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d'Antipater; et l'on sait que Théophraste fut fort lié avec le fils de ce dernier.

(3) Voyez sur l'âge de Théophraste la note 2 du Dis cours sur ce philosophe; c'est encore un passage où cet avant-propos paroît avoir été altéré.

nonce que

(4) Théophraste avoit dessein de traiter de toutes les vertus et de tous les vices. (La Bruyère.) Cette opinion n'est fondée que sur une interprétation peu exacte de la phrase suivante de cette Préface, dans laquelle on n'a pas fait attention que le pronom défini ne peut se rapporter qu'aux méchants; cette opinion est d'ailleurs combattue par la fin de ce même avant-propos où l'on n'andes Caractères vicieux; et il n'est pas à croire que s'il en avoit existé de vertueux, ceux qui nous ont transmis cet ouvrage en auroient fait le triage pour les omettre. Nous voyons aussi par un passage d'Hermogene, de formis orationis (Lib. 11, cap. 1), que l'épithète tixOÌ, que Diogène Laerce et Suidas donnent aux Caractères de Théophraste, s'applique spécialement aux Caractères vicieux; car cet auteur dit qu'on appelle particulièrement de ce nom les gourmands, les peureux, les avares, et des caractères semblables.

Au lieu de << Il semble, etc.» il faut traduire, « J'ai «< cru devoir écrire sur les mœurs des uns et des autres; « je vais te présenter une suite des différents Caractères << que portent les derniers, et t'exposer les principes de «<leur conduite. J'espère, etc. » Après avoir composé beaucoup d'ouvrages de morale qui traitoient sur-tout

des vertus, notre philosophe veut aussi traiter des vices. Du reste, la tournure particulière de cette phrase semble avoir pour objet de distinguer ces tableaux des satires personnelles.

(5) Plus littéralement : « J'espère, mon cher Polyclès, << que nos enfants en deviendront meilleurs, si je leur << laisse de pareils écrits qui puissent leur servir d'exemple « et de guide pour choisir le commerce et la société des << hommes les plus parfaits, afin de ne point leur rester <<< inférieurs. >>

DE THEOPHRASTE.

CHAPITRE PREMIER.

DE LA DISSIMULATION.

La dissimulation (1) n'est pas aisée à bien définir si l'on se contente d'en faire une simple description, l'on peut dire que c'est un certain art de composer ses paroles et ses actions pour une mauvaise fin. Un homme dissimulé se comporte de cette manière : Il aborde ses ennemis, leur parle, et leur fait croire par cette démarche qu'il ne les hait point: il loue ouvertement et en leur présence ceux à qui il dresse de secrètes embûches; et il s'afflige avec eux s'il leur est arrivé quelque disgrâce: il semble pardonner les discours offensants que l'on lui tient: il récite froidement les plus horribles choses que l'on aura dites contre sa réputation; et il emploie les paroles les plus flatteuses pour adoucir ceux qui se

plaignent de lui, et qui sont aigris par les injures qu'ils en ont reçues. S'il arrive que quelqu'un l'aborde avec empressement, il feint des affaires, et lui dit de revenir une autre fois : il cache soigneusement tout ce qu'il fait; et, à l'entendre parler, on croiroit toujours qu'il délibère ( 2 ) ; il ne parle point indifféremment; il a ses raisons pour dire tantôt qu'il ne fait que revenir de la campagne, tantôt qu'il est arrivé à la ville fort tard, et quelquefois qu'il est languissant, ou qu'il a une mauvaise santé. Il dit à celui qui lui emprunte de l'argent à intérêt, ou qui le prie de contribuer de sa part à une somme que ses amis consentent de lui prêter (3), qu'il ne vend rien, qu'il ne s'est jamais vu si dénué d'argent; pendant qu'il dit aux autres que le commerce va le mieux du monde, quoiqu'en effet il ne vende rien. Souvent, après avoir écouté ce qu'on lui a dit, il veut faire croire qu'il n'y a pas eu la moindre attention: il feint de n'avoir pas aperçu les choses où il vient de jeter les yeux, ou, s'il est convenu d'un fait, de ne s'en plus souvenir. Il n'a pour ceux qui lui parlent d'affaires que cette seule réponse, j'y penserai. Il sait de certaines choses, il en ignore d'autres; il est saisi d'admiration ; d'autres fois il aura

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