Les témoins étoient fort en usage chez les Grecs dans les payements et dans tous les actes. (La Bruyère.) «Tout le monde sait, dit Démosthène, contra Phorm.,

«

qu'on va emprunter de l'argent avec peu de témoins, << mais qu'on en amène beaucoup en le rendant, afin de « faire connoître à un grand nombre de personnes com<< bien on met de régularité dans ses affaires. »

(4) Le texte grec dit : « Il force ses enfants à lutter et << à courir, et leur fait contracter des maladies de fatigue. » Théophraste a fait un ouvrage particulier sur ces maladies, occasionées fréquemment en Grèce par l'excès des exercices gymnastiques. Voyez le Traité de Meursius sur les ouvrages perdus de Théophraste.

(5) Le grec dit: «Et s'il se trouve avec eux à la <«< campagne, et qu'il leur fasse cuire des lentilles, il << oublie, etc. »

(6) Ce passage est évidemment altéré dans le texte, et La Bruyère n'en a exprimé qu'une partie en la paraphrasant. Il me semble qu'une correction plus simple que toutes celles qui ont été proposées jusqu'à présent seroit de lire τὸ ἀστρονομίζειν, et de regarder les mots qui suivent comme le commencement d'une glose, inséré mal à propos dans le texte; car dans le grec il n'est dit nulle part dans ce chapitre ce que disent ou font les autres. D'après cette correction, il faudroit traduire : « Quand il pleut, « il dit : Ah! qu'il est agréable de connoître et d'obser<< ver les astres! » La forme du verbe grec pourroit être rendue littéralement en françois par le mot astronomiser. Il faut convenir cependant que le verbe grec ne se trouve pas plus dans les dictionnaires que le verbe françois, et que la forme ordinaire du premier est un peu différente; mais en grec ces fréquentatifs sont très communs, et quelques manuscrits donnent une leçon qui s'approche beaucoup de cette correction. Le glossateur a ajouté, << Lorsque d'autres disent que le ciel est noir comme de << la poix. »>

(7) Pour être enterrés hors de la ville, suivant la loi de Solon. (La Bruyère.) Du temps de Théophraste, les morts étoient indifféremment enterrés ou brûlés, et ces deux cérémonies se faisoient dans les champs céramiques mais ce n'étoit pas par la porte Sacrée, ainsi nommée parcequ'elle conduisoit à Eleusis, qu'on se rendoit à ces champs. Il me paroît donc qu'il faut adopter la Correction erias, la porte des tombeaux. M. Barbié du Bo

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