.. dont il & ralliant ceux qui fe fauvoient après lui, il fit le tour de la Ville, & trouvant encore ouverte la porte par où les Gyrifoeniens étoient entrés à la fourdine, il ne fit pas la même faute qu'ils avoient faite, car il y plaça un corps de Garde, fe rendit maître enfuite de tous les quartiers, & paffa au fil de l'épée tous ceux qui étoient en âge de porter les armes. Cette Strategeme execution faite, il commanda à fes Soldats de quitter leurs armes & leurs habits, & de prendre les armes & les habits des Barbares qu'ils avoient tués, tant des habitans de Gaftulon, que de ces Gyrifoeniens, & de le fuivre à la Ville d'où ces derniers étoient fortis pour les affaillir la nuit. Les Barbares trompés par la vue de ces habits & de ces armes, qu'ils connoiffoient, ouvrirent leurs portes, & for. tirent en foule au devant d'eux pour les rece❤ voir, croyant que c'étoient leurs gens & leurs voifins qui venoient fe réjouir après avoir heureusement executé leur entreprise. Les Romains en tuerent une grande partie près des portes, & les autres s'étant rendus à difcre tion, furent vendus. Sertorius Dommé Quefteur de tour du Pô. Cette action rendit le nom de Sertorius ceJebre dans toute l'Espagne, & à fon retour il la Gaule at fut d'abord nommé Quefteur de la Gaule qui' eft autour du Po. Ce qui fut très-heureux pour La troi fieme Rome, car la guerre des Marfes, qu'on ap-olympiadel année de CLXXII. pel- ans avant plus honorable & plus briguée, comme nous le voyons dans le X. Liv. de l'Iliade où Ulyffe & Diomede vont efpions dans le camp des Troyens, & où les Generaux & les Princes mêmes s'offrent pour fuivre Ulyffe, & fe difputent la gloire d'être choifis. Dans P'Ecriture Sainte on voit Gedeon defcendre efpion dans le camp de Mar dian, N.S. œil dans un combat. pella la guerre des confederés, guerre trèsdangereufe & très-redoutable, s'éleva en ce temps-là, & Sertorius eut ordre de lever des Soldats & de faire forger des armes. Il s'acquitta de cette commiffion avec tant de foin & de diligence au prix de la molleffe & de la lenteur des autres jeunes gens, qu'il fit juger que toute fa vie il feroit actif, diligent, & homme d'execution. Quand il eut obtenu le grade de Capitaine, il ne modera pas davantage fon audace guer riere, que lorfqu'il n'étoit que fimple Soldat, mais il fit des coups, de main admirables, & I perd un s'expofa toûjours aux plus grands perils fans fe ménager. En fe hazardant ainfi fans aucune retenuë il perdit un œil dans un combat; & bien loin d'avoir honte de cette difformité, il en fit gloire toute fa vie, difant que les autres ne portoient pas toûjours avec eux les témoignages de leur valeur, & qu'ils quittoient fouvent les chaînes, les carquans, les piques & les couronnes, dont ils avoient été honorés, mais que pour lui il portoit toûjours les marques de fon courage, & que tous ceux qui voyoient fa perte étoient en même temps fpectateurs de fa vertu. Auffi le Peuple lui fit-it tout l'honneur que meritoit fon action. Car la premiere fois qu'il entra dans le Theatre, il le reçut avec de grands battemens de mains, Honneur que des acclamations & de grandes louanges, honneur que les plus vieux Capitaines, ceux qui avoient le mieux fervi, & qui s'étoient acquis le plus de gloire par les armes, avoient de la peine à obtenir. Jui fait le Peuple la premiere fois qu'il entre dans Tribunat, & Il brigue le Malgré cette diftinction, quand il brigua le en eft exclus Tribunat, il en fut exclus par la faction de par la fac sion de Sylla. Syl la haine toûjours pour lui Ca. Octavius Sylla, qui lui fut contraire, & c'est de là apparemment que nâquit cette haine irreconci- Source de liable que Sertorius eut toujours pour Sylla. odours Car après que Marius, vaincu par Sylla, eut pris la fuite, que Sylla fut parti pour aller faire la guerre à Mithridate, & qu'on eut vu que des deux Confuls, Octavius demeuroit ferme Des Confuls dans le parti de Sylla, & que Cinna, qui ne Nepos & L cherchoit que des nouveautés, faifoit tous les efforts pour reffufciter la faction de Marius, Sertorius fe joignit à ce dernier, d'autant plus même qu'il voyoit qu'Octavius n'agiffoit qu'avec lenteur, & qu'il fe défioit des amis de Marius. 85. J. C. fo à Cinna. Sertorius Octavius ce Marius re Quelque temps après il y eut fur la place même de Rome un furieux combat. Octavius eut l'avantage, Cinna & Sertorius, après a-, Cinna læ voir perdu environ dix mille hommes, furent batrus par obligés de s'enfuir. Mais ayant gagné & raf- danse femblé par leurs belles paroles & par leurs grandes promeffes la plupart des gens de guerre, qui étoient répandus dans toute l'Italie, ils fe trouverent bientôt affez forts pour aller combattre encore Octavius. Dans ce tempslà Marius, arrivé d'Afrique, vint fe ranger venu d'Afri auprès de Cinna, comme un Particulier au- ca près de fon Conful. Tous les Officiers de Cinna étoient d'avis qu'il falloit le recevoir; Sertorius feul s'y oppofoit, foit qu'il crût que s'oppofit le credit & la confideration, qu'il avoit au- Cinna recue près de Cinna, diminueroient confiderable- raifons qu'i ment, quand Cinna auroit auprès de lui un avoiz homme fi fuperieur & beaucoup plus grand Capitaine, foit qu'il craignît que Marius par fes cruautés & par fes violences ne brouillât & ne ruinât encore leurs affaires, car jufques dans que fe joins Sertorius ce Marius Les pouvoit rême dans tesque Ser à Cinaa. dans la victoire il fe laiffoit tellement emporMarius ex- ter à fa colere, qu'il ne pouvoit moderer fon fa colere. reffentiment, & qu'il le pouffoit au delà de toutes les bornes de la raifon & de la juftice. Remontran-Il leur difoit donc qu'avec le grand avantage torius faifoit qu'ils avoient déja, ce qui leur reftoit à faire étoit peu de chofe,& que s'ils recevoient Marius, non feulement il remporteroit feul toute la gloire de leurs fuccès, mais qu'il attireroit à lui toute la puiffance, étant naturellement homme difficile, qui ne fouffroit pas volontiers que quelqu'un voulût entrer en partage de fon autorité, & d'ailleurs très-infidelle quand il s'agiffoit de fes interêts. fe de Serto Cinna lui répondit que toutes fes raisons & fes remontrances lui paroiffoient très-bonnes, mais en même temps il lui avoua qu'il avoit honte & qu'il faifoit grande difficulté de rejetter Marius après l'avoir appellé lui-même & l'avoir follicité de venir prendre part à fes afBelle répon faires & à fes dangers. Sertorius, l'interromCin pant alors, lui dit: Mais moi, je croyois que Marius étoit venu de fon propre mouvement en Italie, c'eft pourquoi dans le confeil que je vous donnois, je n'avois égard qu'à ce qui me paroiffoit utile. Mais puifque c'est vous-même qui l'avez fait venir, & qu'il n'est ici que par vos "It n'eft pas ordres, il ne vous a pas été permis même de deliberer fur deliberer, & le feul parti qui vous refte, c'est de le recevoir & de vous en fervir. La bonne Permis de ce qu'on a foi 6. Il ne vous a pas été permis même de deliberer.] Car ceux qui deliberent fur une chofe, qui eft manifeftement contre leur devoir, ont grande envie de la faire, & font déja vaincus. Qui deliberant desciverunt, dit fort bien Ta cite. 7. La bonne foi ne souffre ni raisonnement, ni incertitude. } C'eft foi ne fouffre ni raisonnement, ni incerti- La bonne tude. foi ne fouf. fre ni raifonnement, Di incerti & cruautés de Marius Sertorius Marius fes reproche à Cinna fit donc venir Marius. D'abord ils de firent trois armées, & ils commanderent chacun un de ces corps. La victoire s'étant declarée pour eux, Cinna & Marius commirent Infolences tant d'infolences & de cruautés, que les maux de Cinna & de la guerre parurent aux Romains de grands biens au prix des miferes qu'ils fouffroient. Sertorius fut le feul qui après la victoire ne fit mourir aucun homme par un reffentiment particulier, & qui ne fit aucun outrage à perfonne; au contraire il s'emporta contre Marius, & lui reprocha fes cruautés, & prenant à part Cinna, & ufant auprès de lui de prieres & de remontrances, il fit tant qu'il le rendit plus doux & plus moderé. Enfin voyant que les Efclaves, dont Marius avoit fait fes Alliés pour la guerre, & qu'il avoit retenus enfuite pour les Satellites & les Miniftres de fa tyran-11 parle deb nie, étoient en très-grand nombre, & qu'ils Marius qui fe rendoient tous les jours plus redoutables diens. * la par les excès qu'ils commettoient, foit par la rius permiffion & par les ordres mêmes de Marius, foit par leur propre infolence en fe portant contre leurs Maîtres à toutes fortes d'injuftices jufqu'à les égorger, à abufer de leurs maîtreffes, & à violer leurs enfans, il trouva ve cette licence fi infupportable, qu'il les fit tous avet enrol tuer à coups de fleches dans le camp où ils felé qui cruautés, & rend Cinna plus doux. Satellites de Pellés Bar Vie de Ma Il fait que Marius toient toutes re- fortes d'infalences. C'est un beau mot. Lorfqu'il s'agit de la bonne foi, il n'eft plus permis de raifonner ni d'être irrefolu; il faut la garder. Cette réponse fait grand honneur à Sertorius, & d'autant plus, d'honneur que les remontrances qu'il faifoit à Cinna, étoient justes & très-fondées, |